Certains musulmans revenus dans des zones ayant fait l’objet d’un nettoyage ethnique dans l’ouest de la République centrafricaine ont été contraints à abandonner leur religion, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public vendredi 31 juillet.
Intitulé Suppression de l’identité – les musulmans dans les zones de la République centrafricaine soumises au nettoyage ethnique, ce document révèle que, dans une grande partie de l’ouest de la République centrafricaine, les milices armées anti-balaka empêchent des musulmans ayant regagné leur domicile après la folie meurtrière de 2014 – et les déplacements forcés de grande ampleur qui ont suivi – de pratiquer leur religion ou de s’en revendiquer en public. Certaines de ces personnes ont été menacées de mort afin qu’elles se convertissent au christianisme.
Alors qu’elles ont déjà contraint des dizaines de milliers de musulmans à fuir l’ouest de la République centrafricaine, les milices anti-balaka s’en prennent désormais à l’identité religieuse des centaines de musulmans qui sont restés ou revenus.
Joanne Mariner, conseillère d’Amnesty International sur la réaction aux crises
« Alors qu’elles ont déjà contraint des dizaines de milliers de musulmans à fuir l’ouest de la République centrafricaine, les milices anti-balaka s’en prennent désormais à l’identité religieuse des centaines de musulmans qui sont restés ou revenus, a déclaré Joanne Mariner, conseillère d’Amnesty International sur la réaction aux crises.
« Dans les zones où l’absence des forces de maintien de la paix sous mandat des Nations unies est notable, les musulmans sont pris pour cible en toute impunité. Certains ont été forcés à se convertir au christianisme et d’autres se sont vu interdire d’exprimer leur identité musulmane. »
Un ancien musulman de 23 ans vivant dans la préfecture de Sangha-Mbaéré a expliqué à Amnesty International : « Nous n’avions pas d’autre choix que de rejoindre l’Église catholique. Les anti-balaka ont juré de nous tuer si nous ne le faisions pas. »
« Il faut redoubler d’efforts pour protéger les musulmans menacés dans l’ouest de la République centrafricaine », a déclaré Joanne Mariner.
Amnesty International a découvert que, dans l’ouest du pays, les musulmans vivant hors des zones placées sous la protection des forces de maintien de la paix des Nations unies n’étaient pas libres de pratiquer leur religion en public. Les prières sont interdites, les tenues traditionnelles musulmanes ne peuvent être portées librement et la reconstruction de mosquées, dont on estime que 400 ont été détruites dans tout le pays, n’est pas autorisée. Sur le reste du territoire, notamment à Bangui et Carnot, seules quelques mosquées ont été rebâties.
« Nos prières sont effectivement considérées comme illégales, a déclaré un négociant musulman à Mbaiki. Nous devons nous cacher, prier rapidement et discrètement. Les prières collectives du vendredi sont impossibles. »
Amnesty International a appelé les autorités centrafricaines, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) et la communauté internationale à soutenir plus largement les efforts des musulmans visant à réintégrer les villes et villages de l’ouest du pays, et à renforcer la présence des forces de maintien de la paix afin de mieux protéger la population des milices anti-balaka.
« Parmi les dizaines de milliers de réfugiés musulmans qui ont été expulsés du pays en 2014, nombreux sont ceux qui souhaiteraient rentrer chez eux un jour mais attendent de pouvoir le faire en toute sécurité et durablement. Le sort des musulmans qui ont tenté de réintégrer les villes et villages de l’ouest de la République centrafricaine peut être déterminant de ce point de vue. Leur sécurité, leur liberté de religion et les autres droits doivent être protégés. »
Complément d’information
En mai 2015, des délégués d’Amnesty International se sont rendus dans 12 villes et villages de l’ouest de la République centrafricaine où les musulmans ne bénéficiaient pas d’une protection efficace des forces sous mandat des Nations unies, ainsi que dans plusieurs villes où les musulmans étaient installés dans des enclaves protégées. Le rapport rendu public le 31 juillet se fonde sur des entretiens accordés par plus de 85 personnes, dont la plupart sont des musulmans vivant dans ces zones, outre des informations collectées lors de missions de recherche sur le terrain en 2014.
Plus de 30 000 musulmans sont regroupés dans quelques quartiers protégés par les forces de maintien de la paix des Nations unies en République centrafricaine, communément appelés « enclaves », et des dizaines de milliers sont réfugiés dans les pays voisins. D’autres encore sont installés dans des zones contrôlées par d’anciens rebelles de la Seleka, dans le nord-est. Amnesty International a concentré ses recherches sur la situation des centaines de musulmans qui ont tenté de retourner dans des zones non protégées.