CONDAMNATIONS À MORT ET EXÉCUTIONS EN 2014

Un nombre alarmant de pays ont eu recours à la peine de mort en 2014 sous prétexte de lutter contre la criminalité et le terrorisme.

La Chine, l’Iran, l’Irak et le Pakistan ont tous exécuté des personnes accusées de  Si le nombre de condamnations a augmenté, le nombre  Seuls 22 États dans le monde ont procédé à des exécutions en 2014, contre 41 il y a

Il est honteux qu’autant de pays […] jouent avec la vie des gens et condamnent à mort des personnes pour “terrorisme” […] sous un faux prétexte de dissuasion.

Salil Shetty, Secrétaire Genéral d’Amnesty International

Aperçu général

Condamnations à mort et exécutions entre 2007 et 2014

Repères

Personnes ont été exécutées en 2014 – soit 22 % de moins qu’en 2013
Personnes ont été condamnées à mort en 2014 – soit 28 % de plus qu’en 2013
La moitié des pays du monde ont désormais complètement aboli la peine capitale

Le long chemin de la Chine vers une réforme de la peine de mort

La Chine a annulé un certain nombre de condamnations à mort en 2014, mais est-ce vraiment un signe encourageant de la part du pays qui exécute le plus au monde ?

L’avocat spécialiste des droits humains Teng Biao fait part de ses remarques.

J’ai cofondé en 2010 l’ONG La Chine contre la peine de mort et j’ai participé à de nombreuses affaires où l’accusé encourait la peine de mort. Je sais donc que les acquittements sont très rares dans le système judiciaire chinois, qui présente de multiples carences. J’ai été assez surpris par l’annulation d’un certain nombre de condamnations à mort au cours de l’année passée.

La justice est notamment revenue sur la déclaration de culpabilité d’Hugjiltu, un adolescent de Mongolie intérieure, qui a été innocenté 18 ans après avoir été exécuté pour meurtre.

La famille d’Hugjiltu essayait depuis des années de prouver son innocence. Dans le cas de Nian Bin, [un commerçant] qui avait été reconnu coupable d’assassinat, il a fallu trois recours et six années avant que le tribunal n’ordonne la tenue d’un nouveau procès, qui s’est conclu par un acquittement très médiatisé l’an passé.

Si ce délai peut paraître important, le cours de la justice se révèle en général bien plus long. Je connais des avocats et des proches qui ont rassemblé des éléments de preuve et formé des recours depuis vingt ans, parfois plus, et qui attendent toujours aujourd’hui.

Satisfaire l’opinion publique

En dépit des acquittements dont on a beaucoup entendu parler, je demeure sceptique. Ces affaires ont attiré l’attention, mais je n’y vois pas d’avancées : ce ne sont pas des indicateurs d’une quelconque réforme judiciaire ou politique. D’une certaine manière, les acquittements ont surtout pour objectif d’apaiser la colère de l’opinion face aux erreurs judiciaires. En réalité, les hauts dirigeants ne souhaitent pas de véritable changement.

Des cas comme ceux d’Hugjiltu et de Nian Bin sont révélateurs de dysfonctionnements dans l’ensemble de l’appareil judiciaire. La torture est strictement interdite par la loi chinoise. Dans la pratique, elle demeure pourtant monnaie courante. Les policiers qui y ont recours ne sont que rarement sanctionnés et les « preuves » extorquées sous la torture sont utilisées par les juges alors que la loi s’y oppose. L’absence d’indépendance de la justice explique en grande partie cette situation. De plus, il est difficile pour les médias, contrôlés par l’État, de signaler les cas de torture.

Photos: William Wan /The Washington Post via Getty Images

Le chemin à parcourir est encore long

En Chine, il est extrêmement délicat de formuler la moindre critique à l’égard des autorités. De nombreux défenseurs des droits humains et avocats spécialisés dans la défense de ces droits ont rencontré des problèmes parce qu’ils avaient soulevé la question de la peine de mort. Dans les faits, on assiste à un rétrecissement croissant de l’espace dont dispose l’ensemble de la société civile chinoise. La peine de mort suscite malgré tout des discussions – essentiellement sur Internet et sur les réseaux sociaux, des lieux virtuels qu’il est difficile de contrôler intégralement. Grâce au Web, on peut obtenir davantage d’informations en provenance de l’étranger. Les gens sont, de ce fait, plus nombreux à réfléchir à la question. Étant donné que l’accès à l’information est étroitement contrôlé, la plupart considère encore la peine de mort comme nécessaire et ne se prononce pas en faveur de son abolition.

