Face à la pandémie de COVID-19, l’État colombien doit prendre de toute urgence les mesures adéquates pour garantir les droits des peuples indigènes, notamment leurs droits à la santé, à l’eau et à l’alimentation, a déclaré Amnesty International le 17 avril. Ces mesures doivent être coordonnées avec chaque peuple indigène, dans le respect du droit de ces peuples à l’autonomie.
Dans le cadre de l’urgence sanitaire qui a été déclarée pour cause de COVID-19 et de l’état d’urgence économique, social et écologique instauré sur tout le territoire national, le président Iván Duque a déclaré que les autorités allaient fournir de la nourriture et une aide financière aux personnes les plus vulnérables. Le ministère de l’Intérieur est chargé de fournir des aliments aux communautés indigènes, noires, raizales, palenqueras, afrocolombiennes, roms ; aux comités d’action communautaire ; aux responsables communautaires ; et aux défenseur·e·s des droits humains.
Les peuples indigènes en Colombie sont en alerte maximale. Le gouvernement met en place dans le pays des mesures de prévention pour le COVID-19 sans garantir de façon adéquate leurs droits fondamentaux.
Fernanda Doz Costa, directrice adjointe pour les Amériques à Amnesty International
Or, trois semaines après le début de la quarantaine imposée par les autorités, les communautés indigènes des départements de Casanare, Vichada et Meta ont indiqué à Amnesty International n’avoir reçu aucune aide de la part des autorités gouvernementales alors qu’elles ont strictement respecté les mesures de confinement.
« Les peuples indigènes en Colombie sont en alerte maximale. Le gouvernement met en place dans le pays des mesures de prévention pour le COVID-19 sans garantir de façon adéquate leurs droits fondamentaux. Si historiquement elles n’ont pas eu accès à la santé, à l’eau et à l’alimentation, dans le contexte de l’actuelle pandémie, cette situation est d’une gravité exceptionnelle, car les conditions sanitaires et sociales ne leur permettent pas de faire face de façon adéquate au COVID-19, a déclaré Fernanda Doz Costa, directrice adjointe pour les Amériques à Amnesty International.
« Les autorités colombiennes doivent adopter des mesures de protection sociale supplémentaires pour ces populations qui se trouvent dans une situation de grande vulnérabilité et qui sont particulièrement exposées au risque de contracter le COVID-19. Si les autorités ne prennent pas d’urgence les mesures nécessaires, les peuples indigènes vont se trouver confrontés à un choix impossible : mourir de faim ou mourir du COVID-19. »
Jusqu’à présent, l’Organisation nationale indigène de Colombie (Organización Nacional Indígena de Colombia, ONIC) a fait état de quatre cas confirmés de COVID-19 au sein de la communauté indigène binationale Yukpa et de la communauté indigène Pasto, et d’un cas présumé au sein de la communauté indigène Eperara Siapidara. L’accès à des centres médicaux depuis la majeure partie des territoires de ces peuples indigènes est très coûteux en raison de leur éloignement et de leur inaccessibilité.
L’organisation de défense des droits humains Corporación Claretiana Norman Pérez Bello a informé Amnesty International des difficultés qu’entraîne la quarantaine obligatoire en ce qui concerne le mode de vie et les moyens de subsistance de plus de 3 000 personnes indigènes dans les départements de Casanare, Vichada et Meta. Pour ces communautés semi-nomades, les mesures d’isolement aggravent une situation de vulnérabilité déjà marquée, car elles ne peuvent alors plus avoir accès à leurs moyens de subsistance puisqu’elles ne peuvent pas se déplacer à l’intérieur de leur territoire. De plus, il s’agit de peuples indigènes considérés comme proches de l’extinction physique et culturelle.
Si les autorités ne prennent pas d’urgence les mesures nécessaires, les peuples indigènes vont se trouver confrontés à un choix impossible : mourir de faim ou mourir du COVID-19.
Fernanda Doz Costa, directrice adjointe pour les Amériques à Amnesty International
Les dangers encourus sont également très préoccupants pour les peuples indigènes qui vivent à la périphérie de chefs-lieux municipaux, car ils n’ont pas la possibilité de cultiver leurs aliments, et survivent en occupant des emplois informels auxquels ils n’ont actuellement plus accès. Un grand nombre de ces communautés n’ont pas accès à l’eau potable ni à des produits d’hygiène, ce qui rend impossibles les mesures d’asepsie individuelles permettant d’empêcher la contamination au COVID-19.