Malaisie. 100 jours au pouvoir – Il reste au gouvernement beaucoup à faire sur le terrain des droits humains

Le nouveau gouvernement malaisien a encore fort à faire pour réaliser son programme de réforme en matière de droits humains, malgré quelques avancées notables au cours de ses 100 premiers jours au pouvoir, a déclaré Amnesty International.

Si la coalition Pakatan Harapan a pris un certain nombre de mesures positives, notamment en graciant et libérant l’ancien dirigeant d’opposition Anwar Ibrahim et en supprimant cette semaine la Loi relative à la lutte contre les fausses informations, les engagements concernant l’abrogation d’autres textes répressifs, notamment la Loi relative à la sédition, n’ont pas beaucoup avancé. Parallèlement, la situation des droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI) et celle des travailleurs migrants ont régressé depuis l’élection du Premier ministre Mahathir Mohamad en mai.

Après 100 jours au pouvoir, le bilan de Pakatan Harapan concernant la réalisation de son programme en matière de droits humains est décidément mitigé.

Rachel Chhoa-Howard, spécialiste de la Malaisie à Amnesty International

« Après 100 jours au pouvoir, le bilan de Pakatan Harapan concernant la réalisation de son programme en matière de droits humains est décidément mitigé. Il convient de saluer l’abrogation de la Loi relative à la lutte contre les fausses informations, la promesse de réviser le recours à la peine de mort et la libération ou l’acquittement de plusieurs dissidents, mais l’absence de progrès dans d’autres domaines est très décevante », a déclaré Rachel Chhoa-Howard, spécialiste de la Malaisie à Amnesty International.

« De nombreux textes répressifs continuent à figurer dans la législation malaisienne, notamment la tristement célèbre Loi relative à la sédition, qui est toujours utilisée pour réduire au silence des dissidents non violents, tandis que la situation se dégrade dans le pays pour les personnes LGBTI et les travailleurs migrants. »

La Loi relative à la sédition est systématiquement utilisée en Malaisie depuis des décennies pour réprimer la liberté d’expression et museler les personnes qui critiquent le gouvernement. Malgré les promesses selon lesquelles elle serait abrogée, seuls quelques vagues engagements ont été pris concernant la révision de cette loi. Depuis que le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, les militants Fadiah Nadwa et Asheeq Ali ont été convoqués en vertu de cette loi afin de subir un interrogatoire.

De même, les déclarations assurant avant les élections que la Loi sur les atteintes à la sécurité (Mesures spéciales) serait abrogée n’ont pas été suivies d’actes. Les autorités n’ont pas touché à ce texte, qui autorise le placement de suspects en détention arbitraire pendant 28 jours sans jugement, et un ministre du gouvernement a déclaré il y a peu que cette loi était « bonne ».

Les personnes LGBTI se heurtent à une hostilité grandissante ces derniers mois en Malaisie, après les déclarations négatives de représentants du gouvernement, notamment une série de propos discriminatoires de la part du ministre des Affaires religieuses. La semaine dernière, deux femmes ont été condamnées à six coups de badine pour avoir eu des relations sexuelles. Les autorités ont soumis des travailleurs migrants à des rafles, bien qu’il soit probable qu’un grand nombre d’entre eux aient été victimes de traite et d’exploitation.

Il est impératif que le gouvernement saisisse l’occasion qui lui est donnée d’apporter de réels changements en Malaisie.

Rachel Chhoa-Howard

Amnesty International demande au gouvernement malaisien de tenir sa promesse d’abroger les textes répressifs en matière de droits humains, ainsi que celle de ratifier les conventions internationales portant sur ces droits auxquelles le pays n’est pas encore partie – notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Il doit également respecter son engagement en faveur d’une Malaisie inclusive, où la discrimination n’a pas sa place.

« Pakatan Harapan est arrivé au pouvoir sur une vague de bonnes intentions, avec en toile de fond l’espoir que le pays allait connaître de véritables avancées sur le terrain des droits humains », a déclaré Rachel Chhoa-Howard.

« Le danger serait que les droits humains glissent peu à peu en bas de la liste des priorités. Il est impératif que le gouvernement saisisse l’occasion qui lui est donnée d’apporter de réels changements en Malaisie. Il faut maintenir la pression pour qu’il respecte pleinement ses promesses relatives aux droits humains. »

Complément d’information

Amnesty International a salué un grand nombre des changements introduits par le gouvernement depuis son arrivée au pouvoir le 10 mai 2018, à commencer par la libération d’Anwar Ibrahim. En juin, Pakatan Harapan a dit envisager l’abolition de l’application obligatoire de la peine de mort pour certains crimes, tandis qu’en juillet, le militant politique Zunar a été acquitté de neuf charges de sédition.

Cette semaine, le gouvernement a également abrogé la Loi relative à la lutte contre les fausses informations, adoptée en mars dernier, et qu’Amnesty International avait qualifiée à l’époque d’« attaque envers la liberté d’expression » visant à réduire au silence les personnes critiquant le gouvernement.

En mai 2018, la Malaisie a connu son premier changement de gouvernement depuis l’indépendance, en 1957. Amnesty International a publié un Programme pour les droits humains en amont du scrutin, soulignant huit questions clés auxquelles les élus au sein du nouveau gouvernement devaient accorder la priorité. Il s’agissait notamment des droits à la liberté d’expression et d’association, de la question de la torture et des traitements inhumains et dégradants, des protections accordées aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, de l’abolition de la peine de mort, du respect des droits des peuples autochtones et de la fin de la persécution des personnes LGBTI.