Le citoyen saoudien Hassan Al Rabea, arrêté à l’aéroport de Marrakech au Maroc alors qu’il se rendait en Turquie le 14 janvier, ne doit pas être renvoyé en Arabie saoudite où il risquerait de subir des actes de torture et autres violations des droits humains, a déclaré Amnesty International le 26 janvier 2023.
Interpellé à la demande de l’Arabie saoudite, Hassan Al Rabea est inculpé d’avoir « collaboré avec un terroriste en l’aidant à quitter illégalement le Royaume » d’Arabie saoudite, semble-t-il en lien avec le fait qu’il a tenté d’aider l’un de ses frères à fuir le royaume.
Nous en appelons directement au Premier ministre du Maroc pour qu’il s’abstienne de prendre cette décision. Si Hassan Al Rabea est renvoyé de force, il sera exposé au risque de subir de graves violations des droits humains, notamment des actes de torture et autres mauvais traitements.
Amna Guellali
« Le Premier ministre du Maroc Aziz Akhannouch pourrait décider à tout moment d’extrader Hassan Al Rabea vers l’Arabie saoudite. Nous en appelons directement à M. Akhannouch pour qu’il s’abstienne de prendre cette décision. Si Hassan Al Rabea est renvoyé de force, il sera exposé au risque de subir de graves violations des droits humains, notamment des actes de torture et autres mauvais traitements », a déclaré Amna Guellali, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
L’extradition d’Hassan Al Rabea constituerait une mesure de refoulement, à savoir le transfert d’une personne vers le territoire d’un État où elle risque d’être persécutée ou de subir de graves violations des droits humains. Or, le droit international interdit le refoulement. Le Maroc a l’obligation absolue au titre du droit international coutumier et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de ne pas procéder au transfert d’une personne vers un autre État où il y a de fortes raisons de croire qu’elle sera en danger d’être soumise à la torture.
Complément d’information
Hassan Al Rabea, 26 ans, a quitté l’Arabie saoudite il y a plus d’un an et s’était installé au Maroc depuis environ six mois. Il a été arrêté en vertu d’un mandat décerné par le Conseil des ministres de l’intérieur arabes, organe de coopération de nombreux États arabes sur les questions de sécurité intérieure et en matière pénale. Il est actuellement détenu à la prison de Tiflet 2, à Rabat, dans l’attente de l’avis consultatif de la Cour de cassation de Rabat au sujet de la demande d’extradition déposée par l’Arabie saoudite. Le Premier ministre rendra ensuite sa décision finale.
S’il est expulsé, il sera jugé par le Tribunal pénal spécial en Arabie saoudite. D’après les recherches d’Amnesty International, chaque phase de la procédure judiciaire devant cette juridiction est entachée d’atteintes flagrantes aux droits humains – privation de la possibilité de consulter un avocat, détention au secret et condamnations fondées uniquement sur des « aveux » extorqués sous la torture. Enfin, la procédure d’appel du Tribunal pénal spécial est opaque et se déroule de manière secrète.
Un juge du Tribunal pénal spécial a condamné le frère aîné d’Hassan Al Rabea, Ali, pour des accusations de terrorisme et a usé de ses pouvoirs discrétionnaires pour le condamner à mort en novembre 2022, alors que le ministère public n’avait pas requis la peine de mort. Deux cousins d’Hassan ont été exécutés l’an dernier.
Depuis 2016, Amnesty International a recensé l’exécution de 31 hommes membres de la minorité chiite saoudienne, auquel appartient Hassan Al Rabea, à l’issue de procès manifestement iniques qui se sont déroulés devant le Tribunal pénal spécial pour de vagues accusations touchant aux lois de lutte contre le terrorisme et contre la cybercriminalité. Les autorités saoudiennes exercent depuis longtemps une discrimination à l’encontre de la minorité musulmane chiite et la soumettent à des persécutions.
Plus de 100 militants chiites saoudiens ont comparu devant le Tribunal pénal spécial pour répondre d’accusations vagues et très diverses, découlant de leur opposition au gouvernement, notamment de critiques non violentes formulées dans des discours ou sur les réseaux sociaux, de la participation à des manifestations antigouvernementales et de l’implication présumée dans des attaques violentes ou des actes d’espionnage.