Israël/TPO. Il faut mettre fin à la répression brutale des Palestinien·ne·s qui manifestent contre les déplacements forcés à Jérusalem-Est occupée

Les forces de sécurité israéliennes ont utilisé de manière répétée une force injustifiée et excessive contre des manifestant·e·s palestiniens à Jérusalem-Est occupée après quatre jours de violences au cours desquelles 840 Palestinien·ne·s ont été blessés, a déclaré Amnesty International ce lundi 10 mai. Au moins 21 policiers israéliens et sept civils israéliens ont également été blessés, selon la police israélienne.

Amnesty International appelle les autorités israéliennes à mettre fin immédiatement aux expulsions forcées dans le quartier de Sheikh Jarrah et aux déplacements forcés de Palestinien·ne·s établis à Jérusalem-Est.

Lors de la dernière escalade en date, des groupes armés palestiniens ont lancé des roquettes et des missiles sur Israël, blessant au moins un Israélien, et selon certaines sources, plusieurs personnes ont été tuées à Gaza pendant des attaques menées par Israël à titre de représailles. Amnesty International appelle toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et à prendre toutes les précautions possibles pour éviter de blesser des membres de la population civile.

« Les éléments de preuve rassemblés par Amnesty International révèlent une tendance alarmante des forces israéliennes à recourir ces derniers jours à une force abusive et injustifiée contre des manifestant·e·s palestiniens très majoritairement pacifiques. Parmi les personnes blessées lors des violences à Jérusalem-Est figurent de simples passants, ainsi que des fidèles qui faisaient les prières du ramadan », a déclaré Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International.

« Les dernières violences en date mettent en évidence la campagne soutenue que mène Israël pour étendre les colonies israéliennes illégales et intensifier les expulsions forcées de résidentes et résidents palestiniens, comme à Sheikh Jarrah, afin de laisser la place aux colons israéliens. Ces expulsions forcées s’inscrivent dans une politique persistante à Sheikh Jarrah ; elles bafouent de manière flagrante le droit international et pourraient s’apparenter à des crimes de guerre. »

Les éléments de preuve rassemblés par Amnesty International révèlent une tendance alarmante des forces israéliennes à recourir ces derniers jours à une force abusive et injustifiée contre des manifestant·e·s palestiniens très majoritairement pacifiques.

Saleh Higazi, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à Amnesty International

Selon des témoins oculaires, et comme le montrent des vidéos et des photographies réalisées par les chercheurs d’Amnesty International sur le terrain à Jérusalem-Est, les forces israéliennes ont recouru à maintes reprises à une force disproportionnée et illégale pour disperser des manifestant·e·s lors de violents raids contre la mosquée al Aqsa, et ont lancé des attaques en l’absence de toute provocation contre des manifestant·e·s pacifiques à Sheikh Jarrah.

Depuis le début du ramadan, le 13 avril, les tensions n’ont cessé de croître alors que des Palestinien·ne·s manifestaient contre les restrictions israéliennes qui limitent leur accès à la porte de Damas, une des entrées principales de la vieille ville de Jérusalem. Le 26 avril, face aux manifestations persistantes, les autorités israéliennes ont levé les restrictions. La colère est également montée alors que quatre familles palestiniennes de Sheikh Jarrah étaient sous la menace d’une expulsion imminente visant à leur faire laisser la place à des colons israéliens.

Usage illégal de la force

Les tensions ont atteint un point critique le 7 mai, lorsque plus de 170 Palestinien·ne·s ont été blessés pendant que les forces israéliennes prenaient d’assaut l’enceinte de la mosquée al Aqsa, dispersant les fidèles en même temps que les manifestant·e·s, tirant des projectiles de 40 mm à impact cinétique et des grenades à concussion au beau milieu de la foule rassemblée pour les prières du dernier vendredi du ramadan.

Selon le témoignage d’un journaliste palestinien présent sur place, les forces israéliennes se sont déchaînées, se livrant à des tirs de projectiles et de gaz lacrymogène. Il a également indiqué qu’elles avaient pris d’assaut la clinique de la mosquée et frappé des manifestant·e·s. Il a dit à Amnesty International : « Je couvre les événements à Jérusalem depuis 10 ans […] et je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie. Tout le monde était une cible, j’aimerais dire que c’étaient des tirs aveugles, mais ce serait un mensonge. Ils savaient exactement qui et où ils visaient avec leurs balles et leurs grenades. La plupart des personnes ont été visées au niveau de la partie supérieure du corps (yeux, visage et torse). »

Le journaliste a également été touché au dos – alors qu’il tenait son appareil photo et tentait de quitter la zone.

