Rapport 2021/22

Le monde a-t-il essayé de «reconstruire en mieux» à la suite de la pandémie de COVID-19 ?

Sur le plan des droits humains, 2021 aura principalement été une vaste histoire de trahison dans les allées du pouvoir.

Le rapport d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde en 2021, publié en mars 2022, montre que les promesses de « reconstruire en mieux » après la pandémie de COVID-19 se sont révélées creuses. Les espoirs d’une coopération mondiale ont périclité face à la rétention des vaccins et à l’avidité des grandes entreprises.

Les États ont continué de réprimer les voix indépendantes et critiques, certains se servant même de la pandémie comme prétexte pour réduire encore l’espace civique. De nouveaux conflits ont éclaté, d’autres se sont poursuivis. Les personnes contraintes de fuir ont été soumises à d’innombrables atteintes à leurs droits fondamentaux, notamment à des renvois forcés illégaux (pushbacks) de la part de pays du Nord mondial.

Mais l’espoir d’un monde meilleur pour l’après-pandémie a été entretenu par des personnes, des mouvements sociaux et des organisations de la société civile qui ont su faire preuve de courage.

2021 aurait dû être une année de guérison et de redressement. Au lieu de cela, elle est devenue un incubateur d’inégalité et d’instabilité croissantes.

Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International

Le Rapport 2021/22 d’Amnesty International met en lumière ces dynamiques aux niveaux mondial, régional et national, et rend compte de la situation des droits humains en 2021 dans

154

pays.

Carte de la situation des droits humains

La carte interactive ci-dessous met en lumière les principaux thèmes abordés dans la préface et l’analyse mondiale du rapport annuel d’Amnesty International : la santé et les inégalités, l’espace civique, les conflits, et les personnes réfugiées ou migrantes. Elle propose pour cela des extraits des résumés concernant quatre pays de chacune des cinq régions traitées dans le rapport.

Consultez les pages pays pour en lire davantage sur la situation en matière de droits humains en 2021 dans chaque pays analysé. Vous pouvez également télécharger le rapport complet au format PDF, disponible dans plusieurs langues. Enfin, vous pouvez lire notre communiqué de presse.

Téléchargez le Rapport 2021/22 d’Amnesty International

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Statistiques mondiales

Le travail d’observation que nous avons mené en 2021 dans 154 pays révèle un niveau de répression particulièrement inquiétant dans le monde en ce qui concerne les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Notre analyse montre que cela s’est produit notamment dans les pays où :

  • une nouvelle législation restreignant la liberté d’expression, d’association ou de réunion pacifique a été adoptée ;
  • des allégations crédibles ont fait état de cas de recours excessif ou inutile à la force par les forces de sécurité contre des manifestant·e·s ;
  • des défenseur·e·s des droits humains ont été arrêtés arbitrairement. 

Ces informations sont présentées sous forme de pourcentages dans les infographies ci-dessous :

Analyse mondiale

Notre analyse mondiale de 2021 est axée sur trois thèmes : la santé et les inégalités, l’espace civique, et les personnes réfugiées ou migrantes.

Mekele, Éthiopie, 16 juin. Une femme fait la queue avec d’autres habitant·e·s de Geha, pour obtenir un kit humanitaire lors d’une opération menée par USAID, Catholic Relief Services et Relief Society of Tigray le 16 juin 2021 à Mekele, en Éthiopie. Les dirigeant·e·s du G7 ont récemment appelé à garantir un accès sans restriction aux travailleuses et travailleurs humanitaires dans la région, où les forces gouvernementales et l’armée Érythréenne combattent des groupes rebelles depuis novembre dernier. L’ONU affirme que 350 000 personnes vivent là-bas dans des conditions de « famine », un terme que conteste le gouvernement Éthiopien, qui a néanmoins admis que la population du Tigré souffrait d’« insécurité alimentaire ».

Santé et inégalités

Les vaccins ont fait naître l’espoir de voir enfin se terminer une pandémie qui, selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), avait fait au moins 5,5 millions de morts à la fin de l’année 2021, certaines estimations donnant même des chiffres deux à trois fois supérieurs.

De nombreux États ont promis de contribuer à la couverture vaccinale mondiale, et le G7 et le G20 ont pris des engagements importants. Néanmoins, en dépit des efforts déployés, en particulier par certains pays du Sud, la coopération internationale n’a pas été à la hauteur des attentes.

Les pays à revenu élevé ont accumulé des millions de doses – bien plus que ce qu’ils pouvaient utiliser. Certains se sont ainsi retrouvés avec de quoi vacciner trois à cinq fois leur population.

