Les voix de Sanyang : Adja, fumeuse de poisson

Adja était entourée de bois et de cendres dans le fumoir près de la plage à Sanyang, en Gambie, lorsqu’elle s’est entretenue avec Amnesty International. Ce lieu touristique constitue aussi l’une des principales sources de revenus de la Gambie : le poisson.

Je sens l’odeur de l’usine depuis que je suis arrivée ici. Je sens cette odeur dès qu’ils commencent à travailler. Cette odeur me dérange.

Adja

Adja, veuve âgée d’une quarantaine d’années, a expliqué avoir commencé à travailler dans le fumage du poisson quatre mois plus tôt, après la mort de son mari, afin de pouvoir subvenir à ses propres besoins et ceux de ses cinq enfants, qui ont entre 7 mois et 10 ans. Ce travail est difficile et les revenus précaires. Adja fume principalement du bonga et des sardinelles, mais la pêche intensive à laquelle se livrent les bateaux de l’usine et les chalutiers étrangers rend le poisson plus rare et donc plus cher, ce qui signifie que les bénéfices d’Adja sont à la fois instables et en baisse. 

Certaines semaines, elle parvient à gagner environ 300 dalasi (autour de cinq euros), mais d’autres semaines, après avoir payé le bois, le poisson et la location au fumoir, il ne lui reste presque rien à ramener chez elle. Alors qu’elle nous racontait tout cela, deux choses sont restées constantes: son sourire et sa détermination féroce à continuer et à ne pas perdre l’espoir d’un avenir meilleur pour elle et ses enfants.

J’ai encore de l’espoir […] Je verrai si je peux continuer à faire ça. Ces quatre derniers mois, je n’ai vu aucun changement positif. La situation s’aggrave, il n’y a pas assez de poisson.

Adja

Toutefois, la situation s’annonce très difficile pour Adja et des milliers de personnes comme elle qui essayent de protéger leur famille, leur communauté et l’environnement.

Les femmes représentent environ 80 % des personnes qui transforment le poisson et 50 % des petits marchands de poisson. Il est évident que tous et toutes sont affectés par le manque de poisson et les dégradations de l’environnement. La cause de cette détérioration du niveau de vie et de l’environnement illustre de manière criante l’impact, sur les populations, d’activités humaines bien souvent lointaines qui ne tiennent pas compte de leurs répercussions sur les ressources dont, à terme, nous dépendons tous et toutes.

La pêche intensive est une activité humaine qui détruit et vide nos mers. Les populations qui évoluaient auparavant en harmonie avec l’environnement marin voient leurs conditions de vie détruites à une échelle non quantifiable et à une vitesse alarmante.

La Gambie se trouve sur la côte ouest de l’Afrique et comprend environ 80 km de côtes. La pêche est une activité centrale pour beaucoup de Gambiens, ainsi qu’une des principales sources de nourriture, en particulier les poissons pélagiques (qui vivent près de la surface) comme les sardinelles et le bonga.

La pêche intensive pratiquée par les gros chalutiers étrangers et les bateaux des usines de farine et d’huile de poisson a vidé les côtes gambiennes à un rythme frénétique. La Gambie exporte près de 20 000 tonnes de poisson par an dans le cadre des activités des usines de farine de poisson, des navires industriels étrangers et des entreprises de transformation du poisson. En outre, la pêche illégale fait perdre chaque année l’équivalent de 2,3 milliards de dollars à la Gambie et aux pays côtiers voisins, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Mauritanie, le Sénégal et la Sierra Leone. Le tableau est bien sombre. 

Cette surpêche n’est pas durable pour la santé des océans et de la population humaine. 

En ce moment, ce sont les habitants de Sanyang qui en ressentent les effets immédiats les plus graves. Ils savent qu’à long terme, la surexploitation de la mer par les gros chalutiers étrangers et les usines de farine de poisson menace leurs vies et leur environnement. Ces personnes ont fait part à Amnesty International de leurs craintes quant à l’impact plus large de cette situation sur leur communauté : prix en augmentation d’un élément central dans leur alimentation, hausse du chômage parmi les personnes qui vivent de la pêche traditionnelle, et insécurité alimentaire croissante dans une population pour qui le poisson est une source essentielle de protéines. 

Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, entre 2015 et 2020, le nombre de personnes touchées par l’insécurité alimentaire est passé de 5 à 8 % en Gambie.

Le gouvernement gambien a l’obligation de protéger sa population et de défendre ses droits fondamentaux, dont les droits à l’alimentation, à un travail décent, à la santé et à un environnement sûr. Cependant, l’expérience d’Adja et d’autres personnes qui se sont entretenues avec Amnesty International montre qu’au lieu de défendre ces droits, le gouvernement permet qu’ils soient fragilisés au nom de certains intérêts économiques.

Le gouvernement gambien doit protéger ces droits et adopter une législation imposant aux entreprises de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits humains dans leurs opérations et leurs chaînes d’approvisionnement. Les autorités doivent en outre veiller à ce que les eaux gambiennes fassent l’objet d’une surveillance efficace contre la pêche illégale. Le gouvernement doit aussi faire preuve de transparence et permettre au public d’accéder facilement aux informations concernant les usines de farine de poisson et les chalutiers étrangers. 

Rejoignez les membres et les sympathisant·e·s d’Amnesty International dans leur campagne pour protéger les eaux côtières, les ressources marines et les communautés gambiennes. Agissez maintenant en envoyant un courriel au président de la Gambie, Adama Barrow, pour lui demander instamment de veiller à la mise en œuvre des recommandations d’Amnesty International. 

*Prénom modifié pour protéger la sécurité et la vie privée de la personne.

Les voix de Sanyang : #SaveGambianSeas #ProtectGambianCommunities

Des membres des communautés affectées par la surexploitation des mers du fait des activités de l’usine de farine de poisson Nessim et des chalutiers industriels étrangers partagent leur histoire avec nous. Ces récits de première main vous permettront d’en savoir plus sur les raisons qui nous poussent à soutenir Sanyang pour sauvegarder les eaux gambiennes et protéger les droits des communautés gambiennes.

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ENVOYEZ UN TWEET AU PRÉSIDENT DE LA GAMBIE

.@BarrowPresident, vous devez protéger les citoyen·ne·s des atteintes aux droits humains commises par tous les acteurs, dont les entreprises de pêche. Vous pouvez agir maintenant pour réduire les effets socioéconomiques et environnementaux néfastes de la surpêche en #Gambie.