Répression des manifestations : des armes à létalité réduite françaises utilisées au Liban

Le 17 octobre 2019, des manifestations massives d’une ampleur sans précédent, ont éclaté au Liban. Pendant des mois, des dizaines de milliers de manifestant·e·s pacifiques se sont rassemblés dans les villes et villages du pays pour faire part au gouvernement de leur mécontentement de longue date quant à la hausse des prix, au taux de chômage élevé, aux services publics de mauvaise qualité, et à la corruption endémique et systémique.

Les manifestations se sont poursuivies jusqu’en mars 2020 avant d’être interrompues par la peur du COVID-19 et la lassitude due à la crise économique. Elles ont néanmoins repris le 8 août, quelques jours après l’explosion de 2 570 tonnes de nitrate d’ammonium qui a détruit une bonne part de Beyrouth et fait plus de 190 morts.

Tout au long de ces mois de contestation, les forces de sécurité libanaises ont eu recours de façon répétée à des moyens dangereux et illégaux pour tenter de contrôler les manifestations. Lors de la manifestation du 8 août, l’armée et les forces de sécurité libanaises ont réagi en tirant, y compris à balles réelles, sur des manifestant·e·s non armés. Dans plusieurs cas documentés par Amnesty International, la force a été employée alors qu’elle n’était pas nécessaire et non provoquée, dans le seul but de disperser une manifestation pacifique.

Même lorsque le recours limité à la force aurait pu être justifié, les forces de sécurité ont réagi à des actes de type jet de pierres en employant des armes à létalité réduite de façon illégale. Elles ont tiré des balles en caoutchouc à la hauteur du torse en pleine foule – ce qui suggère une politique de « tirer pour blesser » –, utilisé des quantités massives de gaz lacrymogène et donné des coups de matraque à des manifestant·e·s qui s’enfuyaient.

Plus d’un millier de manifestant·e·s ont été transportés d’urgence à l’hôpital en présentant diverses blessures au niveau des yeux, de la tête, du cou et de la poitrine, tandis que des centaines d’autres ont été arrêtés et placés illégalement en détention. La plupart ont été relâchés au bout de quelques jours. Au cours des mois suivants, les autorités libanaises ont enquêté sur plus de 70 militant·e·s impliqués dans le mouvement de contestation, en les accusant d’infractions pénales dans le but de les intimider et les réduire au silence.

Les autorités libanaises portent la responsabilité principale des violations des droits humains commises par leurs forces de sécurité. Cependant, la France, en tant que fournisseur clé de divers équipements destinés au maintien de l’ordre, a contribué à ces violences au travers de ses transferts d’armes. Si les forces de sécurité libanaises ont maintes fois refusé d’agir dans le respect des normes internationales relatives à l’utilisation de la force, ce sont les contrôles d’exportation laxistes qui ont placé des équipements français entre les mains de personnes connues pour leur mépris des droits humains.

OTRE ANALYSE EN CHIFFRES

Plus de 90
manifestant·e·s interrogés
101
vidéos analysées
175
cas identifiés d’utilisation d’armes

Amnesty International a recueilli un très grand nombre d’images qui montrent les forces de sécurité libanaises utilisant des équipements français de manière abusive à l’encontre des manifestant·e·s, y compris une quantité excessive de gaz lacrymogène. On les voit notamment lancer des grenades lacrymogènes fabriquées en France selon un faible angle de tir en direction des manifestant·e·s, risquant ainsi de provoquer des blessures graves, voire la mort. Les armes identifiées dans les vidéos analysées comprennent des lance-grenades, des équipements montés sur véhicule, des munitions et des véhicules blindés.

Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International et le Service de vérification numérique du Centre des droits humains de l’université de Californie à Berkeley et l’université d’Essex ont collecté, vérifié et analysé 101 vidéos de manifestations entre 2015 et 2020, ce qui leur a permis d’analyser et de classer les armes fabriquées en France et utilisées dans ces contextes. Amnesty International était présente à Beyrouth pour surveiller les moyens employés par les forces de sécurité lors de manifestations, d’octobre 2019 à février 2020. Elle a interrogé plus de 90 manifestant·e·s, victimes de blessures ou témoins, et examiné des rapports médicaux.