Ainsi, à la fin de l’année, moins de 8 % des 1,2 milliard d’habitant·e·s que comptait l’Afrique présentaient un schéma vaccinal complet, ce qui faisait de ce continent le moins vacciné au monde, bien loin de l’objectif de 40 % fixé par l’OMS pour la fin de l’année 2021. Ces inégalités mondiales dans l’accès aux vaccins n’ont fait qu’enraciner davantage l’injustice raciale.

Espace civique

Au lieu de proposer un espace d’échange et de débat sur la meilleure façon de relever les défis de 2021, les États ont continué de réprimer les voix indépendantes et critiques, certains se servant même de la pandémie comme prétexte pour réduire encore l’espace civique.

Pendant l’année, de nombreux gouvernements ont redoublé d’efforts pour imposer et/ou appliquer des mesures répressives contre leurs détracteurs et détractrices, souvent sous le prétexte officiel d’enrayer la mésinformation au sujet du COVID-19.

En Chine, en Iran et ailleurs, les autorités ont arrêté et poursuivi des personnes qui critiquaient ou remettaient en question leur gestion de la crise sanitaire. Aux quatre coins du monde, des États ont empêché et dispersé abusivement des manifestations, parfois sous couvert de la réglementation visant à prévenir la propagation du coronavirus.

Plusieurs États, notamment en Afrique, en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, ont bloqué ou fortement restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux.

Un policier (à droite) commence à charger après que des manifestant·e·s ont renversé des poubelles dans la rue dans le quartier de Causeway Bay à Hong Kong, le 4 juin 2021. La police avait bouclé le secteur faisant habituellement office de lieu de rassemblement annuel pour commémorer le massacre de la place Tiananmen en 1989. Les autorités ont justifié cela en invoquant la pandémie de COVID-19 et ont promis qu’elles empêcheraient toute manifestation à cette date anniversaire.
Une jeune fille migrante observe des personnes en quête d’asile entrer aux États-Unis au poste-frontière de San Ysidro, à Tijuana (État de Basse-Californie, Mexique), le 10 mai 2021.

Les personnes réfugiées ou migrantes rejetées par les pays du Nord

Des déplacements de grande ampleur ont eu lieu en 2021, sous l’effet de crises nouvelles ou persistantes. La situation en Afghanistan, en Éthiopie et au Myanmar, entre autres, a entraîné de nouvelles vagues de déplacements.

Cette année encore, des milliers de personnes ont quitté le Venezuela, et le conflit persistant en République démocratique du Congo a conduit, à lui seul, 1,5 million de personnes à abandonner leur domicile en 2021. Au niveau mondial, des millions de personnes ont continué de fuir leur pays en raison de violations des droits humains liées aux conflits et à la violence, aux inégalités, au changement climatique et aux dégradations de l’environnement, les minorités ethniques étant parmi les groupes les plus touchés.

Selon le HCR, à la mi-2021, on comptait à travers le monde 26,6 millions de personnes réfugiées et 4,4 millions de personnes demandeuses d’asile. La communauté internationale n’a pas apporté un soutien suffisant et, pire encore, a restreint l’accès aux lieux sûrs. Trop souvent, les personnes en mouvement étaient également victimes de tout un éventail de violences, et l’impunité était la norme pour les auteurs des violations généralisées subies par ces personnes, comme les renvois forcés illégaux (pushbacks), la torture et les violences sexuelles.

Chronologie

La chronologie ci-dessous présente des événements de 2021 qui font écho aux principaux thèmes abordés dans la préface et l’analyse mondiale du rapport annuel d’Amnesty International : la santé et les inégalités, l’espace civique, les conflits, et les personnes réfugiées ou migrantes.

Des manifestations ont éclaté après qu’Alexeï Navalny, figure de l’opposition en Russie, a été emprisonné à son retour d’Allemagne, où il avait dû être hospitalisé. Ces manifestations ont été suivies d’une gigantesque vague d’arrestations arbitraires et de poursuites administratives et pénales pour des motifs fallacieux.

Janvier

Le monde a continué de subir les conséquences de la pandémie de COVID-19. Un nouveau variant s’est propagé rapidement, emportant des millions de vies. Les autorités ont décidé de nouvelles mises en quarantaine et d’autres restrictions au droit de circuler librement. Dans de nombreux pays, la pandémie et les mesures prises pour y faire face ont continué à avoir des effets dévastateurs sur les droits économiques et sociaux, piégeant des centaines de millions de personnes dans l’extrême pauvreté.
La situation en matière de droits humains s’est gravement détériorée après un coup d’État militaire et l’arrestation de plusieurs membres du gouvernement. L’armée a violemment réprimé celles et ceux qui s’opposaient au coup d’État. À la fin de l’année les forces de sécurité avaient tué plus de 1 000 personnes et en avaient arrêtées plusieurs milliers d’autres.

