Des atteintes aux droits humains dénoncées par la grande campagne mondiale Écrire pour les droits

De plus en plus, les personnes qui s’opposent ouvertement à des dirigeants s’exposent à des sanctions ou à des poursuites judiciaires, a déclaré Amnesty International vendredi 4 décembre 2015, à l’occasion du lancement de la plus grande campagne mondiale en faveur des droits humains. 

Pendant la campagne Écrire pour les droits, qui durera cette année du 4 au 17 décembre, des centaines de milliers de sympathisants et de militants d’Amnesty International à travers le monde enverront des lettres, des courriels, des SMS, des fax et des messages sur Twitter afin de demander la libération de militants emprisonnés pour avoir exprimé pacifiquement des opinions dissidentes, de témoigner leur soutien envers des personnes victimes de torture et d’attirer l’attention sur d’autres atteintes aux droits humains. 

Lorsque des centaines de milliers de personnes proclament leur soutien envers un défenseur des droits humains, l’impact est énorme.

Salil Shetty, secrétaire général d'Amnesty International

« Notre campagne sera l’occasion pour des gens venus d’horizons divers de se rassembler dans le but de mener des actions militantes intéressantes et efficaces, a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International. 

« Lorsque des centaines de milliers de personnes proclament leur soutien envers un défenseur des droits humains, l’impact est énorme. Cela donne au militant concerné la force de continuer. Cela permet aussi de montrer à ses oppresseurs qu’ils ne peuvent pas commettre leurs crimes en secret et que le monde entier les observe, attendant de voir ce qu’ils feront ensuite. Chaque lettre, chaque courriel, chaque signature que les autorités reçoivent permet de fissurer une armure autrement impénétrable et de réduire petit à petit le pouvoir de ces autorités qui bafouent les droits humains. » 

L’année 2014 a été une année record pour Écrire pour les droits : des centaines de milliers de personnes dans plus de 200 pays et territoires ont envoyé 3 245 565 messages de soutien ou d’appel à l’action au sujet des 12 personnes et groupes de personnes victimes d’atteintes aux droits humains. Le blogueur saoudien emprisonné Raif Badawi a reçu plus d’un million de messages de soutien depuis que son histoire a été mise en avant dans le cadre de cette campagne. 

Manifestation en faveur du blogueur saoudien Raif Badawi en Finlande lors d'Écrire pour les droits 2014
Manifestation en faveur du blogueur saoudien Raif Badawi en Finlande lors d'Écrire pour les droits 2014

Des prisonniers relâchés et graciés grâce à cette campagne de solidarité

Cette campagne annuelle a permis d’obtenir de grandes victoires. Le 28 mai 2015, Emmanuel Uduaghan, gouverneur de l’État du Delta (Nigeria), a gracié le Nigérian victime de torture Moses Akatugba, après avoir reçu des demandes de grâce adressées par 800 000 sympathisants d’Amnesty International. Moses Akatugba avait été condamné à mort pour vol à main armée sur la base d’« aveux » obtenus sous la torture. Il était accusé d’avoir volé trois téléphones portables, une infraction qu’il nie avoir commise. 

Sans les milliers de lettres envoyées pour me soutenir, je n’aurais sans doute jamais pu être gracié.

Moses Akatugba, victime de torture

« J’ai été arrêté, torturé et emprisonné alors que j’avais seulement 16 ans. J’ai été condamné à mort, a expliqué le jeune homme dans un courrier adressé aux sympathisants d’Amnesty International. Sans les milliers de lettres envoyées pour me soutenir, je n’aurais sans doute jamais pu être gracié. » 

L’édition 2013 d’Écrire pour les droits a permis d’obtenir la libération de trois prisonniers d’opinion : la militante cambodgienne en faveur du droit au logement Yorm Bopha, le dirigeant communautaire Tun Aung au Myanmar, et le manifestant russe Vladimir Akimenkov. Les autorités ont reçu des centaines de milliers de lettres et de pétitions de la part des sympathisants d’Amnesty International. 

La liberté d’expression menacée

L’édition 2015 d’Écrire pour les droits montre bien les restrictions croissantes qui pèsent sur la liberté d’expression en appelant à la libération de plusieurs personnes incarcérées ou risquant une peine de prison pour avoir exprimé pacifiquement des opinions dissidentes :

  • Ouzbékistan : Mouhammad Bekjanov est l’un des journalistes emprisonnés depuis le plus longtemps au monde (avec son collègue Youssouf Rouzimouradov, incarcéré lui aussi en 1999).
  • Malaisie : Le caricaturiste politique Zulkiflee Anwar Ulhaque, ou « Zunar », risque une lourde peine de prison au titre de la Loi relative à la sédition pour avoir publié sur Twitter des messages critiquant le système judiciaire malaisien.
  • Myanmar : Phyoe Phyoe Aung, dirigeante de l’un des syndicats étudiants les plus importants au Myanmar, fait partie des 54 étudiants et manifestants arrêtés pour leur implication dans un mouvement de protestation organisé le 10 mars 2015.
  • République démocratique du Congo : Les militants pacifiques Yves Makwambala et Fred Bauma, arrêtés lors d’une conférence de presse, sont accusés d’avoir formé une bande criminelle et tenté de renverser le gouvernement et attendent d’être jugés.
  • Arabie saoudite : L’avocat Waleed Abu al Khair purge une peine de 15 ans de réclusion assortie d’une interdiction de voyager de la même durée et d’une amende en raison de son militantisme pacifique. Avant d’être incarcéré, cet homme a défendu bon nombre de victimes d’atteintes à leurs droits humains en Arabie saoudite, y compris Raif Badawi, qui faisait partie des cas mis en avant lors de la précédente édition de la campagne. 

« Nous constatons une répression croissante de la dissidence dans bien des pays. Les gouvernements s’en prennent à leurs détracteurs les plus virulents, qui sont arrêtés et jugés, dans le but de bien faire comprendre que s’exprimer ouvertement peut coûter très cher. Bon nombre de gouvernements ont très peur du pouvoir du peuple et réagissent en essayant de limiter ce pouvoir, a déclaré Salil Shetty. 

« Plus que jamais, nous devons nous montrer solidaires des personnes courageuses qui se battent pour les droits humains en dépit des risques. Les défenseurs des droits humains sont peut-être les victimes immédiates de la répression, mais nous en paierons tous le prix si nous venons à vivre dans une société où nous aurons peur d’exprimer nos opinions. » 

Bon nombre de gouvernements ont très peur du pouvoir du peuple et réagissent en essayant de limiter ce pouvoir.

Salil Shetty

L’année dernière, d’après le rapport annuel 2014 d’Amnesty International, près de trois quarts des États (119 sur les 160 couverts dans le rapport) restreignaient arbitrairement la liberté d’expression, y compris la liberté de la presse, notamment en obligeant des journaux à fermer et en s’en prenant aux journalistes.