Réagissant à l’arrêt rendu par la Cour internationale de justice (CIJ) vendredi 24 mai, qui a ordonné à Israël de mettre immédiatement fin aux opérations militaires dans le gouvernorat de Rafah, après la demande de mesures conservatoires supplémentaires déposée par l’Afrique du Sud dans le cadre de sa plainte contre Israël pour génocide, Heba Morayef, directrice pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré :
« L’arrêt rendu par la Cour internationale de justice – la principale instance judiciaire des Nations unies – a été d’une clarté absolue : les autorités israéliennes doivent complètement cesser les opérations militaires à Rafah, car toute action militaire en cours pourrait constituer un acte potentiel de génocide. Il ne fait aucun doute que l’incursion terrestre et les déplacements forcés de masse qu’elle a entraînés font peser un risque supplémentaire de préjudice irréparable sur les droits du peuple palestinien qui sont protégés par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et menacent encore davantage sa destruction physique, en tout ou en partie.
« Près de quatre mois se sont écoulés depuis que la CIJ a indiqué pour la première fois des mesures conservatoires dans l’affaire opposant l’Afrique du Sud à Israël. Entretemps, la situation humanitaire des Palestinien·ne·s s’est aggravée de manière exponentielle ; 35 000 d’entre eux ont été tués, les preuves d’attaques illégales contre des civil·e·s s’accumulent et les Nations unies ont déclaré la famine à Gaza, tandis que l’aide humanitaire continue à manquer cruellement.
« Malgré ces faits, les autorités israéliennes ont poursuivi leur projet d’opération terrestre à Rafah, ignorant les mises en garde répétées sur l’impact catastrophique qu’elle aurait sur les civil·e·s palestiniens – dont la plupart ont déjà été déplacés de force à plusieurs reprises -, ainsi que sur l’ensemble du système d’aide humanitaire de Gaza. L’incursion terrestre dans l’est de Rafah a déjà causé le déplacement forcé de plus de 800 000 Palestinien·ne·s et la fermeture de l’hôpital Abu Yousef al Najjar, le plus grand du gouvernorat.
« Il est important de souligner que la Cour a dénoncé la mascarade des “zones de sécurité”, que les autorités israéliennes ont utilisées pour conférer à leurs opérations un vernis de légalité. Les zones vers lesquelles Israël a forcé la population à “évacuer”, en particulier al Mawasi, sont bien trop démunies pour accueillir un tel afflux de personnes et ne satisfont pas les normes les plus élémentaires relatives à des conditions de vie sûres et dignes, notamment concernant les quantités nécessaires d’eau, d’installations d’assainissement, de nourriture, de médicaments et d’abris. Les agissements d’Israël, notamment la fermeture du poste-frontière de Rafah le 7 mai, montrent que, loin de protéger les civil·e·s de Gaza, ses forces ont mené de manière répétée des politiques cruelles et inhumaines, et fait preuve d’un mépris choquant pour la vie de Palestinien·ne·s se trouvant face à un risque réel de génocide.
L’arrêt rendu par la Cour internationale de justice – la principale instance judiciaire des Nations unies – a été d’une clarté absolue : les autorités israéliennes doivent complètement cesser les opérations militaires à Rafah, car toute action militaire en cours pourrait constituer un acte potentiel de génocide
Heba Morayef, Amnesty International
« La Cour a statué, et il est temps qu’Israël et tous les États agissent conformément aux obligations qui leur incombent en vertu de la Convention sur le génocide. Israël doit immédiatement mettre fin à ses opérations terrestres à Rafah – et à ses opérations militaires dans l’ensemble de la bande de Gaza -, et garantir un accès sans entrave à l’aide et aux services humanitaires.
La Cour a également ordonné à Israël d’autoriser un accès sans entrave à des missions d’établissement des faits, des commissions d’enquête des Nations unies, des enquêteurs et des journalistes, afin de préserver les éléments de preuve et d’enregistrer les conditions sur le terrain à Gaza, ainsi que mener des investigations indépendantes et impartiales sur d’éventuelles violations de la Convention sur le génocide.
« Compte tenu des ordres précédents, cette décision n’est plus un “signal d’alarme” pour l’ensemble des États, mais une nouvelle affirmation sans équivoque de leur obligation légale de prévenir le génocide, selon laquelle ils sont tenus de veiller à ce que toutes les mesures provisoires de la CIJ soient dûment mises en œuvre. Les alliés d’Israël doivent utiliser tous les moyens dont ils disposent afin d’influencer les actions d’Israël, dans le but de mettre un terme aux opérations terrestres à Rafah et de faire pression pour que toutes les parties concluent un cessez-le-feu immédiat et durable.
« Un cessez-le-feu reste le moyen le plus efficace d’alléger les immenses souffrances des civil·e·s et de garantir que les mesures de la CIJ, notamment son appel à la libération immédiate et inconditionnelle des otages détenus par le Hamas et d’autres groupes armés, puissent réellement être mises en œuvre afin de prévenir un génocide contre les Palestinien·ne·s. »