Février

Comme à d’autres moments de l’année, la coalition dirigée par l’Arabie saoudite a mené des frappes aériennes qui ont tué ou blessé des civils et endommagé des biens de caractère civil, tandis qu’en face, les forces houthies ont fait usage d’armes lourdes imprécises qui ont eu des conséquences similaires. Les transferts d’armes irresponsables aux parties au conflit se sont poursuivis.

Mars

Le gouvernement a adressé un ultimatum au Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), menaçant de prendre des mesures pour renvoyer les réfugié·e·s dans leurs pays d’origine si l’agence des Nations unies ne fermait pas les camps de Kakuma et de Dadaab dans les 14 jours. Le gouvernement a fini par se rétracter, mais les réfugié·e·s ont continué de vivre dans la peur et l’incertitude.
Un mouvement de grève national a été déclenché par un projet de réforme fiscale que le gouvernement cherchait à imposer en pleine crise sociale exacerbée par la pandémie de COVID-19. De nombreux cas de recours excessif à la force de la part des forces de sécurité sur la personne de manifestant·e·s pacifiques ont été signalés.

Avril

Un groupe de 15 militant·e·s, défenseur·e·s des droits humains et journalistes ont été poursuivis pour « terrorisme » alors qu’ils n’avaient fait qu’exercer leur droit à la liberté d’expression. Par la suite, les autorités ont eu de plus en plus souvent recours à des dispositions liées au terrorisme pour arrêter et placer en détention des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et d’autres personnes.
La police de Rio de Janeiro a mené son opération la plus meurtrière à ce jour, faisant 27 morts parmi les habitant·e·s de la favela de Jacarezinho et une victime du côté des forces de police. L’intervention avait été lancée sur la base de photographies de suspects présumés publiées sur les réseaux sociaux.

Mai

Face à des protestataires qui réclamaient l’arrêt des violences policières et la mise en place de réformes démocratiques, le gouvernement a lancé en mai une campagne brutale de répression des droits humains. En octobre, plus de 1 000 personnes avaient été arrêtées arbitrairement et plus de 80 autres avaient été tuées lors de dispersions de manifestations par la violence.
La police a eu recours à une force excessive pour disperser plusieurs centaines de personnes qui s’étaient rassemblées pacifiquement pour un teknival. L’intervention de la police a fait plusieurs blessé·e·s graves et un homme a eu la main arrachée.

Juin

La marche des fiertés annuelle d’Istanbul a été interdite pour la sixième année consécutive. La police a eu recours à une force excessive et inutile pour disperser des manifestant·e·s et a procédé à au moins 47 arrestations.
Tong Ying-kit a été condamné à neuf ans de prison. Il est devenu la première personne condamnée au titre de la Loi relative à la sécurité nationale. Entre le 1er juillet 2020 et la fin de l’année 2021, la police a arrêté ou ordonné l’arrestation d’au moins 161 personnes au titre de la Loi sur la sécurité nationale.

Juillet

Fruit d’une collaboration majeure entre des spécialistes des droits humains et des journalistes d’investigation, le Projet Pegasus a permis de dévoiler un système de surveillance d’État ciblant les personnes critiques à l’égard des autorités et les défenseur·e·s des droits humains, entre autres. Le logiciel espion Pegasus, utilisé pour cette surveillance, a été créé par la société israélienne NSO Group.
Les talibans ont pris le pouvoir. Des millions de personnes ont été contraintes de quitter leur foyer et se sont retrouvées face à un avenir incertain en tant que réfugié·e·s. Avec l’arrêt de l’aide humanitaire internationale, les personnes restées dans le pays étaient en butte à la pauvreté, la faim et la maladie.

Août

La police a utilisé des matraques pour frapper des agriculteurs·trices qui manifestaient pacifiquement contre trois lois agraires controversées. Plus de 183 personnes ont été arrêtées pour avoir manifesté contre ces lois en 2021.
L’aide humanitaire a eu du mal à atteindre celles et ceux qui en avaient besoin alors que le conflit armé s’étendait. D’après les estimations des Nations unies, plus de cinq millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Au cours de l’année, le conflit a fait des milliers de morts parmi la population civile, principalement du fait de l’origine ethnique des victimes, et a entraîné le déplacement de millions de personnes.

Septembre

L’armée s’est emparée du pouvoir, a dissous le gouvernement civil et a imposé l’état d’urgence dans tout le pays. Les modestes progrès réalisés par le gouvernement de transition en vue de l’amélioration de la situation des droits humains ont été stoppés net. Au moins 53 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées dans les manifestations qui ont suivi le coup d’État.