Gaz lacrymogène : « La grenade a explosé sur ma tête »

Amnesty International a recueilli des informations sur l’utilisation abusive du gaz lacrymogène pendant des manifestations entre octobre 2019 et août 2020, ainsi qu’en août 2015, révélant ainsi la récurrence de cette pratique illégale, constatée dans des zones résidentielles et subie principalement par des manifestant·e·s pacifiques et des passant·e·s. L’analyse de l’organisation montre l’emploi d’équipements lacrymogènes fabriqués en France dans de telles circonstances, notamment des grenades de Nobel Sécurité et de la société d’armement et d’études Alsetex, qui a aussi fourni des lanceurs et des armes montées sur véhicule.

Dans bien des cas, le recours au gaz lacrymogène avait clairement pour but de disperser une manifestation largement pacifique, ce qui viole le droit à la liberté de réunion pacifique. Dans d’autres cas, Amnesty International a obtenu des images montrant les forces de sécurité lancer des grenades lacrymogènes directement sur les manifestant·e·s. Cette pratique illégale et très dangereuse a causé bon nombre de morts dans d’autres régions du monde. Au Liban, elle a provoqué de graves blessures à la tête et sur le haut du corps.

? Daniel Carde/Getty Images
? Daniel Carde/Getty Images

14 décembre 2019

Samedi 14 décembre 2019 vers 18 heures, heure locale de Beyrouth, des manifestant·e·s pacifiques – dont des femmes, des hommes, des personnes âgées et des enfants – se sont rassemblés devant le parlement. Celles et ceux qui étaient dans les premiers rangs ont raconté à Amnesty International que vers 19 heures, sans qu’il y ait eu provocation, un grand nombre de policiers antiémeutes accompagnés par des hommes en civil ont fait irruption dans la foule et commencé à chasser les manifestant·e·s et à leur donner des coups de matraque. En l’espace de quelques minutes, les policiers ont lancé successivement plusieurs séries de grenades lacrymogènes. Le personnel d’Amnesty International a noté que des dizaines de personnes avaient reçu des coups et que beaucoup avaient souffert d’effets graves après avoir inhalé du gaz lacrymogène. Une fois dispersés, les manifestant·e·s ont continué d’être chassés par la police sur près de deux kilomètres le long de l’autoroute.

Sara, l’une des participantes à la manifestation, a rapporté à l’Organisation : « Les grenades lacrymogènes ont été lancées les unes après les autres. D’abord quatre à la fois, et puis on aurait dit un feu d’artifice comme quand nous étions enfants. Des gens vomissaient, d’autres disaient de boire de l’eau ou de respirer des oignons ou du vinaigre. Personne ne comprenait ce qu’il se passait. »

Un autre militant a expliqué à Amnesty International qu’il s’était réveillé le lendemain en toussant encore sous l’effet du gaz lacrymogène. Il affirme : « La quantité de gaz lacrymogène était délirante. On aurait dit que quelqu’un tirait avec une mitrailleuse. Les grenades lacrymogènes tombaient les unes après les autres. »

Le personnel d’Amnesty International a visionné les images vidéo de la manifestation du 14 décembre 2019 et constaté qu’une quantité excessive de gaz lacrymogène avait été lancée sur la foule depuis des lanceurs Land Cougar 12 d’Alsetex montés sur véhicule, alors que les manifestant·e·s ne représentaient pas une menace immédiate. Il a également identifié d’autres lanceurs et grenades lacrymogènes d’Alsetex parmi les armes utilisées ce jour-là contre les manifestant·e·s.

18 janvier 2020

Le week-end du 18 et 19 janvier 2020 a été l’un des plus violents week-ends de manifestations au Liban. Au moins 409 manifestant·e·s ont été blessés lors des affrontements avec les forces de sécurité à Beyrouth. Le recours à la force en vue de nuire par les forces de sécurité a provoqué de graves blessures au crâne et au visage, notamment au menton et à la bouche.

