Chine. Les autorités durcissent la répression, condamnant des défenseurs des droits humains à de lourdes peines de prison

En Chine, les militants des droits humains condamnés à de lourdes peines de prison vendredi 29 janvier pour avoir diffusé des livres sur la démocratie et mené des activités militantes sont les dernières victimes des accusations à caractère politique liées à la « sécurité nationale » dont se servent les autorités pour réduire au silence les voix critiques, a déclaré Amnesty International.

Le tribunal populaire intermédiaire de la municipalité de Guangzhou a déclaré Tang Jingling, 44 ans, Yuan Xinting, 44 ans, et Wang Qingying, 31 ans, coupables d’« incitation à la subversion de l’État », et les a condamnés respectivement à cinq ans, trois ans et demi et deux ans et demi de prison.

« Le jugement rendu ce jour contre les trois militants est une injustice flagrante. Leur travail pacifique et légitime n’a jamais menacé la sécurité de l’État. Ce qui est à l’œuvre, c’est la volonté arbitraire du gouvernement de faire taire les détracteurs, a déclaré Patrick Poon, chercheur sur la Chine à Amnesty International.

Leur travail pacifique et légitime n’a jamais menacé la sécurité de l’État. Ce qui est à l’œuvre, c’est la volonté arbitraire du gouvernement de faire taire les détracteurs.

Patrick Poon, chercheur sur la Chine à Amnesty International

« Les autorités recourent de plus en plus à des accusations fallacieuses d’atteinte à la ” sécurité nationale ” et durcissent leur offensive contre les militants des droits humains et ceux qui dénoncent pacifiquement les abus de pouvoir du gouvernement. »

Selon l’acte d’inculpation émis par le ministère public, Tang Jingling, Yuan Xinting et Wang Qingying sont accusés d’avoir « fait la promotion des idées relatives à la désobéissance civile […] dans l’objectif de renverser le système socialiste ». Ces trois militants ne sont pas accusés d’avoir eux-mêmes pris part à des actes de désobéissance civile.

Le principal élément à charge présenté lors des audiences de juin et juillet 2015 est la publication d’une série de livres sur l’action civique, la démocratisation pacifique et la désobéissance civile, tels que De la dictature à la démocratie, de Gene Sharp, Organizing: A Guide for Grassroots Leaders, de Si Kahn, et Breaking the Real Axis of Evil, de Mark Palmer.

Les autorités ont par ailleurs reproché aux accusés d’avoir pris part à diverses « activités illégales » à compter de 2006. Celles-ci incluent la commémoration des victimes de la répression de la place Tiananmen en 1989, des actions à la mémoire de Lin Zhao, exécutée durant la Révolution culturelle, et la signature de la Charte 08, un manifeste pour une Chine démocratique, co-écrit par Liu Xiaobo, prix Nobel de la paix emprisonné.

« L’acte d’inculpation du procureur montre clairement que rien de ce que ces hommes ont fait ne dépasse les limites du droit à la liberté d’expression. Leurs condamnations et leurs peines doivent être annulées, et les trois hommes doivent être libérés immédiatement et sans condition », a déclaré Patrick Poon.

Complément d’information

Tang Jingling, Yuan Xinting et Wang Qingying défendent depuis longtemps les droits humains dans le sud de la Chine, ce qui leur a valu le surnom des « Trois messieurs de Guangzhou » au sein des cercles militants, en raison de leur détermination à défendre leurs idées face à la répression d’État.

L’arrestation de ces trois militants et les poursuites engagées contre eux ont été entachées de nombreux vices de procédure. Le tribunal a empêché plusieurs fois les avocats de la défense de faire citer des témoins. Le procès en première instance, en juin 2015, a été suspendu après que le juge a rejeté les requêtes de la défense visant à empêcher des membres du Parti communiste de statuer sur cette affaire. Par ailleurs, des diplomates étrangers n’ont pas été autorisés à assister au procès.

Les trois hommes ont initialement été appréhendés en mai 2014 parce qu’ils étaient soupçonnés de « susciter des polémiques et de provoquer des troubles », lorsque des dizaines de militants et d’opposants ont été arrêtés en prévision du 25e anniversaire de la répression de la place Tiananmen.

La police les a dans un premier temps empêchés de s’entretenir avec leurs avocats, puis a arbitrairement restreint les visites de ces derniers et de leurs proches, enfreignant ainsi les normes internationales et le Code de procédure pénale chinois. On a interdit à Tang Jingling de rencontrer l’un de ses avocats pendant plusieurs semaines après son placement en détention.

Certains des avocats des accusés ont par ailleurs affirmé que leurs clients avaient été frappés à de nombreuses reprises en détention et lors de leur interrogatoire par la police.

Les avocats ont également eu des difficultés à avoir accès au dossier et n’ont pas été autorisés à faire des copies de la transcription de l’interrogatoire de police, qui est citée à titre de preuve dans l’acte d’inculpation.

En janvier, les autorités ont arrêté 15 personnes pour des infractions liées à la sécurité nationale, dans le cadre de la répression contre les militants et les défenseurs des droits humains initiée en juillet 2015.