Octobre

Lors de la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques (COP 26) qui s’est tenue à Glasgow (Royaume-Uni), les États n’ont même pas su trouver d’accord pour limiter la hausse de température à 1,5 °C, condamnant de fait plus d’un demi-milliard de personnes, principalement dans le Sud mondial, à subir des pénuries d’eau et des milliards de personnes à souffrir de vagues de chaleur extrêmes.

Novembre

Phạm Đoan Trang, journaliste, auteure et défenseure reconnue des droits humains, a été condamnée à neuf ans de prison. Elle a été déclarée coupable en lien avec des articles qu’elle avait écrits au sujet de l’environnement et des droits humains, et des entretiens qu’elle avait accordés à des médias étrangers.

Décembre

Études de cas

Le rapport annuel d’Amnesty International rend compte d’atteintes systématiques des droits humains dans de nombreux pays et régions, telles que la répression meurtrière de manifestations. Toutefois, derrière chaque atteinte aux droits fondamentaux se joue un drame humain. Un exemple parmi tant d’autres est celui de Kevin Agudelo, qui a été abattu lors d’une veillée dédiée aux victimes de violences policières en Colombie.

55 % des pays étudiés ont enregistré des cas de recours excessif à la force contre des manifestant·e·s.

Lors de la grève nationale de 2021, des milliers de personnes sont descendues dans la rue en Colombie pour réclamer le respect de leurs droits. La réponse du gouvernement a été d’attaquer et de sanctionner celles et ceux qui exprimaient leur opinion.

Le 3 mai, une commémoration avait été organisée dans le quartier de Siloé, à Cali. Un jeune homme avait été tué la nuit précédente, par la police selon certaines allégations. Des membres de la police nationale, de l’unité antiémeutes et du Groupe des opérations spéciales de la police ont utilisé des armes létales et des gaz lacrymogènes pour disperser la foule.

Trois personnes ont perdu la vie lors de cette opération, dénommée “Opération Siloé”, dont le jeune footballeur Kevin Agudelo.

Kevin jouait comme défenseur au Siloe FC, mais tous ses rêves se sont évaporés en quelques minutes.

Des témoins ont indiqué que lorsque Kevin a été trouvé, il était déjà mort, victime d’une balle dans la poitrine. Nous avons pu analyser des vidéos des faits et établir que des membres de la police lourdement armés se trouvaient près de l’endroit où Kevin a trouvé la mort et qu’ils avaient fait feu avec des fusils d’assaut Tavor 5,56 mm.

Personne ne devrait être la cible d’attaques pour s’être exprimé.

PERSONNE.

Analyses régionales du rapport annuel

Les cinq résumés régionaux du rapport annuel s’attardent non seulement sur les principaux thèmes abordés dans la préface et l’analyse mondiale (santé et inégalités, espace civique, conflits, et réfugié·e·s et migrant·e·s), mais aussi sur d’autres problématiques spécifiques à chaque région. En voici quelques exemples.

Afrique

Impunité

Dans presque tous les pays, les responsables de crimes de droit international et d’autres graves atteintes aux droits humains jouissaient de l’impunité.

School Teacher Icon

Droit à l’éducation

Les fermetures d’écoles et les autres perturbations de l’apprentissage imputables à la pandémie ont continué à susciter de vives inquiétudes. Au Tchad, le taux de scolarisation des filles dans l’enseignement secondaire est passé de 31 % en 2017 à 12 % en 2021, en raison des fermetures d’établissements et du taux élevé de mariages précoces ou forcés. En Afrique du Sud, environ 750 000 enfants avaient abandonné l’école en mai, soit au bas mot trois fois plus que les 230 000 d’avant la pandémie. En Ouganda, où les écoles ont commencé à rouvrir progressivement en février, avant de fermer à nouveau en juin, l’Autorité nationale de la planification a estimé que plus de 30 % des élèves ne retourneraient pas à l’école. Dans les pays en proie à un conflit, les enfants éprouvaient des difficultés particulières et profondes en matière d’accès à l’éducation.

Droits en matière de logement

En dépit de la pandémie de COVID-19, des expulsions forcées ont eu lieu dans plusieurs pays et fait des dizaines de milliers de sans-abri. Sur une note plus positive, des tribunaux au Kenya et en Ouganda ont fait respecter le droit au logement et condamné des expulsions forcées. La Cour suprême du Kenya a jugé que l’expulsion, en 2013, des habitant·e·s de City Carton, un bidonville de Nairobi, la capitale du pays, constituait une violation du droit au logement de ces personnes. En Ouganda, la Cour constitutionnelle a jugé que l’Autorité de la flore et de la faune sauvage (UWA) avait expulsé illégalement les Pygmées batwas, un peuple autochtone, de leurs terres ancestrales situées dans la forêt de Mgahinga, dans le sud-ouest du pays.

