En réaction à l’annonce de la ratification du Statut de Rome par le Parlement ukrainien, ouvrant la voie à l’adhésion du pays à la Cour pénale internationale (CPI), Erika Guevara Rosas, directrice générale des recherches, du travail de plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International, a déclaré :
« Amnesty International salue la décision de l’Ukraine de ratifier le Statut de Rome. Il est essentiel qu’elle adhère pleinement à la CPI pour rendre réellement justice aux victimes de crimes de droit international commis pendant l’invasion de la Russie. Cela témoigne de la détermination du gouvernement à accepter les droits et obligations qui incombent aux États membres de la CPI. »
Le Parlement ukrainien a voté un projet de loi national, disponible sur le site Web du Parlement, qui comporte une déclaration selon laquelle, pendant sept ans à partir de l’entrée en vigueur de la ratification de l’Ukraine, celle-ci « n’accepte pas la compétence de la Cour pénale internationale » en ce qui concerne les crimes de guerre « lorsque, probablement, le crime a été commis par ses ressortissants ».
« Une telle déclaration va à l’encontre des principes fondamentaux de la justice internationale, a déclaré Erika Guevara Rosas. Sur le plan pratique, cette limitation risque de générer de l’incertitude pour les procédures en cours et futures de la CPI. Elle requiert une résolution par les juges de la Cour, car elle entre potentiellement en conflit avec la précédente déclaration de l’Ukraine qui accordait à la CPI la compétence pour les crimes commis sur son territoire après le 20 février 2014 ; en outre, la question se pose de savoir si malgré une exception accordée aux ressortissants ukrainiens, la Cour reste compétente pour les crimes de guerre présumés commis par des Russes et d’autres ressortissants en Ukraine. Une telle ambiguïté pourrait entraver la tenue d’une enquête rapide et efficace de la CPI sur les crimes internationaux commis en Ukraine.
Amnesty International salue la décision de l’Ukraine de ratifier le Statut de Rome. Il est essentiel qu’elle adhère pleinement à la CPI pour rendre réellement justice aux victimes de crimes de droit international commis pendant l’invasion de la Russie
Erika Guevara Rosas, directrice générale des recherches, du travail de plaidoyer, des politiques et des campagnes à Amnesty International
« Le peuple ukrainien aspire à la justice, mais une justice efficace ne saurait être sélective. Tout en saluant la ratification de l’Ukraine, Amnesty International l’invite à reconsidérer d’urgence son intention de limiter pendant sept ans la compétence de la CPI à l’égard des crimes de guerre présumés commis par ses ressortissants, à la fois par principe et pour éviter de saper les efforts cruciaux déployés par la Cour en matière de justice internationale. »
Complément d’information
Le 21 août, le Verkhovna Rada, le Parlement ukrainien, a voté la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI). L’Ukraine avait signé le Statut en 2000.
Elle a accepté à deux reprises la compétence de la Cour pour des crimes présumés en vertu du Statut de Rome commis sur son territoire, conformément à l’article 12(3) du Statut. La première déclaration déposée par le gouvernement a reconnu la compétence de la CPI en ce qui concerne les crimes présumés commis sur le territoire ukrainien du 21 novembre 2013 au 22 février 2014. La deuxième déclaration prolongeait cette période sans limite de fin, en vue d’englober les crimes présumés commis sur l’ensemble du territoire de l’Ukraine à partir du 20 février 2014.
En vertu de l’article 124 du Statut de Rome, « un État qui devient partie au présent Statut peut déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l’entrée en vigueur du Statut à son égard, il n’accepte pas la compétence de la Cour en ce qui concerne [les crimes de guerre] lorsqu’il est allégué qu’un crime a été commis sur son territoire ou par ses ressortissants. Il peut à tout moment retirer cette déclaration. »
Amnesty International s’oppose depuis longtemps à l’utilisation d’une déclaration au titre de l’article 124 comme étant injustifiée et allant à l’encontre de l’objectif même du Statut de Rome – mettre fin à l’impunité pour ces crimes. Elle plaide pour la suppression de cette exception, initialement introduite en 1998 à titre de disposition provisoire et rarement utilisée. En 2015, les États parties au Statut de Rome ont décidé par consensus de supprimer l’article 124 et exhorté les futurs États membres à ne pas l’invoquer ; cependant, cet amendement au Statut de Rome n’est pas encore entré en vigueur.
L’Ukraine deviendra officiellement partie au Statut de Rome le premier jour du mois qui suivra une période de 60 jours après le dépôt de l’instrument de ratification auprès du Secrétaire général des Nations Unies.