Arabie saoudite. Multiplication des exécutions et utilisation de la peine de mort comme arme politique contre les chiites

Le gouvernement d’Arabie saoudite utilise la peine de mort comme arme politique pour réduire l’opposition au silence, a déclaré Amnesty International après l’exécution de quatre hommes chiites dans la région de l’Est le 11 juillet 2017. 

Ces exécutions brutales sont un nouvel exemple des persécutions constantes auxquelles les autorités saoudiennes soumettent la minorité chiite. La peine de mort est utilisée comme outil politique pour punir ces personnes d'avoir osé protester contre la façon dont elles étaient traitées, ainsi que pour faire peur aux autres afin qu'ils se taisent.

Lynn Maalouf, directrice de la recherche au bureau régional d'Amnesty International à Beyrouth

Yussuf Ali al Mushaikass, père de deux enfants, et trois autres hommes ont été exécutés pour des infractions liées au terrorisme en lien avec leur participation à des manifestations antigouvernementales dans la région de l’Est, peuplée majoritairement de chiites, entre 2011 et 2012. Yussuf Ali al Mushaikass avait notamment été reconnu coupable de « rébellion armée contre le souverain », «déstabilisation de la sécurité et incitation à la sédition par le ralliement à un groupe terroriste », « tirs à l’arme à feu contre un poste de police d’Awamiyya à deux reprises, ayant blessé un policier » et « participation à des émeutes ». Sa famille n’a semble-t-il pas été informée à l’avance de son exécution et ne l’a apprise qu’après coup à la télévision, lorsqu’une déclaration du gouvernement a été lue. 

« Ces exécutions brutales sont un nouvel exemple des persécutions constantes auxquelles les autorités saoudiennes soumettent la minorité chiite. La peine de mort est utilisée comme outil politique pour punir ces personnes d’avoir osé protester contre la façon dont elles étaient traitées, ainsi que pour faire peur aux autres afin qu’ils se taisent », a déclaré Lynn Maalouf, directrice de la recherche au bureau régional d’Amnesty International à Beyrouth. 

« Yussuf Ali al Mushaikass a été condamné à l’issue d’un procès manifestement inique, reposant en grande partie sur des “aveux” arrachés sous la torture. La communauté internationale doit réagir fermement auprès de l’Arabie saoudite afin que les autres personnes aujourd’hui menacées d’exécution après des procédures judiciaires entachées d’irrégularités ne subissent pas le même sort. L’Arabie saoudite doit annuler leurs condamnations à mort et instaurer un moratoire officiel sur les exécutions. » 

À la connaissance d’Amnesty International, au moins 34 autres hommes chiites sont actuellement sous le coup d’une sentence de mort. Tous ont été accusés d’activités considérées comme des menaces à la sécurité nationale et condamnés à mort par le Tribunal pénal spécial, juridiction antiterroriste tristement célèbre. Parmi ces condamnés à mort figurent quatre Saoudiens qui ont été reconnus coupables d’infractions commises alors qu’ils étaient adolescents.

Le gouvernement saoudien ne montre aucun signe de modération dans son usage de la peine capitale, qui est plus fort que jamais depuis la fin de la traditionnelle trêve du ramadan.

Lynn Maalouf, directrice de la recherche au bureau régional d'Amnesty International à Beyrouth

Ali al Nimr, Abdullah al Zaher et Dawood al Marhoon, arrêtés dans des affaires séparées en 2012 alors qu’ils étaient respectivement âgés de 17, 16 et 17 ans, ont épuisé tous les recours et risquent d’être exécutés à tout moment. 

La condamnation d’Abdulkareem al Hawaj a été confirmée en appel le 10 juillet 2017. Il a été reconnu coupable de crimes commis alors qu’il avait 16 ans. 

Les quatre jeunes hommes ont été condamnés pour des infractions liées à la sécurité après avoir participé à des manifestations antigouvernementales. Dans ces quatre affaires, le Tribunal pénal spécial semble avoir fondé sa décision sur des « aveux » qui, selon les accusés, leur ont été arrachés sous la torture et d’autres mauvais traitements – allégations à propos desquelles le tribunal n’a ordonné aucune enquête.

MULTIPLICATION DES EXÉCUTIONS

Les mises à mort de Yussuf al Mushaikass et des trois autres hommes viennent s’ajouter aux nombreuses autres survenues dans le pays depuis la fin du ramadan : 15 personnes ont été mises à mort, dont 13 durant ces seuls trois derniers jours. À ce jour, 55 personnes ont été exécutées en Arabie saoudite depuis le début de l’année 2017.

« Le gouvernement saoudien ne montre aucun signe de modération dans son usage de la peine capitale, qui est plus fort que jamais depuis la fin de la traditionnelle trêve du ramadan », a déclaré Lynn Maalouf. 

« La peine de mort continue d’être utilisée à grande échelle, en violation du droit international relatif aux droits humains et des normes en la matière, et souvent à l’issue de procès manifestement inéquitables et parfois motivés par des considérations politiques. » 

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Amnesty International s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, et la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. 

L’Arabie saoudite est l’un des pays au monde qui exécute le plus. Tandis que 141 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique – dont 105 qui ont aboli ce châtiment pour tous les crimes – elle a mis à mort plus de 2 000 personnes entre 1985 et 2016. Amnesty International appelle une nouvelle fois les autorités à instaurer un moratoire immédiat sur toutes les exécutions, à titre de première étape vers l’abolition de la peine capitale.