Amnesty International a appelé les autorités libyennes à mettre un terme aux expulsions forcées « discriminatoires », qui visent les membres de la tribu tabou vivant dans le sud-est du pays, après que cinq autres familles ont vu leur maison détruite la semaine dernière. Des agents armés des forces de sécurité ont utilisé des bulldozers pour expulser des membres de la communauté tabou de la ville d’Al Kufrah le jeudi 1er avril. Depuis novembre 2009 des dizaines de familles tabous ont perdu leur maison et il semble que de nombreuses autres expulsions soient prévues. « Ces expulsions forcées et ces démolitions viennent s’ajouter à d’autres pratiques discriminatoires menées par les autorités libyennes contre la communauté tabou d’Al Kufrah et des environs », a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. « Certaines familles tabous nous ont dit que leurs enfants ne peuvent plus aller à l’école parce que les autorités refusent de les inscrire, d’autres se plaignent que les hôpitaux refusent de soigner les femmes enceintes parce qu’elles n’ont pas de papiers d’identité officiels. » Parmi les mesures discriminatoires prises contre la tribu tabou figure le refus des autorités de renouveler ou de prolonger la validité des passeports et des autres papiers d’identité, notamment des permis de conduire de membres de la communauté. Dans d’autres cas, des parents tabous ne sont pas autorisés à déclarer la naissance de leurs enfants et ne peuvent pas obtenir de certificats de naissance. Il n’existe aucune statistique officielle sur le nombre de personnes appartenant à la communauté tabou en Libye. On pense que la plupart d’entre elles vivent dans le sud-est de la Libye, à Al Kufrah et dans les régions avoisinantes, près des frontières avec le Tchad, le Niger et le Soudan. Les Tabous ont leur propre langue orale, le tabou. En novembre 2009, des responsables des forces de sécurité libyennes auraient donné l’ordre de confisquer tous les papiers d’identité des Tabous âgés de moins de 18 ans et de leur interdire de voyager. Le même mois, une lettre officielle ordonnait la démolition de 730 « logements insalubres » dans trois quartiers dont les résidents sont principalement d’origine tabou. Aucune solution de relogement ou d’hébergement d’urgence n’était proposée aux familles concernées. Des dizaines de personnes auraient été arrêtées depuis novembre pour avoir tenté d’empêcher les démolitions. Il semble qu’elles aient été libérées par l’Agence de sûreté intérieure uniquement parce qu’elles ont accepté de signer un document dans lequel elles promettaient de ne plus s’opposer aux démolitions. Certaines des familles expulsées n’ont eu que quelques minutes pour quitter leur maison. D’autres ont été averties que la leur allait être démolie quelques heures à l’avance, quand les bâtiments ont été marqués d’une croix, la veille de l’arrivée des bulldozers. Les personnes qui ont résisté auraient été frappées à l’aide de bâtons par des agents de sécurité, ou menacées par des pompiers qui ont dirigé leur lance à incendie dans leur direction. Dans certains cas, les forces de l’ordre semblent avoir détruit le mobilier à l’intérieur des maisons. Des familles ont déclaré à Amnesty International que les personnes expulsées n’avaient pas été consultées à propos de la décision d’expulsion et qu’aucune solution de relogement ne leur avait été proposée. Certaines n’ont pas encore trouvé de quoi se reloger et vivent sans abri dans les décombres de leur ancienne maison. Selon certaines informations, en juin 2009, des responsables locaux auraient informé des personnalités de la communauté tabou des projets de démolition sans toutefois leur fournir plus de détails, que ce soit sur la date à laquelle ces projets seraient mis en œuvre ou sur le nombre de logements concernés. Ces responsables ont déclaré que les démolitions sont nécessaires pour faire de la place pour une route et ont ajouté qu’ils appliquaient des instructions venues « d’en haut ». « Si les maisons déjà détruites ou celles qui vont l’être sont effectivement insalubres, les autorités libyennes doivent offrir aux familles touchées des solutions de relogement ou d’hébergement d’urgence », a déclaré Malcom Smart. « Les autorités doivent également mettre en place une véritable consultation des habitants de tous les bâtiments désignés comme insalubres dans les zones d’Al Kufrah concernées et étudier toutes les solutions réalisables qui permettraient d’éviter ces expulsions. »