Sri Lanka. L’obligation de rendre des comptes pour la disparition de 11 Tamouls n’est pas respectée

Le 4 août 2021, le bureau du procureur général sri-lankais a décidé de ne pas engager de poursuites contre Wasantha Karannagoda, ancien commandant de la marine, pour son rôle présumé dans la disparition forcée de 11 jeunes Tamouls en 2008 et 2009, dont la marine sri-lankaise serait à l’origine.

En réaction à cette décision, Yamini Mishra, directrice régionale pour l’Asie et le Pacifique à Amnesty International, a déclaré :

« Le Sri Lanka est le deuxième pays au monde enregistrant le plus grand nombre de disparitions forcées ; des dizaines de milliers de personnes ont été victimes de ce phénomène sur plusieurs décennies dans le pays. Cette affaire constituait pour les autorités sri-lankaises une occasion de rendre justice pour ces crimes de droit international, en faisant en sorte que les personnes soupçonnées d’être responsables, y compris celles qui ont aidé et encouragé ces actes et celles qui se trouvaient à des postes de commandement, soient traduites en justice.

« L’affaire s’est déjà heurtée à de nombreux obstacles dans les tribunaux ski-lankais. La décision du 4 août ne fait qu’éloigner davantage encore toute possibilité de justice pour les familles des victimes. Le bureau du procureur général doit expliquer les motifs de sa décision et les autorités sri-lankaises doivent accorder justice, vérité et réparations à toutes les victimes de disparition forcée. »

Complément d’information 

Cette affaire concerne la disparition forcée de 11 jeunes Tamouls, qui auraient été victimes d’un réseau d’enlèvements crapuleux mené par des membres de la marine du Sri Lanka, en 2008 et 2009. De hauts responsables militaires sont impliqués.

En août 2018, la police judiciaire (CID) a arrêté le lieutenant-commandant Chandana Prasad Hettiarachchi, surnommé « Navy Sampath », en tant que principal suspect de l’affaire. La CID a ensuite accusé Ravindra Wijegunaratne, chef d’état-major des armées à l’époque, de protéger l’un des principaux suspects, après quoi le tribunal a également ordonné son arrestation. En février 2019, l’ancien commandant de la marine sri-lankaise Wasantha Karannagoda a été désigné comme 14suspect dans l’affaire. Il a été accusé d’avoir eu connaissance du fait que des membres de la marine placés sous son commandement étaient à l’origine de disparitions forcées et d’avoir choisi de ne pas intervenir. Le 4 août 2021, les médias ont rapporté que le bureau du procureur général avait décidé de ne pas engager de poursuites contre Wasantha Karannagoda.

L’affaire des 11 Tamouls soumis à des disparitions forcées par des membres de la marine a dû faire face à de multiples obstacles dans les tribunaux sri-lankais. En janvier 2020, le président Gotabaya Rajapaksa a formé une commission présidentielle pour enquêter sur les problèmes de « victimisation politique » qui s’étaient posés sous le gouvernement précédent. De nombreux représentants de l’État en attente de jugement pour des violations des droits humains se sont plaints d’avoir été visés par le précédent gouvernement en raison de leurs activités politiques et ont sollicité l’aide de cette commission pour qu’elle les soustraie à des procédures en cours devant la justice. La commission est par conséquent intervenue dans des affaires en instance devant les tribunaux, en particulier celles impliquant des membres de l’armée.