Pride Flag

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Cette année encore, des personnes LGBTI ont été harcelées, arrêtées et poursuivies en justice en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre réelles ou présumées dans de nombreux pays d’Afrique. Au Bénin, trois femmes transgenres ont été forcées à se dévêtir avant d’être rouées de coups et dévalisées par un groupe d’hommes à Cotonou ; cette agression a été filmée et la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. De nombreuses agressions visant des personnes LGBTI ont aussi été filmées au Sénégal. Une nouvelle loi adoptée au Nigeria contenait une disposition prévoyant la réclusion à perpétuité pour les personnes transgenres.

Amériques

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Droits sexuels et reproductifs

De nombreux gouvernements n’ont pas fait suffisamment pour promouvoir la santé sexuelle et reproductive. Certains services essentiels étaient inexistants et dans la plupart des pays la pratique d’un avortement sûr restait passible de sanctions pénales. Haïti, le Honduras, la Jamaïque, le Nicaragua, la République dominicaine et le Salvador maintenaient une interdiction totale de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Si l’Argentine a franchi un pas historique à la fin de 2020 en dépénalisant l’avortement (désormais légal dans les 14 premiers mois de la grossesse), d’autres pays n’ont pas suivi ce mouvement. Au Chili, une proposition de loi visant à dépénaliser l’IVG dans les 14 premières semaines de grossesse a été rejetée.

Icône de main

Droits des peuples autochtones

Les peuples autochtones des Amériques n’avaient toujours pas accès de manière satisfaisante à leurs droits à l’eau, à l’assainissement, à la santé et à la protection sociale, et pâtissaient de l’absence de mécanismes adaptés à leur culture pour protéger leurs droits à la santé et leurs moyens d’existence, autant de facteurs qui ont aggravé les conséquences de la pandémie de COVID-19

Violences faites aux femmes et aux filles

Sur l’ensemble de la région, trop peu de mesures étaient prises pour protéger les femmes et les filles. Par ailleurs, les enquêtes concernant les cas de violences fondées sur le genre étaient souvent défaillantes. Les violences contre les femmes restaient ainsi très répandues au Mexique, où 3 427 homicides commis sur la personne de femmes ont été recensés pendant l’année ; 887 faisaient l’objet d’une enquête en tant que féminicides. En Colombie, où l’Observatoire des féminicides a fait état de 432 féminicides au cours des huit premiers mois de l’année, les forces de sécurité se livraient elles aussi régulièrement à des actes de violence sexuelle contre des femmes. Le Paraguay et Porto Rico ont instauré l’état d’urgence pour faire face à la hausse des violences à l’égard des femmes, qui ont également augmenté de manière significative au Pérou et en Uruguay.

Pride Flag

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Des progrès limités ont été enregistrés dans la région en matière de reconnaissance des droits des personnes LGBTI, mais des lois de portée générale faisaient toujours défaut et les personnes LGBTI continuaient à être la cible de discriminations, de violences et d’homicides dans plusieurs pays. En Argentine, les autorités ont instauré une nouvelle carte d’identité reconnaissant les personnes qui s’identifiaient comme non binaires ; en outre, le Congrès a adopté en juin une loi visant à promouvoir l’emploi des personnes transgenres. Aux États-Unis, le gouvernement de Joe Biden a pris des mesures pour mettre un terme aux politiques discriminatoires du précédent gouvernement à l’égard des personnes LGBTI. Cependant, des centaines de propositions de loi qui restreindraient les droits des personnes LGBTI ont été présentées au niveau des États pendant l’année.

Asie-Pacifique

Icon Hands

Droits des travailleuses et travailleurs

La pandémie a continué d’exercer une pression énorme sur les professionnel·le·s de santé dans toute la région. Dans de nombreux pays, ils travaillaient dans des conditions intolérables, sans protection ni rémunération suffisantes. En Mongolie, des professionnel·le·s de santé ont été agressés physiquement par les autorités et certain·e·s ont été agressés par des patient·e·s contrariés ou désespérés. En Inde, les auxiliaires de santé locaux étaient insuffisamment payés et ne disposaient pas d’équipements de protection personnelle en quantités suffisantes. En Indonésie, le versement de primes aux professionnel·le·s de santé, en reconnaissance de leur action pendant la pandémie de COVID-19, a été retardé. Les conséquences socioéconomiques de la pandémie et les restrictions liées à celle-ci se sont cette année encore fait durement ressentir, touchant de manière disproportionnée les personnes déjà marginalisées, notamment celles qui ne bénéficiaient pas de la sécurité de l’emploi et de revenus réguliers.

