En réaction à ce qui semble être la première exécution d’une femme à Singapour depuis deux décennies et à la deuxième exécution de la semaine dans le pays, Chiara Sangiorgio, spécialiste de la peine de mort à Amnesty International, a déclaré :
« Les deux exécutions illégales pour des infractions liées au stupéfiants qui ont eu lieu cette semaine, dont celle d’une femme pour la première fois depuis deux décennies à la connaissance d’Amnesty International, ont mis cruellement et tragiquement en lumière l’absence totale de réforme concernant l’application de la peine de mort à Singapour. Alors que la majeure partie du monde se détourne de ce châtiment cruel, les autorités singapouriennes continuent d’exécuter des personnes dans des affaires de stupéfiants, en violation du droit international relatif aux droits humains et des normes connexes.
« Au cours de la même semaine où Singapour a ôté la vie à deux personnes, nous avons vu la preuve manifeste de la tendance irréversible en faveur de l’élimination de ce châtiment qui n’a pas sa place dans nos sociétés. Le Ghana a été le dernier pays en date à prendre cette direction en abolissant la peine de mort pour la plupart des infractions. Ce pays est maintenant proche de rejoindre les autres du monde, plus des deux tiers, qui ont aboli la peine de mort en droit ou en pratique. Quand est-ce que Singapour se réveillera et suivra cet exemple ?
« Les autorités singapouriennes doivent mettre fin à leur recours illégal et croissant aux exécutions dans le cadre de la lutte contre les stupéfiants. Il n’existe aucun élément prouvant que la peine de mort ait un effet dissuasif particulier ou qu’elle ait un impact sur l’usage des stupéfiants et leur disponibilité. En réalité, elle a pour effet de sanctionner de manière disproportionnée les personnes désavantagées d’un point de vue socio-économique ou appartenant à des catégories de population marginalisées et de leur faire subir encore plus de discriminations.
« Nous appelons les gouvernements, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) et l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) à accroître la pression exercée sur Singapour pour que cesse son approche extrêmement punitive de la lutte contre les stupéfiants. »
Complément d’information
Selon le Collectif pour la justice transformatrice, Saridewi Djamani, citoyenne singapourienne, a été exécutée le 28 juillet. C’est la première exécution d’une femme à Singapour depuis 2004 à la connaissance d’Amnesty International. Saridewi Djamani avait été reconnue coupable de détention d’environ 30 grammes de diamorphine (héroïne) aux fins de trafic.
Un Malaisien de Singapour, Mohd Aziz bin Hussain, a été exécuté mercredi 26 juillet à la suite de sa condamnation pour le trafic d’environ 50 grammes de diamorphine. Tous deux avaient été automatiquement condamnés à la peine de mort en 2018.
Depuis le 30 mars 2022, date à laquelle les exécutions ont repris après une interruption de deux ans, Singapour a ôté la vie à 15 personnes pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. D’après les informations dont dispose Amnesty International, quatre de ces exécutions ont eu lieu en 2023. La Malaisie, pays limitrophe de Singapour, observe un moratoire officiel sur les exécutions depuis 2018 et a récemment abrogé la peine de mort obligatoire, notamment pour les infractions liées aux stupéfiants. Le Collectif pour la justice transformatrice a indiqué qu’une troisième exécution était prévue à Singapour pour le 3 août, celle d’un homme reconnu coupable et automatiquement condamné à mort pour détention de 54,04 grammes de diamorphine à des fins de trafic.
Tant l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) que l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), deux organes de l’ONU chargés d’élaborer et de suivre les politiques en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants, condamnent l’usage de la peine de mort pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et invitent les gouvernements à tendre vers l’abolition.
Singapour est l’un des quatre seuls pays du globe, avec la Chine, l’Iran et l’Arabie saoudite, où des exécutions pour des infractions à la législation sur les stupéfiants ont été confirmées en 2022. Amnesty International s’oppose catégoriquement à la peine de mort dans tous les cas et en toutes circonstances.