Une grenade lacrymogène m’a touchée à la tête. J’ai immédiatement perdu connaissance. Mon crâne est endommagé et mon nez est cassé.

Carine, manifestante

Carine participait à une manifestation place Riad El Solh le samedi 18 janvier. Vers 18 heures, la police antiémeutes a utilisé du gaz lacrymogène. Elle affirme que les manifestant·e·s étaient pacifiques et n’ont pas provoqué les forces de sécurité.

« Nous étions en train de manifester et de scander des slogans à Riad El Solh. Alors que je conseillais à mes amis qu’on parte car on ne pouvait plus respirer, une grenade lacrymogène m’a touchée à la tête. J’ai immédiatement perdu connaissance. La grenade a explosé sur ma tête. Mon crâne est endommagé et mon nez est cassé. »

Amnesty International a vérifié les images témoignant de l’utilisation de divers équipements lacrymogènes d’Alsetex ce jour-là. Plusieurs vidéos montrent que des grenades lacrymogènes ont été tirées depuis une certaine distance sur les manifestant·e·s par des lanceurs Land Cougar 12 d’Alsetex montés sur véhicule. D’autres vidéos révèlent qu’une grande quantité de gaz lacrymogène a continué d’être employée une fois les manifestant·e·s repoussés.

https://twitter.com/HassanChamoun/status/1218645969568501760?ref_src=twsrc%5Etfw

8 août 2020

Le 8 août 2020, des manifestant·e·s sont descendus dans les rues de Beyrouth après la grave explosion qui a déchiré la ville le 4 août. Jad* se trouvait dans le quartier d’Azarieh lorsqu’il a été blessé au visage par une grenade lacrymogène, qui lui a cassé le nez. Il a expliqué à Amnesty International : « Alors que nous prenions nos affaires pour partir, une grenade lacrymogène m’a touché au visage, au-dessus de l’œil droit. J’ai le nez cassé et tout le visage enflé. »

Faten* était elle aussi à Azarieh lorsqu’elle a reçu une grenade lacrymogène au niveau de l’épaule droite. Elle a déclaré à Amnesty International : « Toute la zone était obscurcie par le gaz lacrymogène. Je ne pouvais pas voir les policiers antiémeutes mais j’ai vu plus de 10 manifestant·e·s autour de moi étouffer et tomber au sol. Et puis j’ai eu l’impression que mon bras se détachait de mon corps. J’ai été touchée à l’épaule droite par une grenade lacrymogène. »

Sur les images vidéo, on voit les forces de sécurité utiliser de façon abusive divers équipements français ce jour-là. Outre les lanceurs Land Cougar 12 et Cougar 56 mm d’Alsetex, ainsi que les grenades lacrymogènes d’Alsetex et de Nobel Sécurité, Amnesty International a observé le tir de gaz lacrymogène depuis des véhicules blindés de transport de troupes conçus par Arquus Sherpa.

Balles en caoutchouc : « J’ai senti un laser rouge sur mon visage et on m’a tiré dans l’œil droit »

Amnesty International a recueilli des éléments sur des tirs répétés de balles en caoutchouc à l’encontre de manifestant·e·s, parfois même à bout portant, ce qui a provoqué de graves blessures. En janvier et août 2020, plusieurs photos, vidéos, témoignages et rapports médicaux examinés par Amnesty International font état de policiers antiémeutes tirant à maintes reprises des balles en caoutchouc directement sur la foule à hauteur de torse, et d’un grand nombre de manifestant·e·s touchés sur le haut du corps, plus particulièrement au niveau des yeux, du cou, de la poitrine, de la partie supérieure du bras et de l’estomac. Dans certains cas, les policiers ont visé des manifestant·e·s non armés, dont certains jetaient des pierres, depuis une faible distance, visiblement dans le but de les blesser.

