Les autorités américaines doivent veiller à ce que l’enquête qui a été rouverte sur le meurtre présumé de 18 civils afghans par les forces spéciales américaines soit rigoureuse et exhaustive, a déclaré Amnesty International. Les victimes et les familles afghanes des victimes doivent obtenir justice ainsi que les réparations auxquelles elles ont droit.
Des informations diffusées par des médias indiquent que l’armée américaine a relancé l’enquête visant une unité des forces spéciales présumée responsable d’exécutions extrajudiciaires, de torture et de disparitions forcées commises entre novembre 2012 et février 2013. Cette unité aurait tué au moins 18 personnes dans les districts de Nerkh et de Maidan Shahr, dans la province de Wardak.
Nous nous félicitons de cette initiative des autorités militaires américaines qui n’a cependant que trop tardé. Il est consternant que les familles des victimes afghanes n’aient toujours pas obtenu justice malgré les preuves accablantes montrant que les homicides commis à Nerkh et à Maidan Shahr constituent des crimes de guerre.
Richard Bennett, directeur du programme Asie d’Amnesty International
« Nous nous félicitons de cette initiative des autorités militaires américaines qui n’a cependant que trop tardé. Il est consternant que les familles des victimes afghanes n’aient toujours pas obtenu justice malgré les preuves accablantes montrant que les homicides commis à Nerkh et à Maidan Shahr constituent des crimes de guerre, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie d’Amnesty International.
« Les enquêteurs doivent mener des investigations rigoureuses et exhaustives. Ils doivent notamment interroger les personnes qui ont été détenues par cette unité ainsi que les familles de ceux qui ont été tués. Il est également essentiel que les familles soient tenues informées des avancées de l’enquête. »
Amnesty International a réuni des informations sur ces homicides dans un rapport publié en 2014 qui souligne que les responsables des homicides de civils causés par les forces militaires internationales en Afghanistan n’ont pas eu à rendre de comptes. L’organisation a rassemblé « des preuves abondantes et accablantes de crimes de guerre » dans l’affaire de Nerkh et Maidan Shah.
Ce rapport se conclut en soulignant que l’appareil judiciaire militaire américain, profondément déficient, n’a pas permis aux victimes afghanes de bénéficier de manière équitable de la possibilité d’obtenir justice. Dans les 10 cas étudiés dans le rapport – incluant le cas du meurtre d’au moins 140 civils, parmi lesquels au moins 50 enfants – personne n’a été amené à répondre pénalement des crimes commis.
« Cette affaire, qui est pourtant extrêmement grave, n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Nous avons constaté à maintes reprises que l’appareil judiciaire militaire américain s’est abstenu dans des affaires de violations graves du droit international humanitaire d’enquêter et d’engager des poursuites de manière diligente, équitable et impartiale », a déclaré Richard Bennett.
Complément d’information
L’an dernier, Amnesty International a interrogé 10 témoins des crimes faisant l’objet de l’enquête, dont quatre qui ont été détenus par l’unité des forces spéciale.
Un ancien détenu, qui dit avoir été détenu à l’avant-poste de combat de Nerkh pendant 45 jours, a décrit tout un ensemble de techniques de torture utilisées par cette unité, incluant les décharges électriques, la quasi-noyade, le quasi-enterrement et le passage à tabac.
Cet ancien détenu affirme avoir été témoin du meurtre d’un autre prisonnier nommé Sayed Muhammed. Il dit que Sayed Muhammed est mort sous les coups d’un Américain, « un grand type avec une grande barbe rousse et broussailleuse, et des yeux verts. »
Cet ancien détenu avait été interrogé par un enquêteur de l’armée américaine deux mois environ avant qu’Amnesty International ne s’entretienne avec lui.
Des membres des familles d’autres détenus, dont les corps ont par la suite été retrouvés non loin de l’avant-poste de combat de Nerkh, ont dit à Amnesty International que leurs proches avaient été capturés par des agents des forces spéciales au cours de raids.
L’unité présumée responsable de ces crimes – une Operational Detachment Alpha (ODA), ou « A-Team » – est l’unité d’élite ODA 3124, qui se composait semble-t-il de 12 soldats américains qui travaillaient en étroite collaboration avec des agents des forces spéciales afghanes. Le journaliste Matthieu Aikins a écrit un important article sur ces homicides qui a été publié dans le magazine Rolling Stone en novembre 2013.
L’enquête sur ces crimes est menée par la Direction des enquêtes judiciaires de l’armée américaine. Amnesty International a exprimé ses préoccupations au sujet des nombreuses irrégularités entachant le fonctionnement de la justice militaire et du manque d’indépendance de ceux qui prennent des décisions clés en matière de poursuites judiciaires dans de telles affaires.
Les décisions en matière de poursuites judiciaires dans les affaires concernant des victimes civiles devraient être prises par des civils qui sont indépendants de la hiérarchie militaire. Pour commencer, les règles de la justice militaire devraient être modifiées afin que la décision de poursuivre ou non en justice un membre des forces armées soit prise par un procureur indépendant n’appartenant pas à la hiérarchie militaire.