Les autorités turkmènes doivent accorder un nouveau procès à un militant des droits humains injustement incarcéré, qui n’a plus que quelques heures à vivre, a déclaré Amnesty International lundi 2 juin. Il observe une grève de la faim totale depuis 14 jours. Mansour Mingelov refuse toute nourriture et toute boisson depuis le 19 mai, pour protester contre sa condamnation à l’issue d’un procès inique à 22 ans de prison, pour trafic de stupéfiants et pédopornographie. Selon les médecins de la prison, son état est critique. Âgé de 39 ans, il a été arrêté en 2012 après avoir recueilli des éléments de preuve sur les actes de torture infligés par la police à des prisonniers issus de la communauté ethnique baloutche du Turkménistan. « Mansour Mingelov a été incarcéré au terme d’un procès inique après avoir osé dénoncer les violations des droits humains commises par la police contre un groupe ethnique minoritaire, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International. « Les autorités turkmènes peuvent éviter sa mort en s’acquittant de leurs obligations et en le rejugeant dans le cadre d’un procès équitable. » Sa condamnation se fonde en grande partie sur le témoignage de quatre victimes présumées, qui ne comprenaient pas la langue turkmène et ont signé des déclarations non traduites – semble-t-il sous l’intimidation et la menace. Aucune séance d’identification n’a été effectuée et aucun élément de preuve n’a été recueilli lors de l’enquête. Mansour Mingelov n’a même pas pu être représenté par un avocat de son choix tout au long de la procédure judiciaire. Mansour Mingelov a été arrêté en juin 2012 ; la veille, son frère Roustam avait été interpellé en lien avec des infractions présumées liées aux stupéfiants. Tous deux auraient été frappés par des agents des services de sécurité lors de leur interrogatoire. Une fois libérés, 15 jours plus tard, Mansour Mingelov a déposé des plaintes relatives aux mauvais traitements infligés à lui-même et à son frère. Deux policiers ont par la suite été renvoyés. Cette expérience l’a incité à rassembler des éléments concernant des actes de torture et des mauvais traitements subis par d’autres personnes, pour la plupart d’origine baloutche et vivant dans la province de Mary, dans le sud-est du Turkménistan. Certaines allégations concernent les méthodes des agents de la force publique, qui font état de l’usage de burins sur les os de détenus, de l’utilisation de tenailles pour tirer la chair du scrotum, et de décharges électriques. Mansour Mingelov a envoyé ces informations à l’ambassade des États-Unis à Achgabat (capitale du Turkménistan), à l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et aux services du procureur général du Turkménistan. Il a de nouveau été arrêté le 2 août 2012. Ensuite, le 10 septembre 2012, il a été déclaré coupable et condamné à 22 ans de prison pour ce qu’il considère comme des charges fallacieuses – « incitation de mineurs à des actions socialement répréhensibles », production et diffusion de pornographie, et trafic de stupéfiants. L’affaire Mansour Mingelov a été entachée de nombreuses violations de la procédure – fabrication de preuves notamment. Celui-ci affirme avoir vu les agents des services de sécurité télécharger sur son ordinateur les éléments de pédopornographie qui ont servi à le condamner. « Au lieu de persécuter Mansour Mingelov, les autorités turkmènes doivent enquêter sur les allégations de torture et de mauvais traitements qu’il a dénoncées et traduire en justice les policiers responsables de ces agissements », a déclaré Denis Krivosheev. L’état de santé de Mansour Mingelov s’est gravement détérioré depuis qu’il a entamé une grève de la faim ; il est incapable de sortir de son lit. La semaine dernière, son père a tenté en vain de lui faire boire de l’eau et de lui faire accepter une perfusion intraveineuse. Mansour Mingelov a déclaré qu’il allait prouver son innocence ou mourir dans la dignité. Ses plaintes auprès de la Cour suprême et d’autres autorités au Turkménistan sont restées sans réponse. Complément d’information Mansour Mingelov est emprisonné à Seidi, dans la province de Lebap, dans le nord-est du Turkménistan. La torture et les mauvais traitements sont monnaie courante dans ce pays. Le climat de peur est tel que rares sont ceux qui osent signaler les actes de torture et les mauvais traitements qu’ils subissent en détention, ou même en parler après avoir été relâchés. En théorie, la Constitution du Turkménistan prévoit un système judiciaire indépendant, mais dans la pratique, il n’existe pas de véritables procédures d’appel et les acquittements sont rares, voire inexistants, lors des procès pénaux.