Amériques. Les membres de l’Organisation des États américains doivent combattre la réduction de l’espace civique dans la région

Les États des Amériques doivent se préoccuper de la réduction de l’espace civique dans la région et s’attacher à mettre un terme aux politiques répressives afin de répondre aux revendications sociales de la population du continent, a déclaré Amnesty International dans une lettre ouverte adressée aux chefs d’État participant à la 53e Assemblée générale de l’Organisation des États américains (OEA).

« La région ne peut pas continuer sur la voie de la répression des manifestations, de la militarisation des frontières et de la sécurité des citoyen·ne·s, de la destruction de l’environnement et de la non-protection des communautés historiquement marginalisées telles que les peuples autochtones et les défenseur·e·s des droits humains », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International. « Les chefs d’État des Amériques doivent changer de cap et chercher des solutions afin de créer un continent plus libre et plus sûr, dans le plein respect des droits fondamentaux de tous et de toutes. »

Le recours excessif à la force afin de réprimer les revendications sociales, que l’on a pu observer dans plusieurs pays du continent, notamment récemment au Pérou, figure en bonne place parmi les préoccupations d’Amnesty International. Les États des Amériques doivent garantir que les personnes puissent exercer leur droit de manifester pacifiquement et que toute force déployée par les membres des forces de sécurité soit nécessaire, légitime et strictement proportionnée dans le cadre du contrôle des manifestations. L’organisation demande par ailleurs aux États de mettre fin aux détentions arbitraires, aux exécutions illégales, à la torture et aux autres formes de mauvais traitements, qui sont monnaie courante dans une grande partie de la région.

Un autre problème auquel les États de la région doivent s’attaquer d’urgence est celui des mouvements de personnes et de la nécessité d’une protection internationale, en particulier dans le cas des personnes fuyant les crises des droits humains dans des pays tels que le Venezuela, Cuba, Haïti, le Nicaragua, le Honduras, le Salvador et le Guatemala. Il est alarmant que des politiques migratoires restrictives, voire inhumaines, telles que celles des États-Unis, du Mexique, du Pérou et du Chili, aient mis en danger des personnes ayant besoin d’une protection internationale. Ces pays devraient plutôt s’employer à coopérer afin de trouver des solutions à la crise humanitaire qui sévit aux différentes frontières du continent.

La région ne peut pas continuer sur la voie de la répression des manifestations, de la militarisation des frontières et de la sécurité des citoyen·ne·s, de la destruction de l’environnement et de la non-protection des communautés historiquement marginalisées telles que les peuples autochtones et les défenseur·e·s des droits humains

Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International

Amnesty International estime également que les États doivent adopter d’autres démarches que la militarisation, qui est devenue la norme dans plusieurs pays de la région, pour faire face aux crises de sécurité publique. Le recours aux forces armées pour assurer la sécurité publique s’est accentué dans des pays comme le Mexique et l’Équateur, ce qui engendre des situations graves de violations des droits humains, sans que les États s’attaquent aux causes profondes de la violence criminelle.

Les États doivent prendre des mesures urgentes afin de protéger les défenseur·e·s des droits humains, car le continent américain reste le plus dangereux pour ces derniers.

Selon Front Line Defenders, la Colombie a été le pays le plus meurtrier au monde pour les défenseur·e·s des droits humains en 2022, avec au moins 186 meurtres, suivie par le Mexique (45), le Brésil (26) et le Honduras (17).

La crise climatique est un autre danger menaçant la région. Bien que les effets du changement climatique sur les communautés rurales et historiquement marginalisées soient de plus en plus manifestes, les efforts des États sont pour l’instant insuffisants et n’ont pas permis de remédier à la dépendance aux combustibles fossiles, cause principale de la crise.

Les États n’en font par ailleurs pas assez pour garantir les droits des peuples autochtones des Amériques. L’année dernière, Amnesty International a recueilli des informations sur les assassinats de dirigeant·e·s autochtones dans des pays tels que le Brésil, la Colombie, l’Équateur et le Mexique, survenus sur fond de conflits en relation avec la terre. Parallèlement, différents États attribuent ou ont attribué des concessions à des entreprises nationales et multinationales pour la mise en œuvre de projets dans les secteurs de l’extraction, de l’agriculture et des infrastructures, sans avoir obtenu au préalable le consentement libre et éclairé des peuples autochtones concernés.

La violence et la discrimination à l’égard des femmes, des filles et des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées est un autre problème se posant de longue date qui nécessite une réponse ferme. Les États de la région ne s’attaquent toujours pas de manière adéquate aux niveaux extrêmement élevés de violence fondée sur le genre, y compris les féminicides, et plusieurs États ont pris des mesures qui mettent en péril les droits sexuels et reproductifs.

Enfin, l’Assemblée générale devra élire quatre personnes pour qu’elles siègent à la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Face au retrait des candidatures de quatre pays, Amnesty International exhorte les États des Amériques à élire des personnes hautement qualifiées, respectant les principes d’aptitude, d’impartialité, d’indépendance et de compétence reconnue en matière de droits humains, et à veiller à ce que la nomination et le retrait des candidatures s’appuient fermement sur le cadre juridique interaméricain.