La Chine est le pays où le nombre d’exécutions est le plus élevé au monde. En 2007, la Cour populaire suprême, plus haute instance judiciaire du pays, s’est vu à nouveau confier le réexamen des cas de condamnation à mort. Les spécialistes estiment que le nombre de condamnations à mort a diminué depuis. Les données sur la peine capitale demeurent toutefois classées « secrets d’État ». Nul ne sait donc ce qu’il en est réellement. Nous avons encore un long chemin à parcourir.

Teng Biao figure parmi ceux qui critiquent le plus ouvertement la peine de mort en Chine. Il est actuellement professeur invité à la faculté de droit de Harvard.

Bonnes nouvelles pour l’année 2014

SOUDAN : Meriam Yehya Ibrahim a été libérée de prison le 23 juin, après l’annulation de sa condamnation par une cour d’appel. Elle avait été condamnée à la flagellation pour adultère et à la peine de mort par pendaison pour apostasie, parce qu’elle avait épousé un chrétien. L’affaire de Meriam Ibrahim a attiré l’attention de la communauté internationale. Plus d’un million de personnes ont réagi à l’appel d’Amnesty International réclamant sa libération.
LA BARBADE : En novembre, le procureur général Adriel Brathwaite a présenté un projet de loi visant à supprimer les dispositions qui rendent la peine de mort obligatoire en cas d’assassinat. Si le texte est adopté, les juges pourront condamner les personnes reconnues coupables de meurtre à des peines de réclusion à perpétuité ou à d’autres peines d’emprisonnement, au lieu de prononcer la sentence capitale de façon systématique. © Amnesty International
JAPON : Au terme de plusieurs décennies d’une campagne active menée par sa sœur Hideko et soutenue par Amnesty International, Iwao Hakamada a été remis en liberté à titre provisoire le 27 mars, à l’âge de 78 ans. Il a passé quarante-cinq années dans le couloir de la mort, ce qui fait de lui le détenteur d’un triste record mondial. Dans le monde entier, les sympathisants d’Amnesty se sont réjouis à l’annonce inattendue de sa libération. Ils ont exhorté l’accusation à abandonner l’appel interjeté contre la décision d’accorder à Iwao Hakamada un nouveau procès.
MALAISIE : Chandran Paskaran et Osariakhi Ernest Obyangbon (en photo) ont échappé à l’exécution respectivement en février et en mars, après qu’Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits humains ont mobilisé des militants dans le monde entier pour qu’ils apportent leur soutien.
NIGERIA : Thankgod Ebhos a été libéré le 24 octobre après avoir passé 19 ans dans le quartier des condamnés à mort. Il a échappé de justesse à l’exécution en 2013, uniquement parce que les autorités pénitentiaires se sont rendu compte qu’il devait être passé par les armes, méthode d’exécution non pratiquée par l’établissement. Plusieurs milliers de sympathisants d’Amnesty International se sont mobilisés pour empêcher son exécution. © DR
ETATS-UNIS : Scott Panetti a échappé à l’exécution le 3 décembre sur décision d’une cour d’appel, quelques heures seulement avant le moment fatidique. Reconnu coupable d’un double homicide, il se trouvait depuis vingt ans dans le couloir de la mort, au Texas. Scott Panetti souffrait de schizophrénie paranoïde au moment des faits. Sa sœur a mené une campagne sur Internet intitulée #SaveScott et appelant à l’annulation de son exécution. Plusieurs dizaines de milliers de sympathisants y avaient participé.
INTERNATIONAL : en décembre 2014, 117 pays membres des Nations unies se sont prononcés en faveur d’un arrêt des exécutions à l’échelon mondial. Jamais ce chiffre n’avait été aussi élevé. Seuls 38 ont voté contre la résolution et 34 se sont abstenus. En date de décembre, 98 pays – soit près de la moitié de la planète – avaient entièrement aboli la peine de mort.