Le 10 mars 2020, Domoina* (qui se traduit littéralement par « colombe ») est une jeune femme de 33 ans qui a été placée en détention provisoire sur des accusations de « corruption de mineurs » à la prison d’Antanimora dans la capitale de Madagascar. Elle a été arrêtée parce que soupçonnée d’avoir eu des relations sexuelles avec sa petite amie Fyh, âgée de dix-neuf ans. L’arrestation s’est produite après que la mère de Fyh l’a dénoncée à la police. En effet, le Code pénal malgache sanctionne sévèrement « quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe mineur de moins de vingt-et-un ans ».
Avec l’épidémie de COVID-19, Domoina craint de devenir une statistique de plus dans la pandémie.
Elle doit être libérée de prison immédiatement et sans condition. En effet, son accusation repose sur une législation qui est discriminatoire : les relations sexuelles entre personnes de même sexe ne doivent pas être érigées en infraction. À moins qu’elle ne soit libérée par le gouvernement, il est probable que Domoina passe encore de nombreux mois derrière les barreaux. Son procès, qui était prévu initialement pour le 10 avril 2020, a maintenant été reporté pour une durée indéterminée en raison du confinement mis en place dans le pays pour lutter contre le COVID-19. Après que les premiers cas de COVID-19 ont été confirmés le 20 mars, le gouvernement a annoncé des mesures pour freiner la propagation du virus. De ce fait, Domoina ne peut plus recevoir de visites de son avocat ni des membres de sa famille ou de ses amis, et cela dans un contexte extrêmement éprouvant à la fois sur le plan physique et psychologique.
Avec l’épidémie de COVID-19, Domoina craint de devenir une statistique de plus dans la pandémie. Et c’est compréhensible. Si le gouvernement ne protège pas ses détenus, les prisons de Madagascar pourraient facilement devenir le point chaud de la transmission du virus.
Depuis 2018, Amnesty International documente et signale les conditions de détention inhumaines qui règnent dans les prisons à Madagascar. Celles-ci résultent principalement du recours excessif à la détention provisoire dans le pays. Le peu d’attention portée pendant longtemps à l’entretien des prisons et à la célérité des procédures s’est traduit par une dégradation des infrastructures. Dans le pays, le nombre des personnes détenues représente actuellement le double de la capacité d’accueil de ses prisons, avec dans certaines d’entre elles une surpopulation dix fois supérieure à ce qui était prévu. Les personnes placées en détention provisoire et celles qui purgent leurs peines sont entassées dans des cellules sombres insuffisamment ventilées, ce qui est contraire au droit national et international. La plupart des personnes détenues dorment par terre sans matelas ni couvertures. Une grande partie de celles avec qui Amnesty International s’est entretenue s’est plainte du manque d’hygiène et d’être insuffisamment et mal nourrie. Elles ont raconté qu’elles étaient tombées malades depuis leur incarcération avec très peu d’accès à des soins de santé.
Domoina n’aurait pas dû passer ne serait-ce qu’un seul jour en prison. À présent, chaque journée supplémentaire qu’elle passe derrière les barreaux accroît les risques pour sa santé physique et mentale.
Il est très inquiétant de savoir que Domoina vit dans ces conditions insalubres. On ne sait pas ce qui pourrait lui arriver, ainsi qu’aux milliers d’autres femmes, hommes et enfants incarcérés dans les prisons malgaches, si l’épidémie de COVID-19 devait franchir les murs des prisons. Les personnes détenues ne peuvent pas appliquer les gestes barrière pour se protéger contre le COVID-19, comme se laver les mains régulièrement et garder une distance de sécurité entre les uns et les autres. En effet, elles vivent dans des conditions déplorables et n’ont même pas assez d’espace pour dormir allongées.
Le gouvernement a annoncé quelques mesures pour protéger les personnes détenues du COVID-19, comme l’arrêt temporaire de toutes les visites en prison, la prise régulière de température des personnes détenues et du personnel pénitentiaire, ainsi que la désinfection des prisons. Toutefois, compte tenu de la diffusion sans précédent du COVID-19 combinée à son taux élevé de mortalité et à la surpopulation carcérale, il semble difficile d’imaginer comment les autorités vont empêcher sa propagation au sein des prisons, avec les conséquences dramatiques qui en découleront. C’est pourquoi le gouvernement doit de toute urgence envisager de prendre des mesures pour réduire la population carcérale. La première mesure est de relâcher immédiatement toutes celles et ceux qui ne devraient pas être du tout en détention. C’est le cas de Domoina, qui est incarcérée seulement pour avoir exercé ses droits humains. Le gouvernement doit également examiner de toute urgence la question de la libération d’autres personnes incarcérées, en particulier celles placées en détention provisoire et celles qui pourraient être plus à risque face au COVID-19, comme les personnes qui sont âgées ou qui ont de graves problèmes de santé. Dans tous les cas, les autorités doivent prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé de toutes les personnes en détention.
En novembre, le président Andry Rajoelina s’est engagé à lutter contre le recours excessif à la détention provisoire et la forte surpopulation carcérale ainsi qu’à améliorer les conditions de détention. La crise sanitaire actuelle donne l’occasion à Madagascar de réduire son utilisation excessive de détention provisoire. Selon le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, il existe une présomption de libération dans l’attente du procès, conformément à la présomption d’innocence et au droit à la liberté. Ainsi, la détention provisoire ne doit être utilisée qu’à titre exceptionnel. Or elle est appliquée de façon quasi-systématique, ce qui se traduit par un fort surpeuplement dans les prisons.
Il est très inquiétant de savoir que Domoina vit dans ces conditions insalubres. On ne sait pas ce qui pourrait lui arriver, ainsi qu’aux milliers d’autres femmes, hommes et enfants incarcérés dans les prisons malgaches, si l’épidémie de COVID-19 devait franchir les murs des prisons.
Domoina n’aurait pas dû passer ne serait-ce qu’un seul jour en prison. À présent, chaque journée supplémentaire qu’elle passe derrière les barreaux accroît les risques pour sa santé physique et mentale, d’autant qu’elle est privée de tout contact avec son avocat ou ses proches et qu’elle subit de terribles conditions de détention. Dans le contexte de la grave pandémie de COVID-19, elle n’est pas en mesure de se protéger par des gestes de distanciation sociale et par d’autres mesures préventives. Les prisonniers doivent recevoir des soins médicaux de même qualité que ceux disponibles dans la société. Il s’agit d’une responsabilité de l’État, y compris lorsqu’il s’agit de tester, prévenir et traiter le COVID-19. Il est quasiment impossible aux prisons malgaches, au vu de leur état actuel, de fournir de telles normes de soin. Si aucune mesure n’est prise pour décongestionner en urgence les prisons, où près de la moitié des détenus sont en détention provisoire, Domoina et des milliers d’autres vont courir des risques pour leur santé et leur vie.
* Son nom de famille n’est pas dévoilé de façon à la protéger ainsi que sa famille.