L’application mobile CBP One bafoue les droits des personnes en quête d’asile aux États-Unis

L’utilisation obligatoire de l’application mobile CBP One comme unique moyen pour déposer une demande d’asile aux États-Unis constitue une violation flagrante du droit international relatif aux droits humains et du droit relatif aux réfugiés, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport rendu public jeudi 9 mai 2024.

Ce rapport, intitulé USA : CBP One – A blessing or a trap, recense les motifs de préoccupation en matière de droits humains liés à cette application mobile, et met en lumière les effets de la Circumvention of Lawful Pathways Final Rule (Règle définitive sur le contournement des voies légales), mieux connue sous le nom d’Asylum Ban (interdiction de l’asile), introduite par le gouvernement Biden le 11 mai 2023.

Ce règlement impose des restrictions sévères aux demandeurs et demandeuses d’asile entrant aux États-Unis depuis le Mexique à la frontière sud, les privant de droits fondamentaux et bafouant le droit international. Amnesty International estime que la Règle définitive porte atteinte au droit de demander l’asile, ainsi qu’aux principes de « non-refoulement » et de non-pénalisation. En vertu de cette règle, les personnes doivent utiliser l’application CBP One pour prendre rendez-vous aux points d’entrée afin que leur demande d’asile puisse être recevable, ce qui ajoute de la complexité et des obstacles à un processus déjà ardu.

« L’utilisation de l’application CBP One conditionne l’entrée sur le territoire et l’accès à la procédure de demande d’asile au fait de se présenter à un point d’entrée avec un rendez-vous préalable, ce qui n’est pas faisable pour certaines personnes », a déclaré Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International. « Si les innovations technologiques sont susceptibles de permettre un transit sûr et des procédures plus fluides aux frontières, des logiciels comme CBP One ne peuvent pas conditionner ni restreindre la capacité à demander une protection internationale aux États-Unis. »

L’utilisation de l’application CBP One conditionne l’entrée sur le territoire et l’accès à la procédure de demande d’asile au fait de se présenter à un point d’entrée avec un rendez-vous préalable, ce qui n’est pas faisable pour certaines personnes.

Ana Piquer, directrice pour les Amériques à Amnesty International.

Le rapport d’Amnesty International fait état des obstacles considérables auxquels se heurtent les demandeurs et demandeuses d’asile lorsqu’ils utilisent l’application CBP One, notamment les barrières technologiques, les limites linguistiques et d’alphabétisation, la mésinformation et la nature arbitraire de l’attribution des rendez-vous. L’application CBP One, disponible uniquement en anglais, en espagnol et en créole haïtien, fonctionne selon un système où des rendez-vous quotidiens sont attribués de manière aléatoire pour la plupart, ce qui entraîne des expériences manquant de cohérence pour les demandeurs d’asile, les laissant dans l’incertitude et les exposant au danger.

« L’application CBP One transforme le droit à l’asile en système de loterie basé sur le hasard », a déclaré Paul O’Brien, directeur exécutif d’Amnesty International États-Unis. « Des personnes en quête d’asile risquent de ne jamais se voir offrir sécurité et protection aux États-Unis, au seul motif qu’elles ne recevront peut-être jamais de rendez-vous. » L’utilisation obligatoire de la reconnaissance faciale et du suivi GPS suscite par ailleurs de graves inquiétudes quant au respect de la vie privée, à la surveillance et à des discriminations potentielles, ce qui complique encore la procédure de demande d’asile. Une analyse de l’application CBP One par le Security Lab d’Amnesty International a révélé que les caractéristiques de l’appareil et les identifiants sont envoyés au service Firebase de Google, une fonctionnalité qui n’est pas divulguée aux utilisateurs et utilisatrices.

L’application CBP One transforme le droit à l’asile en système de loterie basé sur le hasard.

Paul O’Brien, directeur exécutif d'Amnesty International États-Unis.

Le rapport décrit également la situation très difficile dans laquelle se trouvent les personnes attendant au Mexique un rendez-vous attribué via CBP One. Selon les conclusions du rapport, le Mexique est de plus en plus dangereux pour les demandeurs d’asile, qui sont souvent victimes d’extorsion, d’enlèvement, de discrimination et de violences sexuelles et sexistes de la part d’acteurs étatiques et non étatiques.