? Michał Kranz
? Michał Kranz

18-19 janvier 2020

Michel Razzouk, 47 ans, a expliqué à Amnesty International que des policiers antiémeutes avaient tiré sur lui avec des balles en caoutchouc et l’avaient battu dans la nuit du 18 janvier.

« J’ai senti quelque chose me frapper et je n’avais plus de souffle. Je me sentais écrasé par un poids énorme et je ne comprenais pas ce qui se passait. Un type m’avait tiré directement dans l’estomac, il se trouvait à quatre ou cinq mètres. Je ne suis pas sûr que les autres policiers aient compris qu’il m’avait tiré dessus et ils ont commencé à me tabasser. Je me sentais paralysé, incapable de bouger. Alors j’ai réalisé que quelque chose clochait. Ils me disaient “Lève-toi, debout”, mais je ne pouvais pas. »

Nous étions des manifestants pacifiques, formant une ligne devant la police antiémeutes. Nous n’avancions pas vers eux… J’ai vu l’un d’eux braquer son arme directement sur nous.

Jean George Prince, manifestant

Un autre manifestant, Jean George Prince, a été blessé par une balle en caoutchouc le 18 janvier. Il a raconté à Amnesty International qu’il manifestait pacifiquement près de l’hôtel Le Gray lorsqu’il a reçu une balle en caoutchouc au visage, qui lui a fendu la lèvre inférieure, au point de nécessiter de la chirurgie réparatrice.

« Nous étions des manifestants pacifiques, formant une ligne devant la police antiémeutes. Nous n’avancions pas vers eux. Ils n’étaient qu’à quatre ou cinq mètres de distance. J’ai vu l’un d’eux tirer directement sur nous », a-t-il rapporté à l’organisation.

Amnesty International a reçu le témoignage d’une manifestante qui a préféré garder l’anonymat et qui participait aux manifestations près de la place Nejmeh le 19 janvier lorsqu’elle a vu un policier antiémeutes la viser directement depuis une faible distance. Alors qu’elle tentait de fuir, une balle en caoutchouc l’a touchée à l’oreille.

« Je me tenais là, personne d’autre n’était près de moi. Aucun autre manifestant ne se livrait à des violences, il n’y avait aucun danger imminent. Je l’ai vu [le policier antiémeutes] sortir de derrière un mur. Il m’a regardé droit dans les yeux et il a braqué son arme sur moi… Une balle en caoutchouc a frôlé mon oreille gauche et me l’a déchirée. Je ne pouvais plus rien entendre de ce côté… La partie gauche de mon visage est enflée. »

Des images vidéo du 18 janvier 2019 montrent la police tirant avec des fusils sur les manifestant·e·s, parfois de très près, et des cartouches de balles en caoutchouc de marque SAPL ont été retrouvées sur le sol.

8 août 2020

Les forces de sécurité ont tiré une balle en caoutchouc dans le cou d’Amjad*. Une veine a été touchée et il a perdu beaucoup de sang avant d’être conduit à l’hôpital Rizk. Il a expliqué : « Nous nous trouvions rue Riad El Solh. J’ai vu la police antiémeutes et l’armée tirer directement sur les manifestant·e·s depuis une faible distance. Ils étaient à environ 12 mètres de nous et j’ai senti du sang couler sur ma nuque. J’ai appuyé avec mes doigts sur la blessure et j’ai marché en direction de la Croix-Rouge pour me faire soigner. Je me suis évanoui et les gens qui s’y trouvaient m’ont aidé. »

Selon les médecins, un autre manifestant, Hassan*, a été touché à l’œil par une balle en caoutchouc.

Il raconte : « J’étais près de l’hôtel Le Gray vers 19 h 30. La police antiémeutes était à quelques mètres de là. J’ai senti un laser rouge sur mon visage et on m’a tiré dans l’œil droit. On m’a amené d’urgence aux médecins de la défense civile, qui m’ont admis à l’hôpital. »

L’emploi de balles en caoutchouc par les forces de sécurité libanaises est clairement abusif et largement contraire aux normes internationales sur le recours à la force. Les projectiles à impact cinétique ne doivent pas être tirés au hasard sur la foule mais cibler des personnes précises qui se livrent à des violences sur d’autres personnes, et cela uniquement lorsque les autres moyens n’ont pas permis de remédier à la situation. Ils ne devraient viser que la partie inférieure du corps de façon à limiter le risque de blessure grave. Ils ne devraient jamais être utilisés pour toucher une cible par ricochet, en les faisant rebondir sur le sol.

