États-Unis. Les autorités doivent cesser immédiatement les renvois forcés illégaux de demandeurs d’asile au Mexique

Les autorités américaines doivent immédiatement cesser les renvois forcés illégaux de milliers de demandeurs d’asile à la frontière avec le Mexique et faciliter leur accueil dans les meilleurs délais et le traitement de leur dossier conformément à la législation des États-Unis, a déclaré Amnesty International jeudi 11 avril lors d’une visite à la frontière.

« Les renvois forcés sont contraires au droit international et les autorités américaines forcent des milliers de personnes en quête d’asile à attendre plusieurs mois du côté mexicain de la frontière, aussi bien avant qu’après le dépôt de leurs demandes de protection. Les tribunaux jouent un rôle essentiel pour limiter les abus de pouvoir des autorités américaines, mais la plupart des demandeurs d’asile n’ont toujours pas accès à la justice et continuent de subir des violations systématiques de leurs droits », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice du programme Amériques d’Amnesty International.

Du 8 au 10 avril, Amnesty International a assisté aux audiences consacrées à l’examen de 28 demandes d’asile à San Diego, concernant 31 adultes et 26 enfants renvoyés de force au Mexique par les autorités américaines dans le cadre du plan « Rester au Mexique » depuis fin janvier. Au cours de leur audition, plus de 40 % des demandeurs ont exprimé spontanément leurs craintes de retour au Mexique.

Les renvois forcés sont contraires au droit international et les autorités américaines forcent des milliers de personnes en quête d’asile à attendre plusieurs mois du côté mexicain de la frontière, aussi bien avant qu’après le dépôt de leurs demandes de protection.

Erika Guevara-Rosas, Amnesty International

Amnesty International a identifié de graves lacunes dans les procédures résultant du plan « Rester au Mexique », notamment un manque général d’accès à des avocats pour les personnes renvoyées de force dans ce pays pendant la procédure. Dans un seul des cas observés par l’organisation, les personnes sollicitant l’asile ont obtenu une représentation juridique.

Amnesty International a par ailleurs interrogé à Tijuana huit adultes et trois enfants renvoyés de force au Mexique par les autorités américaines après le dépôt de leur demande d’asile. Plusieurs d’entre eux ont déclaré craindre d’être en danger au Mexique dans l’attente de leur audition.

« Je ne me sens pas en sécurité ici. Tout peut arriver, car je suis hondurien. Les policiers ici sont très corrompus et ils volent l’argent de nombreuses personnes », a expliqué Josue, un homme de 53 ans originaire du Honduras.

Le 8 avril, une juridiction fédérale des États-Unis a prononcé une injonction provisoire suspendant l’application du plan « Rester au Mexique » (également appelé « protocole de protection des migrants »), en vertu duquel les autorités américaines ont déjà renvoyé de force plus de 1 300 demandeurs d’asile au Mexique avant la décision finale sur leur demande d’asile. Cependant, des centaines de personnes qui attendent toujours au Mexique leur audition devant un tribunal aux États-Unis se retrouvent dans un vide juridique et potentiellement dans des situations dangereuses.

Une liste d’attente illégale en vertu de la politique du « comptage »

En plus du plan « Rester au Mexique », les autorités américaines et mexicaines obligent également des demandeurs d’asile à patienter plusieurs semaines ou mois sur une liste d’attente illégale avant de leur permettre de solliciter une protection. Certains ont affirmé que cette situation les avait mis en danger.

Manuel, un homme de 29 ans originaire du Salvador qui a été renvoyé de force au Mexique après avoir demandé l’asile, a indiqué que des policiers mexicains l’avaient arrêté avant de lui voler son argent et son téléphone la veille du jour où son numéro devait arriver en haut de la liste d’attente illégale, alors qu’il attendait son tour depuis plusieurs semaines à Tijuana.

Cette liste est tenue par un petit groupe de demandeurs d’asile pendant la journée, puis par les autorités mexicaines la nuit. Le 9 avril, quelque 4 460 noms figuraient sur la liste à Tijuana, dont 40 à 45 % étaient des ressortissants mexicains, à qui ni les autorités américaines, ni les autorités mexicaines ne peuvent légalement interdire de déposer une demande d’asile à la frontière des États-Unis.

Je ne me sens pas en sécurité ici. Tout peut arriver, car je suis hondurien. Les policiers ici sont très corrompus et ils volent l’argent de nombreuses personnes.

Josue, un homme de 53 ans originaire du Honduras

En contraignant des milliers de ressortissants mexicains à attendre plusieurs semaines ou mois au Mexique avant de les autoriser à entrer aux États-Unis pour demander une protection, les autorités américaines bafouent leur législation nationale en matière d’asile. Les autorités du Mexique violent en outre l’article 11 de sa Constitution (garantissant le droit de circuler librement de ses citoyens) en empêchant des ressortissants mexicains d’atteindre la frontière pour solliciter l’asile, et les deux pays ne respectent pas leurs obligations découlant du droit international.

Entre le 8 et le 10 avril, Amnesty International a interrogé 15 demandeurs d’asile qui patientaient sur la liste d’attente illégale depuis un temps allant de quelques heures à plusieurs mois.

Cindy, une jeune femme de 17 ans enceinte de sept mois, attendait à Tijuana depuis plus de deux mois pour déposer une demande d’asile à la frontière des États-Unis, après avoir fui des menaces et des violences dans son État, le Michoacán, au Mexique. « Je me sens en danger et effrayée de rester ici », a-t-elle déclaré. Peu après sa fuite, Cindy avait commencé à recevoir des appels téléphoniques menaçants de ses agresseurs au Michoacán.

Trois femmes transgenres originaires du Salvador et du Honduras ont affirmé à Amnesty International qu’elles avaient peur d’attendre à Tijuana avant de demander l’asile aux États-Unis, car des policiers mexicains les avaient déjà attaquées et exploitées.

Pamela, une Salvadorienne transgenre de 29 ans, a déclaré avoir « très peur » d’attendre à Tijuana. « Vu que j’ai été attaquée et agressée par la police mexicaine à Mexico, je ne me sentirais pas tranquille d’aller voir la police si j’étais attaquée par des gens ici à Tijuana. On dit que Tijuana est un lieu très dangereux, et j’ai peur de marcher seule dans la rue. »