Je couvre les événements à Jérusalem depuis 10 ans […] et je n’ai jamais eu aussi peur de ma vie.

Un journaliste palestinien à la mosquée d’al Aqsa

Les manifestant·e·s d’al Aqsa ont réagi en lançant des pierres et en allumant des feux alors que les forces israéliennes à cheval et en tenue antiémeute utilisaient des grenades incapacitantes pour les repousser.

Le 10 mai, plus de 300 manifestant·e·s palestiniens ont été blessés lorsque les forces israéliennes ont pris d’assaut le complexe de la mosquée al Aqsa pour la deuxième fois en l’espace de quelques jours. Un porte-parole du Croissant-Rouge a dit à Amnesty International que ces violences avaient entraîné l’hospitalisation d’au moins 250 Palestinien·ne·s, dont sept dans un état critique.

D’après un témoin oculaire, les forces israéliennes se sont mises à briser des fenêtres et à lancer des grenades lacrymogènes et incapacitantes, provoquant des difficultés respiratoires chez de nombreuses personnes à l’intérieur de la mosquée.

Un autre témoin sur place a dit que les forces israéliennes avaient commencé à tirer des gaz lacrymogènes depuis les toits avant que d’autres unités ne prennent d’assaut l’esplanade des Mosquées depuis la porte des Maghrébins. « Ils ont continué à avancer en repoussant les gens dans la mosquée al Aqsa, verrouillant [les portes] avec des chaînes métalliques […] puis brisant une fenêtre pour lancer des gaz lacrymogènes sur des personnes littéralement enfermées, avec peu de place pour respirer ou recevoir une aide médicale […] pour couronner le tout, ils se sont mis à tirer des balles en caoutchouc sur les fidèles à l’intérieur », a-t-il dit.

Il a également rapporté avoir vu les forces israéliennes battre des passants et arrêter des véhicules qui évacuaient des personnes blessées pour photographier celles-ci avant de les laisser partir. Il a lui-même reçu un tir au niveau du torse alors qu’il s’approchait d’un soignant sur les lieux qui avait été blessé.

Sheikh Jarrah

La semaine dernière, les Palestinien·ne·s du quartier de Sheikh Jarrah ont organisé des manifestations nocturnes pour protester contre la menace imminente d’expulsion forcée. Amnesty International a recueilli des informations faisant état d’arrestations arbitraires de manifestant·e·s pacifiques, d’un usage excessif de la force, d’une utilisation arbitraire de grenades assourdissantes et incapacitantes et d’un recours arbitraire à des canons à eau putride contre des manifestant·e·s et des habitations à Sheikh Jarrah.

Quatre familles palestiniennes du quartier sont sous la menace imminente d’une expulsion forcée, un tribunal de Jérusalem ayant rejeté l’appel qu’elles ont formé contre l’ordre d’expulsion à leur encontre. Nahalat Shimon International, une organisation de colons, a engagé des poursuites pour saisir les habitations de dizaines de familles à Sheikh Jarrah, invoquant des lois intrinsèquement discriminatoires, comme les Lois relatives aux questions juridiques et administratives et la Loi de 1950 sur les propriétés des absents, pour confisquer des terres ou des biens palestiniens et les transférer à des groupes de colons. Le transfert forcé de la population occupée est interdit par le droit international humanitaire et constitue un crime de guerre selon le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Le 9 mai, des chercheurs d’Amnesty International ont été témoins d’une attaque perpétrée par les forces israéliennes, en l’absence de toute provocation, contre un groupe de manifestant·e·s pacifiques à Sheikh Jarrah. Les forces israéliennes sont arrivées peu de temps avant l’iftar, le repas pris le soir pendant le ramadan. Après le repas, des dizaines de manifestant·e·s pacifiques ont formé un cercle et ont commencé à scander des slogans contre les projets imminents d’expulsion de familles palestiniennes. Les manifestant·e·s se trouvaient à au moins 10 mètres des forces israéliennes, qui étaient stationnées à côté d’une maison de colons israéliens non loin de là. Peu de temps après, les forces israéliennes ont lancé une attaque coordonnée pour disperser la foule des manifestant·e·s palestiniens. Les forces israéliennes à cheval ont commencé à se ruer vers la foule. Un homme qui boitait de douleur a dit avoir été piétiné par des chevaux de la police alors qu’il tentait de fuir la zone. Les résidents ont été contraints à rentrer chez eux et cinq hommes ont été arbitrairement arrêtés.

