La décision qu’a prise le gouvernement norvégien de suspendre l’utilisation de son application de traçage des contacts liée au COVID-19 représente une grande victoire pour le droit au respect de la vie privée, et elle intervient quelques heures avant la publication par Amnesty International d’une étude condamnant cette application.
Amnesty International publie ce mardi les conclusions de son étude portant sur des applications de traçage des contacts utilisées en Afrique du Nord, en Europe et au Moyen-Orient. Cette étude a permis de montrer que l’application norvégienne « Smittestopp » fait partie des applications les plus inquiétantes en ce qui concerne le respect de la vie privée. Cela est dû au fait qu’elle signale en temps réel ou quasiment en temps réel le lieu où se trouve l’utilisateur en transmettant fréquemment les coordonnées GPS à un serveur central. Le 2 juin, Amnesty International a fait part des conclusions de son étude au ministère norvégien de la Justice et de la Sécurité publique, à l’Institut norvégien de la santé publique et à l’agence nationale de protection des données. Amnesty a également rencontré le 10 juin le responsable de la conception de l’application « Smittestopp ».
« L’application norvégienne est très intrusive et elle est dangereuse pour le droit au respect de la vie privée. Le pays a à juste titre décidé de faire une pause dans l’utilisation de cette application et de revoir sa copie afin de créer une application respectant de façon prioritaire le droit au respect de la vie privée, a déclaré Claudio Guarnieri, responsable du Security Lab d’Amnesty International.
« Nous étions tellement préoccupés par le caractère invasif de cette application telle qu’elle se présente actuellement que nous avons fait part des résultats de notre étude aux autorités norvégiennes et les avons exhortées à changer de cap. Il existe d’autres solutions plus acceptables respectant l’équilibre entre la nécessité de pister la propagation de la maladie et celle de protéger la vie privée, et nous espérons que les autorités vont saisir l’occasion qui s’offre à elles de respecter cet équilibre.
« Ce cas doit servir d’avertissement à tous les gouvernements qui se précipitent pour mettre en place des applications invasives et conçues de telle façon qu’elles mettent en danger les droits humains. Le respect de la vie privée ne doit pas être sacrifié au profit du déploiement de ces applications. »
Complément d’information
Mardi, Amnesty International publie les principales conclusions de l’examen par son Security Lab de 11 applications de traçage des contacts utilisées en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, et notamment de l’analyse technique détaillée de 11 applications déployées en Algérie, à Bahreïn, aux Émirats arabes unis, en France, en Islande, en Israël, au Koweït, au Liban, en Norvège, au Qatar et en Tunisie.
Le traçage des contacts est une composante importante d’une politique efficace de lutte contre la pandémie, et les applications de traçage des contacts peuvent permettre d’atteindre cet objectif. Toutefois, afin d’être compatibles avec les obligations relatives aux droits humains, elles doivent, entre autres choses, intégrer dès leur conception la protection de la vie privée et des données, c’est-à-dire que les données collectées doivent correspondre au minimum nécessaire et être conservées de manière sécurisée.
Toute collecte de données doit se limiter au contrôle de la propagation du COVID-19 et ne doit pas servir à d’autres fins, comme l’application des lois, la sécurité nationale ou le contrôle de l’immigration. En outre, ces données ne doivent pas être mises à disposition d’un tiers ni utilisées à des fins commerciales. Toute décision individuelle concernant le téléchargement et l’utilisation d’applications de traçage des contacts doit être prise sur une base entièrement volontaire. Toutes les données récupérées doivent rester anonymes, y compris quand elles sont associées à d’autres ensembles de données.