Les histoires personnelles améliorent la manière dont nous enseignons les droits humains

Comment présenter à des jeunes les difficultés auxquelles les personnes réfugiées font face, pour que les jeunes puissent s’identifier à l’expérience de quelqu’un d’autre ? Si vous êtes enseignant-e et si vous avez envisagé d’engager dans votre classe une conversation sur les droits des personnes réfugiées , vous avez dû vous poser cette question.

Nous avons trouvé une École amie des droits humains au Portugal qui utilise les témoignages personnels pour dresser un tableau plus complet de ce qu’être réfugié-e signifie. 

« Nous avions une vie posée et stable », explique Zacaria aux élèves en parlant de sa vie en Syrie.

Il y a seulement quelques mois, il vivait dans la province de Deir ez-Zor avec sa femme Abir et leur fils d’un an ; mais tellement de choses sont arrivées depuis qu’il semble que c’était il y a beaucoup plus longtemps. À cette époque, Zacaria était mécanicien aéronautique, Abir faisait des études de langues et ils étaient propriétaires d’un magasin de téléphonie mobile. C’était leur vie d’avant.

En novembre, lorsque la situation dans la région s’est détériorée, le couple a décidé de quitter son domicile pour trouver refuge à l’étranger. Avec un petit groupe de personnes, emmenant quelques affaires de première nécessité, ils ont traversé la Turquie puis la Méditerranée pour atteindre la Grèce.

« Nous avons attendu un mois en Grèce avant d’apprendre que le Portugal nous avait acceptés. Nous ne savions que très peu de ce pays. Nous savions que c’était près du Maroc et de l’Espagne bien sûr. Et que la Syrie était très loin », explique Zacaria.

Maintenant réinstallé dans la ville de Ferreira do Zêzere, le couple a été invité à partager son histoire dans l’une des six Écoles amies des droits humains du pays, pour que les élèves puissent en apprendre plus sur la vie qu’ils avaient avant de devenir réfugiés en Europe. 

Zacaria, Abir (enceinte à l'époque) et leur fils d'un an, Yehia, ont réussi à fuir la Syrie par des voies non officielles. Ils sont arrivés au Portugal en décembre 2015. Ferreira do Zêzere, Portugal, février 2016 © Ricardo Rodrigues da Silva
Zacaria, Abir (enceinte à l’époque) et leur fils d’un an, Yehia, ont réussi à fuir la Syrie par des voies non officielles. Ils sont arrivés au Portugal en décembre 2015. Ferreira do Zêzere, Portugal, février 2016 © Ricardo Rodrigues da Silva

Encourager un nouveau discours pour les débats en classe

Les récits et les témoignages basés sur des expériences personnelles sont au cœur de la méthode mise en œuvre par l’école de Pedro Ferreiro pour permettre des discussions sur les droits des réfugiés et donner une nouvelle perspective aux débats en classe. 

Les élèves comprennent mieux les risques auxquels d’autres personnes peuvent être confrontées, ce qui leur permet de s’identifier à l’expérience de quelqu’un d’autre, de s’en souvenir et de se représenter les difficultés d’une réalité parfois très différente de la leur. L’histoire d’une personne, racontée face à face est un moyen puissant de donner corps à un problème qui touche de nombreuses autres personnes.

On peut montrer des images ou présenter des statistiques sur la crise des réfugiés, mais écouter Zacaria et Abir et les entendre parler de tout ce qu'ils ont dû surmonter pour survivre est beaucoup plus poignant que toutes les images que l'on peut montrer.

Luisa Marques, coordinatrice du programme éducation aux droits humains à Amnesty International Portugal

Avant de rencontrer Zacaria et Abir, les élèves reçoivent des informations pour qu’ils puissent se forger une opinion et développer une compréhension critique des difficultés auxquelles font face les réfugiés en Europe. Ils sont ensuite divisés en groupes, chacun représentant un pays différent présent lors d’une simulation de « sommet des chefs d’État », où les représentants doivent avancer des arguments pour ou contre l’accueil de réfugiés, répondre aux autres parties du débat et convaincre le camp opposé de la validité de leurs arguments.

« Je ne connaissais pas la réelle signification du mot “réfugié”, ce qui est une réalité effrayante. Lorsque j’ai réalisé ce qui se passait dans le monde et lorsque j’ai participé à cette activité, j’ai pris le temps d’y réfléchir et je suis restée perplexe. Je n’avais pas idée que ces gens avec des enfants, des bébés et des enfants plus âgés, souffrent tant et doivent changer de vie à cause de la guerre », explique Sonya, 17 ans, après avoir rencontré Zacaria et Abir.

Pour Luisa Marques, coordinatrice du programme éducation aux droits humains à Amnesty International Portugal, les personnes qui partagent leur histoire ont une influence considérable sur la façon dont les jeunes perçoivent la situation des réfugiés : « on ne peut se forger une opinion sur la question qu’une fois qu’on la comprend réellement : c’est le message que nous essayons de faire passer aux élèves à travers cette approche. On peut montrer des images ou présenter des statistiques sur la crise des réfugiés, mais écouter Zacaria et Abir et les entendre parler de tout ce qu’ils ont dû surmonter pour survivre est beaucoup plus poignant que toutes les images que l’on peut montrer ».