Ukraine. Des violences homophobes éclatent lors de la marche des fiertés à Kiev

Malgré les efforts déployés par la police lors du défilé, les autorités ukrainiennes auraient dû faire davantage en amont afin de prévenir les violences contre les participants à la marche des fiertés samedi 6 juin, dont plusieurs ont été blessés, a déclaré Amnesty International.

En raison du manque de coordination avec les organisateurs de l’événement et de l’incapacité à mettre en place un plan d’évacuation, une dizaine de manifestants ont été blessés après avoir été attaqués par des contre-manifestants homophobes, malgré la présence d’au moins 1 500 policiers et soldats de la garde nationale. Au moins cinq policiers ont également été blessés, dont un grièvement.

« Les violences homophobes qui ont terni les rues de Kiev aujourd’hui étaient terribles. Des mesures auraient dû être prises en amont pour tenter d’empêcher cela. Au lieu de répondre aux menaces violentes en mettant en place des mesures pour garantir la sécurité des participants, la police a pris la décision hier seulement d’assurer leur protection. Si les autorités avaient consacré plus de temps à planifier et coordonner cet événement avec les organisateurs, on aurait sans doute pu éviter des blessés, a déclaré Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Les autorités doivent enquêter sur ces agissements et lancer des poursuites contre les responsables présumés, et s’engager à faire davantage pour protéger à l’avenir les membres de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexués (LGBTI) contre les agressions. »

Les autorités doivent enquêter sur ces agissements et lancer des poursuites contre les responsables présumés, et s’engager à faire davantage pour protéger à l’avenir les membres de la communauté des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexués (LGBTI) contre les agressions.

Denis Krivosheev, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International

En 2012 et 2014, les marches des fiertés à Kiev ont été annulées au dernier moment, la police ayant déclaré au comité organisateur qu’elle ne pouvait assurer la sécurité des participants, au regard des menaces reçues. Cette année, des menaces ont une nouvelle fois été proférées par des groupes radicaux de l’extrême-droite, Svoboda et Pravyi Sektor. La police a rencontré les organisateurs pour tenter de les dissuader de maintenir le défilé, mais a fini par accepter d’en assurer la protection, lors d’une rencontre qui s’est tenue la veille, le 5 juin.

Pour des raisons de sécurité, l’itinéraire de la marche a été tenu secret jusqu’au dernier moment. Le cortège composé de plus de 250 personnes s’est mis en marche à 10 heures. Peu après, il était la cible de violences soutenues. La police est intervenue pour protéger les participants et a arrêté au moins 28 contre-manifestants. Toutefois, son intervention s’est parfois révélée insuffisante. Selon un témoin, un cordon de police n’a rien fait pour protéger des observateurs étrangers alors qu’ils étaient pourchassés par une foule violente.

« Il est très triste qu’un événement destiné à célébrer l’égalité, la diversité et les droits à la liberté d’expression et de réunion attire ce genre de violences homophobes et que les autorités n’aient pas pris les mesures suffisantes pour protéger les participants, a déclaré Denis Krivosheev. 

« Néanmoins, le fait que la marche ait eu lieu comme prévu montre que l’Ukraine a passé un test important en termes de tolérance. Certes, il ne s’est pas déroulé sans heurt ni sans douleur, et il est clair que le pays a encore un long chemin à parcourir sur la voie menant à une société plus tolérante. »

Complément d’information

Le président Petro Porochenko a soutenu le droit constitutionnel des militants de manifester et les membres d’Amnesty International ont envoyé quelque 20 000 signatures pour demander aux autorités d’assurer leur protection.

Des diplomates français, américains, hollandais et suédois se sont joints à la marche, à titre personnel.

Par le passé, l’Ukraine s’est plusieurs fois montrée incapable de protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique des personnesLGBTI.

En 2012, la marche des fiertés prévue pour le 20 mai a été annulée par les organisateurs, car ils avaient reçu des menaces émanant de divers groupes et personnes, et la police de Kiev les avait prévenus qu’elle ne pouvait pas garantir la sécurité des manifestants et que « des personnes seraient blessées ».

Une autre marche des fiertés prévue le 5 juillet 2014 a également été annulée, la police ayant affirmé au comité organisateur à la dernière minute qu’elle ne pouvait pas garantir la sécurité des participants face aux actions attendues de contre-manifestants.

En 2013 a eu lieu la première marche des fiertés LGBTI réussie en Ukraine, réunissant 100 participants, face à 500 contre-manifestants. Elle s’est déroulée en périphérie de la ville, une décision de justice ayant interdit le défilé dans le centre-ville. La marche a coïncidé avec la fête de la Journée de Kiev, et la municipalité de la capitale avait demandé – sans succès – l’interdiction de tous les rassemblements n’ayant pas de lien avec les célébrations officielles.