Dans un témoignage adressé à Amnesty International, une Vénézuélienne souhaitant demander l’asile aux États-Unis a décrit les conditions éprouvantes dans lesquelles elle doit attendre au Mexique jusqu’à la date de son rendez-vous :

« Nous avons été retenus pendant trois jours, puis relâchés. On nous a bandé les yeux et frappés à plusieurs reprises. Nous avons été forcés à descendre des bus à plusieurs reprises et obligés à payer. On nous a vendu des billets au double du prix. Il nous est arrivé tellement de choses que cela donne envie de pleurer. Si nous n’obtenons pas de rendez-vous rapidement, nous nous jetterons dans la rivière. »

Nous avons été retenus pendant trois jours, puis relâchés. On nous a bandé les yeux et frappés à plusieurs reprises.

Vénézuélienne souhaitant demander l’asile aux États-Unis

Dans un autre témoignage recueilli par Amnesty International, une Mexicaine demandant l’asile a dû attendre pendant des mois avant d’obtenir son rendez-vous :

« Cela fait trois mois que j’essaie d’obtenir un rendez-vous. Je pensais qu’ils se déroulaient dans l’ordre. C’est exaspérant. Cette situation me désespère. Quelqu’un a essayé de me tuer. Je ne veux pas quitter mon Mexique, mais je ne peux pas rester. »

C’est exaspérant. Cette situation me désespère. Quelqu’un a essayé de me tuer.

Mexicaine demandant l’asile aux États-Unis

« La situation des demandeurs d’asile au Mexique est grave. Nombre d’entre eux sont victimes de violences et de discriminations au quotidien », a déclaré Edith Olivares Ferreto, directrice d’Amnesty International Mexique. « Forcées d’attendre dans l’incertitude pour des durées indéterminées, ces personnes cherchant à se mettre en sécurité sont exposées à d’autres préjudices et violations des droits fondamentaux. »

Forcées d’attendre dans l’incertitude pour des durées indéterminées, ces personnes cherchant à se mettre en sécurité sont exposées à d’autres préjudices et violations des droits fondamentaux.

Edith Olivares Ferreto, directrice d’Amnesty International Mexique.

La durée d’attente croissante et l’incertitude quant à l’attribution des rendez-vous poussent de nombreux demandeurs d’asile à prendre la décision périlleuse de franchir la frontière des États-Unis sans rendez-vous, ce qui met leur vie en danger et risque de les empêcher de bénéficier de l’asile du fait de la règlementation en la matière.

« Les États-Unis ont l’obligation morale et juridique de protéger toutes les personnes qui cherchent à se mettre en sécurité dans notre pays », a déclaré Amy Fischer, directrice du programme droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s à Amnesty International États-Unis. « Le gouvernement Biden ne peut pas continuer sur cette voie, et doit respecter la promesse de notre pays d’être une nation accueillante pour tous et toutes. »

Les États-Unis ont l’obligation morale et juridique de protéger toutes les personnes qui cherchent à se mettre en sécurité dans notre pays.

Amy Fischer, directrice du programme droits des réfugié·e·s et des migrant·e·s à Amnesty International États-Unis.

Amnesty International demande aux États-Unis de suspendre immédiatement l’application de l’interdiction de l’asile et de mettre un terme à l’utilisation obligatoire de l’application CBP One, qui constituent toutes deux des violations du droit international relatif aux droits humains et du droit relatif aux réfugiés. Les États-Unis doivent garantir l’accès à des procédures d’asile équitables et individualisées, excluant les discriminations fondées sur le statut migratoire.

Amnesty International exhorte le gouvernement mexicain à protéger les droits des demandeurs et demandeuses d’asile en transit, notamment en leur garantissant l’accès aux points d’entrée aux États-Unis, et en mettant en œuvre des mesures pour lutter contre la violence et la discrimination à l’égard des personnes en quête d’asile à l’intérieur de ses frontières.

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