Présentation générale
On pourrait croire que les personnes en détention n’ont pas de droits, qu’elles en ont en quelque sorte été déchues en versant dans la délinquance. On peut aussi penser que les autorités sont libres de détenir certaines catégories de personnes, sans restriction. C’est faux, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, toute personne a des droits et ne doit jamais en être privée, quel que soit le lieu où elle se trouve et ce qu’elle a fait. Deuxièmement, le fait qu’une personne soit détenue ou incarcérée ne signifie pas qu’elle est coupable d’une infraction. Même si elle a eu assez de chance pour avoir un procès, celui-ci peut ne pas avoir été équitable. Certaines personnes sont détenues pour des raisons politiques, à cause de leur identité, de leur situation au regard de la législation relative à l’immigration ou pour des motifs de « sécurité » fallacieux.
Depuis les débuts d’Amnesty International en 1961, nos militant·e·s sont toujours prêts à intervenir en faveur des personnes injustement privées de leur liberté ou confrontées à un danger imminent en détention, que ce soit en envoyant des fax ou des tweets, en passant des appels téléphoniques ou en descendant dans la rue.
Nous avons remporté des milliers de victoires, mais il est plus difficile d’obtenir un changement systémique et, partout dans le monde, de trop nombreuses personnes languissent encore injustement en détention.

Quels sont les droits fondamentaux propres aux personnes en détention ?
Avant tout, il est important de clarifier ce qu’on entend exactement par « personne en détention ». Ce terme désigne bien évidemment les personnes accusées ou déclarées coupables d’infraction et incarcérées en prison ou dans tout autre établissement pénitentiaire. Mais il comprend également les personnes détenues pour d’autres motifs qu’une infraction. Par exemple, de nombreuses personnes sont enfermées parce qu’elles sont immigrées, et ce, parfois pendant de longues périodes.
Au regard du droit international relatif aux droits humains et des normes associées, les personnes en détention (que ce soit pour une infraction présumée ou pour tout autre motif) bénéficient d’un certain nombre de droits. Ces droits comprennent :
- les droits que les États doivent accorder à toute personne pendant leur arrestation ;
- les droits dont doivent pouvoir jouir les personnes une fois qu’elles se trouvent en détention ;
- les normes minima concernant le traitement des personnes en détention.
Cependant, dans de nombreux pays du monde, ces droits et ces protections ne sont pas appliqués. Des personnes sont souvent détenues en dehors de toute procédure régulière, et les garanties juridiques telles que la possibilité de consulter un·e avocat·e, de communiquer avec sa famille et de bénéficier de soins médicaux ne sont pas respectées. Les personnes détenues sont aussi souvent victimes de violence, par exemple d’actes de torture visant à leur arracher des « aveux » ou d’autres mauvais traitements.

Détention illégale
Au regard du droit international, une détention peut être considérée comme illégale dans un certain nombre de circonstances.
Premièrement, un État ne peut pas placer une personne en détention sans un motif légitime reconnu par le droit international, et toute personne accusée d’une infraction a droit à un procès équitable. Si l’État ne fournit pas de motif légitime et ne suit pas une procédure judiciaire acceptable, on considère que la personne visée est soumise à une détention arbitraire.
Toute personne détenue a le droit de consulter un·e avocat·e et de communiquer avec sa famille. On dit des personnes privées de ce droit qu’elles sont en détention au secret. Dans certains cas, les personnes détenues se voient non seulement privées de tout contact avec le monde extérieur, mais seules les autorités savent où elles sont incarcérées. C’est ce qu’on appelle la détention secrète, traitement qui peut être constitutif d’une disparition forcée.

Mauvais traitements infligés à des personnes en détention
Les Nations unies ont établi des règles minima concernant le traitement des détenus et les conditions carcérales.
Torture et autres mauvais traitements
Ces règles limitent le recours à certaines mesures telles que la détention à l’isolement, terme qui désigne l’isolement d’une personne pendant 22 heures par jour ou plus sans contact humain réel. En fonction de la durée et des autres conditions dans lesquelles s’effectue la détention à l’isolement, cette pratique peut constituer un acte de torture ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Il est interdit d’y soumettre certaines catégories de personnes, dont les mineur·e·s et les femmes enceintes. Il est également interdit de maintenir une personne à l’isolement pendant plus de 15 jours.
Le recours abusif à l’isolement fait partie des nombreuses méthodes de torture et autres formes de mauvais traitements utilisées par les autorités contre les personnes incarcérées. On parle de torture lorsqu’une personne agissant dans l’exercice de ses fonctions officielles inflige, directement ou indirectement, des souffrances psychologiques ou physiques graves à autrui dans un but précis. Parfois, les autorités torturent ou maltraitent une personne pour l’obliger à « avouer » une infraction ou pour obtenir des informations. Parfois, la torture est simplement utilisée comme une sanction ou motivée par la discrimination.
Il existe de multiples méthodes de torture. Elles peuvent être de nature physique (coups, décharges électriques), sexuelle (viol, humiliation sexuelle) ou psychologique (menaces de mort, privation de sommeil).
Au titre du droit international, la torture et les autres formes de mauvais traitements sont toujours illégales.
Conditions de détention
Le droit international impose également que les conditions de détention soient conformes aux normes internationales relatives aux droits humains concernant d’autres aspects : les locaux et l’hygiène, les soins médicaux, la nourriture, la possibilité de faire de l’exercice et l’absence de discrimination fondée sur le genre, la « race », la couleur de peau, le sexe, l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, les opinions politiques, le handicap , la religion ou d’autres caractéristiques protégées.
La surpopulation est largement reconnue comme l’un des problèmes les plus graves dans les lieux de détention aujourd’hui. Environ 102 pays ont déclaré un taux d’occupation des prisons de plus de 110 %.Cette surpopulation s’accompagne souvent de conditions d’hygiène déplorables et insalubres, et une grande proportion de détenu·e·s s’y trouvent en raison d’une inculpation ou d’une condamnation pour une infraction non violente.