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Droits des femmes et des filles

Les droits des femmes et des filles ont subi de graves revers dans la région. En Afghanistan, les 20 années d’avancées vers une meilleure protection et une meilleure promotion des droits des femmes ont été effacées du jour au lendemain. Les violences sexuelles et liées au genre, déjà endémiques dans de nombreux pays de la région, se sont aggravées sur fond de mesures liées au COVID-19 adoptées par les États. Les demandes visant à ce que les responsables de violences à l’égard des femmes rendent des comptes et à ce que les victimes soient mieux protégées n’ont guère amené de résultats. Le gouvernement chinois a mené une campagne de dénigrement contre des femmes vivant en exil qui avaient été détenues dans la région du Xinjiang et qui dénonçaient les violences sexuelles perpétrées dans les prétendus « centres de rééducation ». Au Pakistan, le Parlement a adopté un projet de loi sur la violence domestique, mais l’opposition des partis conservateurs aurait conduit le gouvernement à demander à une instance consultative religieuse d’en examiner le texte.

Pride Flag

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les personnes LGBTI étaient, dans de nombreux pays de la région, toujours persécutées ou soumises à une discrimination dans la législation et dans la pratique. Dans un certain nombre de pays, la loi sanctionnait toujours pénalement les relations sexuelles librement consenties entre personnes du même sexe. Des campagnes hostiles aux personnes LGBTI ont été menées dans plusieurs pays. En Malaisie, plus de 1 700 personnes ont été envoyées dans des camps de réadaptation administrés par l’État, dans le but de modifier leur « style de vie » et leur « orientation sexuelle ». Les autorités chinoises ont continué de mener une campagne visant à « nettoyer » Internet de toute représentation LGBTI. Les hommes d’apparence efféminée ont été interdits d’antenne à la télévision et les comptes des organisations LGBTI sur les réseaux sociaux ont été fermés. En Afghanistan, les talibans ont clairement fait comprendre qu’ils ne respecteraient pas les droits des personnes LGBTI. À Taiwan, quelques progrès ont été enregistrés en matière de reconnaissance du mariage entre partenaires du même sexe, mais les personnes LGBTI faisaient toujours l’objet d’une discrimination.

Torture et autres mauvais traitements

Des progrès limités ont été enregistrés en matière de prévention de la torture et des autres formes de mauvais traitements, qui restaient endémiques dans bon nombre de pays de la région. Des initiatives ont été prises aussi bien au Pakistan qu’en Thaïlande pour criminaliser la torture. La proposition de loi examinée dans ce dernier pays n’était cependant pas totalement conforme aux normes internationales en la matière. Au Sri Lanka, la nouvelle réglementation mise en place au titre de la Loi relative à la prévention du terrorisme risquait d’avoir pour effet d’accroître le risque de torture pour les personnes détenues. La torture et d’autres formes de mauvais traitements ont continué d’être signalés dans ces pays, comme ailleurs dans la région.

Europe et Asie centrale

Government Icon

Érosion de l’indépendance de la justice

Les mesures abusives prises par les États se sont tout particulièrement traduites par une érosion de l’indépendance de la justice. La Pologne a continué d’ignorer les injonctions des organisations européennes qui tentaient d’enrayer la perte d’indépendance de la justice polonaise, confrontant l’EU à la plus grave crise de son histoire en matière d’état de droit. La situation était plus grave encore au Bélarus, où les autorités se servaient de la justice comme d’une arme pour punir les victimes de la torture et les personnes témoins de violations des droits humains. En Géorgie, l’arrestation de dirigeant·e·s d’opposition, dont l’ancien président Mikheil Saakachvili, puis leur détention dans des conditions dégradantes, suscitaient une vive inquiétude quant à l’indépendance de la justice. Plusieurs organisations multilatérales ont relevé que la nouvelle Constitution du Kirghizistan risquait de porter atteinte à l’indépendance du système judiciaire dans ce pays.

Discrimination

Le racisme et la discrimination contre les personnes noires, musulmanes, roms ou juives sont devenus de plus en plus manifestes dans de nombreux contextes. Au Royaume-Uni, un rapport du gouvernement a rejeté toute accusation de racisme institutionnel dans le pays, tandis qu’un nouveau projet de loi sur la police faisait craindre un renforcement de la discrimination contre les noir·e·s, les Tsiganes, les Roms et les gens du voyage (Travellers). Les autorités danoises ont fait disparaître de la législation toute référence à des « ghettos », mais elles ont maintenu les restrictions existantes en matière d’accès aux logements sociaux pour les personnes ayant « des origines non occidentales ». Sous couvert de lutte contre la radicalisation et le terrorisme, l’Autriche et la France ont renforcé la surveillance des musulman·e·s, mené des opérations contre des mosquées ou dissous des organisations de lutte contre l’islamophobie. En Allemagne, 1 850 actes antisémites et autres crimes de haine contre des personnes de confession juive ont été officiellement signalés entre le 1er janvier et le 5 novembre 2021. Ce chiffre est le plus élevé depuis 2018. Une forte hausse des événements de ce type a aussi été enregistrée en Autriche, en France, en Italie et au Royaume-Uni.

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Droits sexuels et reproductifs

L’accès à des services d’interruption de grossesse sûrs et légaux restait une préoccupation centrale en matière de droits humains dans plusieurs pays. Des droits ont été remis en question en Andorre, à Malte, en Pologne et ailleurs. En Pologne, un arrêt de la Cour constitutionnelle disposant que l’avortement pour cause de malformation grave du fœtus était inconstitutionnel est entré en vigueur. Dans l’année qui a suivi cet arrêt, 34 000 femmes ont pris contact avec l’ONG Avortement sans frontières, qui aidait les femmes à se rendre à l’étranger pour y recevoir des soins et des conseils en matière d’interruption volontaire de grossesse. En Andorre, une défenseure des droits humains qui s’était inquiétée devant l’ONU de l’interdiction totale de l’avortement dans le pays était toujours sous le coup d’une inculpation pour diffamation. Saint-Marin a en revanche légalisé par voie de référendum l’interruption volontaire de grossesse.

Violences faites aux femmes et aux filles

Le bilan général restait mitigé en matière de violences faites aux femmes. La Turquie s’est retirée de la Convention d’Istanbul, traité historique en matière de lutte contre les violences faites aux femmes, mais le Liechtenstein et la Moldavie l’ont ratifiée. Par ailleurs, la Slovénie a modifié sa loi sur le viol afin qu’elle soit fondée sur la notion de consentement. En Espagne, aux Pays-Bas et en Suisse, des réformes de la législation sur le viol étaient également en cours. La violence contre les femmes restait néanmoins un phénomène très courant. Une étude réalisée par l’ONG russe Consortium a révélé que 66 % des femmes tuées entre 2011 et 2019 avaient été victimes de violence domestique. Le ministère de l’Intérieur d’Ouzbékistan a rejeté une demande de l’ONG NeMolchi, qui souhaitait obtenir des informations sur les poursuites engagées pour des violences contre des femmes, estimant cette requête « inutile ». En Azerbaïdjan, des militant·e·s des droits des femmes et des journalistes ont fait l’objet de chantage et de campagnes de dénigrement fondées sur le genre, tandis que des rassemblements de femmes destinés à dénoncer la violence domestique étaient violemment dispersés. En Ukraine, les agressions homophobes se sont poursuivies et, selon certaines informations, les services d’aide manquaient pour les victimes de violences domestiques qui vivaient dans les zones du Donbass échappant au contrôle des autorités centrales.

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Torture et autres mauvais traitements

Dans 18 pays au moins, des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont cette année encore été commis dans des lieux de détention officiels et non officiels, notamment lors d’interrogatoires (pour arracher des « aveux ») et dans le cadre d’un maintien à l’isolement dans des conditions très dures. En Arabie saoudite, en Égypte, en Iran et en Libye, les autorités ont manqué à leur obligation d’enquêter sur les causes et les circonstances de décès en détention survenus dans des conditions suspectes, alors même que des allégations de torture, y compris de refus délibéré de soins, avaient été formulées. Au Liban, 26 réfugié·e·s·syriens, dont quatre enfants, détenus sur la base d’accusations liées au terrorisme ont été soumis à la torture, entre autres aux mains d’agents des services militaires, selon des informations recueillies par Amnesty International. Les autorités n’ont pas mené d’enquête sur ces allégations de torture, même lorsque les personnes concernées ont déclaré au juge qu’elles avaient été torturées. Personnalité bien connue qui ne ménageait pas ses critiques à l’égard des autorités palestiniennes, Nizar Banat est mort en détention aux mains des Forces de sécurité préventive, après avoir été arrêté et torturé par celles-ci à Hébron, dans le sud de la Cisjordanie. L’autopsie a mis en évidence des fractures, des ecchymoses et des écorchures sur tout le corps.

