En réaction à l’ouverture d’une enquête pénale contre la rédactrice en chef et trois journalistes de Mada Masr, l’un des derniers sites d’information indépendants en Égypte, Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré :
« Cette nouvelle attaque visant des journalistes qui ont osé s’écarter du discours officiel en Égypte ne fait que révéler davantage encore le fossé entre l’engagement affiché par les autorités égyptiennes vis-à-vis des droits humains, notamment de la “liberté d’expression”, et la sinistre réalité. Le harcèlement subi par l’un des derniers sites d’information indépendants du pays renforce les inquiétudes quant à la capacité des acteurs indépendants de la société civile et d’autres personnes à exprimer leurs opinions sans crainte de représailles lors de la prochaine conférence annuelle des Nations Unies sur les changements climatiques, qui aura lieu à Charm el Cheikh en novembre.
Les autorités doivent immédiatement abandonner toutes les poursuites injustifiées engagées contre les journalistes de Mada Masr et clore cette enquête motivée par des considérations politiques
Philip Luther, Amnesty International
« Les autorités doivent immédiatement abandonner toutes les poursuites injustifiées engagées contre les journalistes de Mada Masr et clore cette enquête motivée par des considérations politiques. Il faut également qu’elles libèrent tous les journalistes détenus uniquement pour avoir fait leur travail légitime d’information et exercé leur droit à la liberté d’expression, qu’elles mettent fin à toutes les formes de censure, de harcèlement et d’intimidation subies par les journalistes, et qu’elles abrogent les lois draconiennes sur les médias qui nuisent à la liberté de la presse. »
Le 7 septembre, la rédactrice en chef de Mada Masr, Lina Attalah, et trois journalistes, Rana Mamdouh, Sara Seif Eddin et Beesan Kassab, ont été interrogées par des membres du parquet. Elles sont accusées de « diffusion de fausses informations », de « diffamation » à l’égard de membres du parti Mostakbal Watan (Futur de la nation) et de les avoir « perturbés délibérément », ainsi que de « gestion d’un site Web non autorisé » dans le cas de Lina Attalah. Selon les avocat·e·s de Mada Masr, les procureurs ont demandé à cette dernière d’identifier les personnes ayant écrit et révisé l’article en question ainsi que de révéler les sources du site, sa structure institutionnelle et ses financements.
Les quatre femmes ont été libérées sous caution, mais elles risquent toujours d’être jugées, en cas d’inculpation, pour des chefs d’accusation passibles de deux ans d’emprisonnement et d’une amende.
Ces dernières années, les autorités égyptiennes ont de plus en plus renforcé leur mainmise sur les médias au moyen de la censure en ligne, de perquisitions et de fermetures d’organes de presse indépendants, et d’une surveillance des contenus dans les médias publics et privés.
Complément d’information
En novembre 2019, les forces de sécurité ont perquisitionné les locaux de Mada Masr, au Caire, et arrêté brièvement quatre journalistes, dont la rédactrice en chef Lina Attalah, vraisemblablement par représailles à la suite d’un article révélant que le fils du président égyptien, Mahmoud al Sissi, avait été écarté d’un poste haut placé au sein des services de renseignements. Mada Masr tente sans succès d’obtenir une licence depuis 2018.
Depuis 2013, de nombreux journalistes et autres professionnels des médias ont été arrêtés arbitrairement, détenus, poursuivis et/ou condamnés par les autorités pour avoir simplement émis des critiques ou fait leur travail d’information. Au moins 23 journalistes sont actuellement derrière les barreaux en Égypte, dont six arrêtés au cours des cinq derniers mois, uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression.