À la suite des arrestations massives de manifestants et de militants de l’opposition au cours des semaines qui ont suivi l’élection présidentielle contestée en Iran, Amnesty International a établi une liste comportant le nom ou l’identité de 368 personnes interpellées depuis le 12 juin. Certaines ont été relâchées depuis, mais risquent d’être poursuivies par la suite. L’organisation a également obtenu des photographies de listes de dossiers faisant l’objet d’une révision judiciaire, qui donnent un aperçu de l’ampleur des arrestations qui ont eu lieu à Téhéran au cours des dernières semaines.
Amnesty International n’est pas en mesure de valider chaque nom reçu. Elle publie ces listes pour attirer l’attention sur la détresse de milliers de familles en Iran, qui supposent que leurs proches ont été victimes d’une arrestation arbitraire ou, lorsqu’elles ignorent où ils se trouvent, victimes de ce qui s’apparente à une disparition forcée. Les autorités iraniennes ont la responsabilité de révéler immédiatement l’identité de toutes les personnes placées sous leur autorité et d’informer les familles du lieu où elles se trouvent. Amnesty International redoute que nombre des détenus soient torturés ou subissent d’autres mauvais traitements dans le but probable de leur extorquer des « aveux » qui pourraient être utilisés contre eux devant les tribunaux.
Au regard de la répression qui sévit actuellement dans le pays, Amnesty International, soucieuse de rassembler de nouvelles informations sur les interpellations de ces dernières semaines, demande à toute personne ayant des interrogations ou des informations sur les arrestations et le recours excessif à la force, y compris sur les homicides, de lui adresser un courriel à [email protected] ou [email protected]. Plus particulièrement, toute information sur les personnes citées dans la liste, ou sur des personnes dont le nom n’est pas mentionné, s’avèrerait précieuse. Amnesty International espère ainsi mettre à jour cette liste en fonction des éléments reçus, tout en les traitant de manière confidentielle.
Sur les photos des listes affichées sur le mur du tribunal situé au croisement des rues Shariati et Moalem, à Téhéran, on peut lire les noms des personnes dont le dossier fait l’objet d’une révision judiciaire. On découvre également que les autorités favorisent les atteintes aux droits humains en détention, puisqu’elles rayent au feutre noir le nom des services qui détiennent les nombreux prisonniers. Sur le côté de chaque feuille, la mention « nouveau » écrite à la main indique aux familles qu’elles doivent revenir dans quinze jours pour s’enquérir du sort de leurs proches. Ainsi, les détenus sont-ils renvoyés à une situation de non-droit pendant une période prolongée.
Pourtant, aux termes du droit et des instruments internationaux, ainsi que du droit iranien, les autorités iraniennes sont tenues de présenter les détenus à un magistrat dans les meilleurs délais, afin qu’il examine les motifs de leur arrestation. Toutefois, ce droit est systématiquement bafoué par les autorités qui s’appuient sur une note d’un article du Code de procédure pénale, autorisant un juge à prolonger indéfiniment la détention provisoire dans des affaires relevant de la « sécurité nationale ». D’après Amnesty International, une période de quinze jours s’avère bien trop longue pour des familles qui attendent des nouvelles de leurs proches – surtout lorsque l’on sait que l’Iran recourt depuis longtemps à la torture en détention. Bon nombre de prisonniers ont été interpellés en raison de leurs opinions politiques ou de leur participation pacifique à des manifestations. Toute personne détenue uniquement pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression, de réunion ou d’association doit être libérée immédiatement et sans condition. Les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions dûment reconnues par la loi doivent être libérées, sous caution le cas échéant, à moins qu’elles ne soient inculpées et jugées de manière équitable dans les meilleurs délais.