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Droits des travailleuses et travailleurs

Dans toute la région, les autorités ont manqué à leur devoir de protection des travailleuses et travailleurs faiblement rémunérés contre la perte d’emploi ou de salaire, y compris lorsque cette perte résultait des conséquences économiques de la pandémie. Les gouvernements ont en outre réprimé le droit de grève et n’ont rien fait pour protéger des personnes injustement licenciées après avoir participé à une grève. En Égypte, les autorités ont sanctionné cette année encore des travailleuses et travailleurs qui avaient exprimé leurs opinions ou qui étaient simplement perçus comme n’étant pas d’accord avec la majorité. Aux termes d’une loi promulguée cette année, les salarié·e·s du secteur public qui figuraient sur la « liste de terroristes » étaient automatiquement licenciés. Par ailleurs, un tribunal a validé le licenciement sans indemnités d’un salarié d’une entreprise publique qui avait « exprimé publiquement ses opinions politiques ». Plusieurs pays ont en revanche annoncé des réformes visant à améliorer la protection des travailleuses et travailleurs migrants, notamment des États du Golfe, où les personnes migrantes représentaient une très forte proportion de la main-d’œuvre.

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Droits des femmes et des filles

Dans l’ensemble de la région, les violences contre les femmes et les filles ne donnaient le plus souvent pas lieu à des sanctions pénales. Des crimes d’« honneur » ont été commis cette année encore en Irak, en Jordanie, au Koweït et en Palestine, sans que les auteurs présumés de ces actes soient poursuivis en justice par les autorités. En Iran, un projet de loi sur la lutte contre les violences faites aux femmes contenait des mesures bienvenues, comme la création de foyers d’accueil, mais ne définissait pas la violence domestique comme une infraction à part entière, n’érigeait pas en infraction le viol conjugal ni le mariage des enfants, et privilégiait la réconciliation plutôt que l’obligation de rendre des comptes dans les affaires de violence domestique. D’autres dispositions législatives adoptées en Iran dans le courant de l’année ont restreint fortement l’accès à la contraception, aux services de stérilisation volontaire et à l’information dans ce domaine, ce qui portait atteinte aux droits reproductifs des femmes. En Libye, les autorités ont failli à leur devoir d’assurer la protection des femmes et des filles contre les violences sexuelles ou fondées sur le genre, ainsi que contre les homicides, les actes de torture et la privation illégale de liberté dont les milices, les groupes armés et d’autres acteurs non étatiques se rendaient responsables, et de faire en sorte que les victimes obtiennent réparation.

Minorités ethniques et religieuses

Dans toute la région, les membres de minorités religieuses étaient en butte à une discrimination profondément enracinée, en droit et en pratique, notamment en ce qui concerne le droit de pratiquer leur culte. Dans certains pays, notamment en Égypte et en Iran, des membres de minorités religieuses et des personnes n’adhérant pas à la foi musulmane alors que leurs parents étaient considérés comme musulmans par les autorités ont été arrêtés, poursuivis et détenus arbitrairement pour avoir professé leur foi ou exprimé des convictions qui n’étaient pas tolérées par les autorités. En Iran, trois hommes convertis au christianisme ont été condamnés à des peines d’emprisonnement en vertu de nouvelles dispositions législatives qui prévoyaient jusqu’à cinq ans d’emprisonnement pour outrage aux « religions divines » et pour « prosélytisme ». Les minorités ethniques en Iran et en Libye étaient en butte à des discriminations qui limitaient leur accès à l’emploi, aux fonctions politiques et aux services essentiels, notamment l’éducation et la santé, et bafouaient leurs droits linguistiques et culturels. En Iran, les minorités ethniques étaient toujours représentées de manière disproportionnée parmi les personnes condamnées à mort pour des infractions définies en des termes vagues, comme l’« inimitié à l’égard de Dieu ».

Appels à l’action

Afin de tenir leurs promesses, les États et les institutions doivent ancrer fermement leurs mesures de redressement pour l’après-pandémie et leurs interventions destinées à faire face à la crise dans un cadre axé sur les droits humains, et favoriser un véritable dialogue avec la société civile, dont ils doivent faire un partenaire dans la recherche de solutions.

Le rapport annuel d’Amnesty International formule une série de recommandations aux gouvernements et à d’autres organes sur les principales problématiques abordées dans son analyse mondiale (santé et inégalités, espace civique, et réfugié·e·s et migrant·e·s) ainsi que sur d’autres thèmes traités dans ses cinq résumés régionaux.

Le rapport annuel d’Amnesty International a pour objet d’aider à étayer le travail de plaidoyer auprès des gouvernements du monde entier, tout au long de l’année.

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