Le gouvernement libanais doit immédiatement annoncer une série de mesures visant à protéger employé·e·s de maison migrants dans le contexte de la pandémie de COVID-19, a déclaré Amnesty International le 14 avril.
Les autorités doivent veiller à ce que les employé·e·s de maison migrants soient protégés contre des conditions de travail relevant de l’exploitation lors du confinement, et à ce que toutes ces personnes – y compris celles qui n’ont pas de papiers en règle – aient accès à des soins de santé durant cette pandémie.
D’après les estimations, quelque 250 000 employé·e·s de maison migrants sont toujours soumis au système de kafala, qui met leurs droits et leur vie en danger durant cette pandémie.
Le système de kafala a toujours constitué une forme d’emprisonnement à domicile pour les employé·e·s de maison migrants.
Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient
« Le système de kafala a toujours constitué une forme d’emprisonnement à domicile pour les employé·e·s de maison migrants. Si le fait de rester enfermés à la maison contribue à empêcher la propagation du COVID-19, il accroit le risque d’être soumis à une exploitation et à d’autres abus aux mains des employeurs pour les employé·e·s de maison migrants qui habitent chez ceux qui les emploient, a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
« Les conditions de travail relevant de l’exploitation, la menace de violences et le fait de vivre enfermés peuvent aussi avoir des effets dévastateurs sur la santé mentale des travailleurs et travailleuses domestiques, qui sont nombreux à vivre loin de chez eux et de leur famille.
« Ces personnes faisant partie des populations les plus marginalisées du Liban, le gouvernement doit clairement faire savoir qu’il engagera des poursuites contre les employeurs qui exploitent des employé·e·s de maison migrants ou les soumettent à d’autres formes d’abus. Il doit également veiller à ce qu’elles aient accès à des soins de santé pendant la pandémie. »
Les formes d’abus et d’exploitation auxquels sont soumis les employé·e·s de maison migrants incluent le fait d’être contraint·e de travailler un nombre d’heures excessif, d’être privé·e de jours de repos, les retenues de salaire et l’application de déductions, la restriction des communications, et la privation de nourriture.
Les autorités libanaises doivent veiller à ce que les droits humains soient au centre de toutes les mesures de prévention, de confinement et de soins durant la pandémie de COVID-19, afin de protéger le mieux possible la santé publique. Afin que le droit à la santé puisse être respecté, les biens, les établissements et les services de soins de santé doivent être accessibles à toutes les personnes, sans discrimination, en particulier en ce qui concerne les populations les plus vulnérables et les plus marginalisées.
Amnesty International demande à la ministre libanaise du Travail de prendre immédiatement des mesures pour protéger les employé·e·s de maison qui vivent chez leurs employeurs, notamment en publiant des circulaires indiquant clairement les pénalités auxquelles s’exposent les employeurs qui exploitent des employé·e·s. Le ministère du Travail doit également mettre en place un mécanisme spécifiquement chargé de recevoir les plaintes déposées par les employé·e·s de maison migrants, et veiller à ce que la ligne téléphonique spéciale mise en place par le ministère pour signaler des abus soit pleinement opérationnelle et à ce que les employé·e·s de maison migrants aient connaissance de son existence.
Les employé·e·s de maison migrants sans papiers
Plusieurs milliers d’employé·e·s de maison migrants n’ayant pas de permis de travail travaillent sans autorisation au Liban ou sont détenus dans l’attente de leur renvoi dans leur pays.
Les recherches menées par Amnesty International ont montré de façon répétée qu’il est souvent difficile pour les employé·e·s de maison migrants sans papiers d’avoir accès aux services publics, y compris aux soins de santé.
Le ministère de la Santé devrait mener une campagne de sensibilisation destinée aux employé·e·s de maison migrants au sujet des symptômes de l’infection au COVID-19, des mesures permettant de se protéger et des lieux où elles peuvent se faire tester même si elles n’ont pas de papiers en règle. Les tests et les soins de santé devraient être accessibles à tous, et personne ne doit en être privé uniquement parce qu’il ou elle est sans papiers.
Le ministère de l’Intérieur doit également veiller à ce que tous les employé·e·s de maison migrants actuellement maintenus en détention administrative parce qu’ils n’ont pas de permis de séjour valide puissent avoir accès à des soins de santé sans discrimination.
« Dans le cadre d’une crise mondiale liée à la santé publique telle que la pandémie de COVID-19, toute détention uniquement motivée par le statut au regard de la législation en matière de migration n’est de manière générale pas justifiée. Dans de telles conditions, les autorités doivent s’efforcer de réduire le nombre de personnes placées en détention, au lieu de l’accroître, a déclaré Heba Morayef.
« Quand le droit à la santé des personnes détenues pour des motifs liés à leur statut migratoire ne peut pas être respecté ou quand les expulsions ne peuvent pas être menées rapidement, ces personnes doivent être libérées.
Contexte
Le Liban compte sur son territoire plus de 250 000 travailleuses et travailleurs domestiques migrants, originaires d’Afrique et d’Asie, qui sont employés au domicile de particuliers. L’immense majorité sont des femmes. Ces personnes sont prises dans les mailles du système de kafala, un dispositif de parrainage des personnes migrantes qui est par nature source d’abus et qui accroît les risques d’exploitation, de travail forcé et de traite des êtres humains, sans laisser aux victimes de réelles possibilités d’obtenir réparation.
Dans son rapport publié en avril 2019 intitulé « Leur maison, c’est ma prison. » L’exploitation des travailleuses domestiques migrantes au Liban, Amnesty International expose des atteintes systématiques aux droits humains incluant entre autres des horaires de travail excessifs, l’absence de jours de repos, le non-versement ou la réduction du salaire, la confiscation du passeport, de graves restrictions à la liberté de mouvement et de communication, le manque de nourriture, l’absence de logement convenable, des violences verbales et physiques, et la privation de soins médicaux. Amnesty International a également recensé des cas extrêmes de travail forcé et de traite d’êtres humains.
En mars 2020, Amnesty International a participé à une consultation visant à la révision du Contrat type unique pour l’emploi de travailleurs domestiques (migrants) utilisé au Liban. Amnesty International invite la ministre du Travail Lamia Yammine à veiller à ce que le texte révisé englobe des dispositions qui gomment les inégalités et les déséquilibres de pouvoir actuels entre l’employeur et l’employé·e, et remédient aux autres aspects restrictifs du système de kafala.