Égypte. Le gouvernement utilise le gel d’avoirs pour éradiquer la société civile

Les autorités égyptiennes prévoient de geler les avoirs de deux éminents défenseurs des droits humains et de membres de leur famille le 19 mars, dans le cadre d’une enquête sur les financements étrangers d’ONG. Cette mesure est une nouvelle tentative visant à paralyser la société civile en Égypte qui ne laisse aucun doute quant à la volonté des autorités d’écraser la liberté d’expression et d’association, a déclaré Amnesty International vendredi 18 mars.

Selon un média proche du gouvernement, le tribunal pénal du Caire statuera le 19 mars sur le gel des avoirs et l’interdiction de voyager imposés à l’avocat spécialisé dans la défense des droits humains Gamal Eid, au journaliste d’investigation Hossam Bahgat et à deux autres personnes dont le nom n’a pas été révélé, ainsi qu’à des membres de leurs familles.

« Les mesures visant Hossam Bahgat et Gamal Eid sont arbitraires et punitives, et ont été prises parce qu’ils ont critiqué la situation des droits humains qui se détériore en Égypte. Amnesty International exhorte le gouvernement égyptien à renoncer à ce type de mesures, et à mettre un terme à son assaut contre les défenseurs des droits humains et la société civile, a déclaré Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.

Les mesures visant Hossam Bahgat et Gamal Eid sont arbitraires et punitives, et ont été prises parce qu’ils ont critiqué la situation des droits humains qui se détériore en Égypte. Amnesty International exhorte le gouvernement égyptien à renoncer à ce type de mesures, et à mettre un terme à son assaut contre les défenseurs des droits humains et la société civile.

Said Boumedouha, directeur adjoint du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International

« Il se sert du système judiciaire dans le cadre de sa campagne visant à éradiquer les derniers vestiges de la société civile et à réduire au silence les voix dissidentes. La communauté internationale doit se mobiliser en faveur des droits des défenseurs et de la société civile indépendante et faire pression sur le gouvernement égyptien pour qu’il mette un terme à cette répression sans délai. »

Hossam Bahgat a fondé l’Initiative égyptienne pour les droits personnels (EIPR), organisation indépendante de défense des droits humains. Il écrit également pour Mada Masr, un site d’informations en ligne, où il a publié une série d’enquêtes à propos de l’armée et des procès militaires. En novembre 2015, il a été arrêté par l’armée et détenu pendant trois jours, semble-t-il en raison de l’un de ces articles.

Avocat spécialisé dans la défense des droits humains, Gamal Eid dirige le Réseau arabe pour l’information sur les droits humains, organisation à but non lucratif qui lutte pour la liberté d’expression en Égypte et au Moyen-Orient.

Les deux hommes ont découvert qu’il leur était interdit de se rendre à l’étranger le jour où ils ont tenté d’embarquer sur des vols séparés en février. Ils n’avaient été informés d’aucune décision de justice à ce sujet et n’ont pas su pourquoi il leur était interdit de voyager.

Ils ont déclaré à Amnesty International que le tribunal pénal ne leur avait pas demandé d’assister à l’audience du 19 mars et qu’ils avaient donc été privés du droit de se défendre devant le tribunal.

Au cours des derniers mois, les autorités égyptiennes ont durci les restrictions visant les organisations de défense des droits et, la semaine dernière, ont intensifié les recherches sur le financement étranger des ONG.

« Les autorités égyptiennes doivent stopper les enquêtes en cours sur le financement étranger des ONG et clore le dossier. Elles doivent élaborer une nouvelle loi relative aux associations qui soit conforme aux normes internationales et à la Constitution égyptienne, et accorder aux ONG un délai raisonnable pour se faire enregistrer au titre de cette loi », a déclaré Said Boumedouha. 

Les autorités égyptiennes doivent stopper les enquêtes en cours sur le financement étranger des ONG et clore le dossier. Elles doivent élaborer une nouvelle loi relative aux associations qui soit conforme aux normes internationales et à la Constitution égyptienne, et accorder aux ONG un délai raisonnable pour se faire enregistrer au titre de cette loi.

Said Boumedouha

Dix-sept ONG égyptiennes ont fait part de leurs préoccupations quant aux droits humains en Égypte auprès du Conseil des droits de l’homme à Genève, le 10 mars. Le haut-commissaire aux droits de l’homme a publié une déclaration sur l’Égypte le même jour, dans laquelle il condamnait la détérioration des droits humains dans le pays. Le 10 mars également, le Parlement européen a adopté une résolution demandant de suspendre la coopération en matière de sécurité entre les États de l’UE et l’Égypte, à la lumière de la situation pressante des droits humains dans le pays et de l’homicide d’un étudiant italien en Égypte.