Les forces israéliennes se sont mises à repousser et à frapper les membres du groupe – y compris un chercheur d’Amnesty International qui observait la manifestation. Vers 22 heures, elles ont sorti les canons à eau putride et les grenades assourdissantes et ont commencé à tirer arbitrairement sur les personnes qui manifestaient.

Osama Dweik a été arrêté lors d’une manifestation nocturne à Sheikh Jarrah le 6 mai, juste après une charge soudaine de la police israélienne contre les manifestant·e·s. Au poste de police, il a vu des policiers israéliens donner des coups de pied et de matraque à quatre Palestiniens arrêtés lors des affrontements à la porte de Damas et des manifestations de Sheikh Jarrah. Au cours de cette seule nuit, sept autres personnes ont été arrêtées à Sheikh Jarrah.

Gil Hammerschlag, un militant israélien qui manifestait contre les expulsions forcées à Sheikh Jarrah le 7 mai, a été poussé et frappé par les forces israéliennes, qui ont lancé des grenades assourdissantes sur des manifestant·e·s pacifiques à moins de 10 mètres de distance.

Le même jour, un Palestinien d’âge moyen a eu d’importantes contusions à la jambe lorsque les forces israéliennes ont lancé une grenade incapacitante qui l’a touché à la cuisse. Un photographe également présent sur les lieux a rapporté que les forces israéliennes, y compris la police à cheval, avaient chargé une foule pacifique qui scandait des slogans après que l’un des manifestants eut jeté une bouteille d’eau en plastique dans leur direction.

« Les chercheurs d’Amnesty International ont été témoins d’un comportement déplorable de la part des forces de sécurité à Sheikh Jarrah, notamment d’attaques menées en l’absence de toute provocation contre des personnes qui manifestaient pacifiquement pour défendre leurs droits et pour appeler au respect du droit international. Au lieu de continuer à bafouer les droits des habitants et habitantes de Cheikh Jarrah et des personnes qui leur témoignent leur solidarité, les autorités israéliennes doivent immédiatement renoncer aux expulsions forcées prévues », a déclaré Saleh Higazi.

Amnesty International appelle la communauté internationale à amener Israël à rendre des comptes pour les violations systématiques des droits humains qu’elle commet au regard du droit international.

« Il ne faut pas laisser Israël continuer à se livrer à des actes de violence aveugles contre des Palestiniens et Palestiniennes qui ne font que défendre leur droit d’exister et protestent contre leur déplacement forcé. Se contenter d’exprimer des préoccupations face au mépris total d’Israël pour ses obligations en vertu du droit international ne suffit pas. Il faut que ces violations flagrantes soient clairement et fermement dénoncées, y compris les déplacements forcés, l’expansion des colonies illégales et la répression brutale des personnes qui manifestent contre ces graves violations », a déclaré Saleh Higazi.

« Dans l’immédiat, nous appelons les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à se réunir en séance publique et le Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient à informer les États membres. »

Ce n’est pas une simple expulsion, mais un crime de guerre. Souvenez-vous en. Je ne sais pas pourquoi le monde entier regarde ce qui se passe et laisse Israël s’en tirer.

Nabil el Kurd, habitant de Sheikh Jarrah

Nabil el Kurd, un des habitants menacés d’expulsion forcée à Sheikh Jarrah, a dit à Amnesty International :

« Sheikh Jarrah envoie un message au monde entier, y compris au Congrès américain, au Parlement britannique, au Parlement français, au Parlement européen et à la Cour pénale internationale : ce qui nous arrive est un crime de guerre. Ce n’est pas une simple expulsion, mais un crime de guerre. Souvenez-vous en. Je ne sais pas pourquoi le monde entier regarde ce qui se passe et laisse Israël s’en tirer. Il est temps qu’ils arrêtent de gâter Israël. »