Manque de reddition de comptes

En décembre 2020, Amnesty International s’est entretenue avec trois avocat·e·s représentant un groupe de manifestant·e·s victimes d’une force illégale, voire de torture et d’autres mauvais traitements, aux mains de l’armée et des forces de sécurité. Entre octobre 2019 et octobre 2020, ces avocat·e·s ont enregistré pas moins de 40 plaintes auprès du ministère public au nom de leurs clients. Selon eux, plusieurs de ces affaires n’ont donné lieu à aucune enquête. Dans d’autres, le procureur a ouvert une enquête mais le dossier a été clos ou est resté en attente sans qu’une réelle enquête ne soit menée.

Au vu de ce manque de mesures, les forces de sécurité libanaises agissent dans un climat d’impunité et usent de méthodes et de stratégies abusives sans faire effectivement l’objet de surveillance, d’investigations ou de sanctions. Des armes, y compris celles fabriquées en France, sont non seulement employées de façon illégale, mais les accidents dus à leur utilisation abusive n’engendrent aucune enquête de la part des autorités judiciaires, ce qui accroît fortement le risque que cela se reproduise à l’avenir et provoque de nouvelles violations des droits humains.

Des équipements français utilisés lors de répressions des manifestations

Le Laboratoire de preuves du programme Réaction aux crises d’Amnesty International et le Service de vérification numérique ont découvert, vérifié et analysé des vidéos de manifestant·e·s à Beyrouth entre le 22 août 2015 et le 8 octobre 2020. Sur ces images, on voit l’armée et les forces de sécurité libanaises déployer divers équipements français pour réprimer les manifestations d’une façon inadaptée, parmi lesquels des lanceurs montés sur véhicule (Land Cougar 12 d’Alsetex), des grenades lacrymogènes (MP7 de Nobel Sécurité, CM4 et CM6 d’Alsetex), des balles en caoutchouc (cartouches Gomm-Cogne de SAPL), des lance-grenades (Chouka et Cougar d’Alsetex), et des véhicules blindés de transport de troupes d’Arquus Sherpa. Ces équipements apparaissent à plusieurs reprises dans des images de manifestations témoignant de multiples occurrences de recours à une force illégale.

Certains d’entre eux, comme les lance-grenades et les véhicules blindés, sont exportés comme des « équipements militaires », d’autres, comme les grenades lacrymogènes et les balles en caoutchouc, comme des « équipements civils ».

En ce qui concerne les « équipements militaires », en vertu du Traité sur le commerce des armes ou de la Position commune de l’Union européenne sur l’exportation d’armes – ces deux documents étant juridiquement contraignants –, la France doit réaliser une évaluation des risques rigoureuse et ne doit pas exporter d’équipements fortement susceptibles de servir à commettre ou faciliter des violations du droit international relatif aux droits humain et humanitaire. À l’inverse, les « équipements civils » ne sont pas bien contrôlés au titre de la réglementation française se rapportant aux exportations. Cependant, en vertu du droit international, la France a l’obligation extraterritoriale de bloquer l’apport d’une aide matérielle – comme les équipements destinés au maintien de l’ordre – à un État connu pour se servir de ces équipements pour perpétrer de graves violations des droits humains.

Le manque de transparence et les failles dans l’application des législations et réglementations existantes permettent aux forces de sécurité libanaises d’employer de manière répétée des équipements français sans rendre compte de leurs actes, dont de la torture et d’autres mauvais traitements, qui constituent de graves violations des droits humains. Ces agissements ont infligé de sérieuses blessures à des manifestant·e·s pacifiques. Pourtant, aucun agent de police n’a été traduit en justice pour répondre des violences liées au maintien de l’ordre lors de manifestations pacifiques.

