« L’histoire chantera les louanges de ceux qui se sont battus pour la liberté » – lettre à un prisonnier saoudien

Photo : Abdullah al Hamid, Waleed Abu al Khair et Mohammad al Qahtani © DR

Voici la lettre de Samar Badawi à son époux emprisonné, l’avocat saoudien spécialisé dans la défense des droits humains Waleed Abu al Khair. Samar est également la sœur de Raif Badawi, blogueur qui se trouve lui aussi derrière les barreaux.

Les mots ne suffisent pas pour exprimer à quel point je suis fière de mon époux. À quel point je suis fière de l’homme qui a cru en moi et en ma cause lorsque j’étais sous les verrous. En tant qu’avocat, il m’a défendu et ne m’a jamais laissée seule face à ceux qui tentaient injustement de m’imposer leur autorité patriarcale au motif que je suis une femme qui a osé s’exprimer. Tous m’ont tourné le dos, mais mon mari est resté à mes côtés jusqu’à ce que justice soit rendue pour ma cause.

Il a toujours été le rocher sur lequel j’ai pu m’appuyer lorsque je me sentais faible, il était ma force et ma source de motivation et d’inspiration.

Il m’a enseigné qu’une personne naît libre et qu’il lui appartient de vivre libre ou de mourir en tentant de l’être. La soumission n’a pas de place dans sa vie, sauf lorsqu’il s’agit de servir Dieu, le seul et l’unique. Aujourd’hui, il vit en liberté même s’il se trouve derrière les barreaux avec ses collègues Abdullah al Hamid, Mohammad al Qahtani et d’autres militants incarcérés uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.

Samar Badawi, l’épouse de l’avocat et défenseur des droits humains saoudien emprisonné, Waleed Abu al Khair, et leur fille Joud. Samar est également la sœur du blogueur emprisonné Raif Badawi. © DR.
Samar Badawi, l’épouse de l’avocat et défenseur des droits humains saoudien emprisonné, Waleed Abu al Khair, et leur fille Joud. Samar est également la sœur du blogueur emprisonné Raif Badawi. © DR.

Ma vie à ses côtés est un livre magnifique, qui a pour titre résilience, la lutte et le combat pour chapitres et la liberté pour conclusion.

Et me voici, mon cher époux, mettant en application ce que j’ai appris dans le livre de notre vie, parce que je serai toujours résiliente, tenant bon pendant que tu te trouves derrière les barreaux.

Samar Badawi

Je poursuivrai le combat tant que je serai en vie, et je ne renoncerai pas avant de pouvoir t’accueillir de nouveau sous notre toit. J’aurai toujours foi en notre liberté, cette liberté que tu as passé toute ta vie à défendre.

Sache donc, mon cher époux, que ce sont la tyrannie et l’oppression qui t’ont envoyé derrière les barreaux.

En Arabie saoudite, ceux qui choisissent de régner au nom de l’islam et de la charia traitent cette jurisprudence comme de simples écrits. Ceux qui affirment mettre la religion au service de ma protection sont ceux-là même qui m’ont volé ma sécurité, car au sein du royaume ceux qui sont censés servir la justice ont érigé l’oppression en cause de réjouissance.

Aussi je leur adresse ces quelques lignes…

À tous ces dirigeants et ces juges qui emprisonnent injustement les gens libres et asservissent les citoyens, méfiez-vous du jugement des cieux qui vous attend. Malheur à vous qui terrorisez les affligés par fierté.

Samar Badawi, l’épouse de l’avocat et défenseur des droits humains saoudien Waleed Abu al Khair, aujourd’hui en prison. Samar est également la sœur du blogueur emprisonné Raif Badawi. © DR.
Samar Badawi, l’épouse de l’avocat et défenseur des droits humains saoudien Waleed Abu al Khair, aujourd’hui en prison. Samar est également la sœur du blogueur emprisonné Raif Badawi. © DR.

À mes compatriotes saoudiens, je veux dire que mon époux est incarcéré pour que vous puissiez vivre libres. Il s’est dressé face aux tyrans pour soutenir vos droits. Il s’est confronté à ses oppresseurs pour affirmer qu’il n’acceptait pas leur répression.

Souvenez-vous que l’histoire n’oublie pas, elle chantera les louanges de ceux qui se sont battus pour la liberté et jettera aux oubliettes la mémoire de ceux qui succombent à une vie d’humiliation et de servitude.

Samar Badawi

Mes derniers mots vont à ma petite fille, Joud. Ne sois pas triste parce que tu es née alors que ton père est en prison. Sois fière au contraire et garde la tête haute, parce que le monde entier t’envie ce père – même si son pays natal lui tourne le dos.

L’avenir t’attend pour poursuivre le combat de ton père, pour le rendre encore plus fier de toi qu’il ne l’est aujourd’hui. Tu vas grandir et devenir un exemple toi aussi, et tu seras Joud la libre, Joud l’irrévérencieuse, Joud la résiliente : Joud Waleed Abu al Khair.

Ton épouse,

Samar Badawi

Ce billet a été publié à l’origine dans l’International Business Times.

En savoir plus :

Arabie saoudite. 10 faits au-delà du cas de Raif Badawi (Article, 5 mars 2015)