Qu’est-ce qu’un prisonnier ou une prisonnière d’opinion ?
Depuis sa création, Amnesty International mène des campagnes pour une catégorie de détenu·e·s particulière : les prisonniers·ères d’opinion, terme inventé par le fondateur de l’organisation, Peter Benenson.
Amnesty International définit le ou la prisonnier·ère d’opinion comme une personne détenue ou dont la liberté de mouvement est restreinte du seul fait de son identité (origine ethnique, sexe, couleur de peau, langue, nationalité, origine sociale, situation économique, naissance, orientation sexuelle, identité ou expression de genre, etc.) ou de ses convictions (opinions politiques, religieuses ou autres) et qui n’a pas recouru à la violence ni prôné la violence ou la haine dans le cadre des circonstances ayant conduit à son placement en détention. Amnesty International demande la libération immédiate et inconditionnelle de l’ensemble des prisonniers·ères d’opinion.
Au fil des ans, Amnesty International a mené des campagnes efficaces en faveur de milliers de prisonniers et prisonnières d’opinion dans le monde entier, contribuant dans bien des cas à leur libération. Raif Badawi et Leila de Lima en sont deux exemples bien connus.
Étude de cas : Eskinder Nega

Bien connu du grand public, le journaliste et prisonnier d’opinion éthiopien Eskinder Nega a été incarcéré neuf fois pour le simple fait d’avoir exercé son métier. En 2018, il a été libéré de la tristement célèbre prison de Maekelawi, après que son cas a été mis en lumière par la campagne annuelle d’Amnesty International Écrire pour les droits. Voici quelques extraits d’une lettre qu’il a écrite aux sympathisant·e·s d’Amnesty International à sa libération :
« L’État éthiopien m’a déclaré coupable de terrorisme, alors que je suis une personne pacifique. Partout dans le monde, des accusations de ce genre sont souvent portées contre des journalistes dissidents comme moi qui contestent leur gouvernement.
J’ai connu tous les aspects de la vie en prison. J’ai été enfermé dans des cellules sombres, de moins de deux mètres carrés. Quand je dormais, ma tête touchait le mur et mes pieds la porte. […] Je n’étais autorisé à aller aux toilettes que deux fois par jour. Et prendre une douche était hors de question.
Les conditions de détention [dans la prison de Maekelawi] étaient terribles. L’établissement était surpeuplé. Il était difficile de trouver un endroit où dormir et les conditions d’hygiène étaient épouvantables. Le personnel pénitentiaire m’a demandé d’arrêter d’écrire, et quand j’ai refusé, on m’a catalogué comme un fauteur de troubles, un prisonnier difficile, et on m’a séparé des autres.
Je serai à jamais reconnaissant aux sympathisant·e·s d’Amnesty International. Vous faites du bon travail, continuez ! Vous êtes la conscience de l’humanité, la voix des opprimé·e·s. La voix des droits humains doit continuer à se faire entendre jusqu’à ce que tout le monde soit libéré de la tyrannie. »
Que fait Amnesty International ?
Amnesty International travaille avec les avocat·e·s et les proches de personnes détenues illégalement dans le monde entier pour attirer l’attention sur leur situation. Nous faisons pression sur les autorités, directement et en mobilisant notre réseau mondial de militant·e·s, pour leur demander de respecter les obligations qui leur incombent au titre du droit international et de protéger les droits fondamentaux des personnes en détention.
Notre campagne annuelle Écrire pour les droits met régulièrement en vedette des personnes détenues arbitrairement, victimes de disparition forcée, détenues au secret ou maltraitées en prison. Grâce aux lettres écrites, aux pétitions signées et aux courriels envoyés par les militant·e·s d’Amnesty International, des personnes incarcérées illégalement ont été autorisées à communiquer avec leur famille et consulter un·e avocat·e et ont vu leurs conditions de détention et leur traitement s’améliorer. Cette campagne a également conduit à la libération de personnes emprisonnées.
Amnesty International a par ailleurs publié le manuel Pour des procès équitables, un guide pratique des normes internationales relatives à l’équité des procès. C’est un outil essentiel pour les avocat·e·s, les juges et les observateurs·trices des procès. Il est également utilisé par des prisonniers et prisonnières politiques pour préparer leur propre défense. Albin Kurti s’est par exemple servi de ce manuel pour se défendre devant un tribunal des Nations unies au Kosovo et a été libéré.