Au vu de la tendance claire et continue aux abus imputables aux forces de sécurité libanaises, la France – et tous les autres pays fournisseurs – doit immédiatement cesser l’approvisionnement en équipements de maintien de l’ordre susceptibles de servir à commettre ou faciliter de graves violations des droits humains. Cela comprend les véhicules blindés, les produits chimiques irritants comme le gaz lacrymogène et le gaz poivre, et les projectiles à impact cinétique comme les balles en caoutchouc et les lanceurs associés. Le gouvernement français devrait informer les forces de sécurité libanaises qu’il ne reprendra les exportations que lorsqu’elles auront prouvé que ces équipements seront utilisés dans le respect de la législation et des normes internationales relatives au recours à la force, qu’elles auront pris entièrement leurs responsabilités quant aux violences passées et qu’une réparation adéquate aura été accordée aux victimes de ces violences.

La France a une responsabilité particulière envers le Liban au vu de son histoire et des récentes déclarations du président Emmanuel Macron. Le 6 août 2020, deux jours après l’explosion qui a détruit une partie de Beyrouth, celui-ci s’est rendu dans la capitale libanaise et annoncé le soutien politique et éventuellement économique de la France au Liban. Ce soutien devrait s’étendre à la promotion de la reddition de comptes et de l’état de droit dans ce pays. La France doit respecter ses engagements internationaux sur les transferts d’armes et d’équipements de maintien de l’ordre, ainsi que le droit international relatif aux droits humains, afin de protéger la population civile, quels que soient ses intérêts stratégiques au Liban.

Les autorités françaises doivent renforcer les contrôles pour veiller à ce que les biens militaires et civils utilisés dans le maintien de l’ordre soient exportés de façon responsable. Elles doivent appliquer plus de transparence quant au volume, à la nature et à la destination des armes et des équipements de sécurité vendus, et le parlement doit superviser les éventuelles décisions relatives aux exportations. Ce n’est qu’ainsi que la France pourra éviter de fournir à d’éventuels auteurs de violations des droits humains des équipements français destinés au maintien de l’ordre, et être réellement à la hauteur de ses idéaux souvent cités en matière de droits humains.

CAS IDENTIFIÉS D’UTILISATION D’ARMES LORS DES MANIFESTATIONS À BEYROUTH

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Appelez le président français à interrompre les transferts d’équipements de sécurité vers le Liban.

Au vu de l’impunité pour les abus répétés perpétrés par les forces de sécurité à l’encontre des manifestant·e·s au Liban, la France doit immédiatement cesser l’approvisionnement en équipements de maintien de l’ordre susceptibles de servir à commettre ou faciliter de graves violations des droits humains. Depuis octobre 2019, plus d’un millier de manifestant·e·s ont été blessés par les forces de sécurité, qui ont employé des moyens illégaux et souvent recouru à des armes françaises – dont des véhicules blindés, des produits chimiques irritants comme le gaz lacrymogène et le gaz poivre, et des projectiles à impact cinétique comme les balles en caoutchouc et les lanceurs associés.

Le gouvernement français devrait informer les forces de sécurité libanaises qu’il ne reprendra les exportations que lorsqu’elles auront pris entièrement leurs responsabilités quant aux violences passées et qu’une réparation adéquate aura été accordée aux victimes de ces violences, prouvant ainsi que ces équipements seront utilisés dans le respect de la législation et des normes internationales relatives au recours à la force.

Agissez maintenant et exhortez le président Emmanuel Macron à interrompre immédiatement tous les transferts d’équipements de sécurité depuis la France vers le Liban.

Des milliers de manifestant·e·s ont été blessés dans les #ManifestationsAuLiban – souvent par des équipements de sécurité français. @emmanuelmacron, mettez fin à tous les transferts d’armes !

Des milliers de manifestant·e·s ont été blessés dans les #ManifestationsAuLiban – souvent par des équipements de sécurité français. @emmanuelmacron, mettez fin à tous les transferts d’armes !