Libye : il faut lever le siège de Bani Walid

Tandis qu’un important contingent de forces armées et de milices armées encerclent Bani Walid, se préparant à une éventuelle offensive, Amnesty International appelle les autorités libyennes à ne pas recourir à une force inutile et excessive dans la ville et à permettre l’acheminement de fournitures médicales et autres denrées de première nécessité. Le 25 septembre, le Parlement libyen, le Congrès national général, a autorisé les ministères de l’Intérieur et de la Défense à recourir à la force, en cas de nécessité, en vue d’arrêter des suspects, notamment les personnes qui auraient torturé et tué Omran Shaaban, à qui l’on attribue la capture du colonel Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011. En outre, le Congrès national général a demandé la libération d’autres détenus incarcérés à Bani Walid, dans un délai maximal de 10 jours. Faisant suite à cette décision, des soldats de l’armée libyenne, des Forces du bouclier libyen et des milices armées de diverses régions du pays, dont Misratah, ont encerclé Bani Walid, située à environ 140 kilomètres au sud-est de Tripoli. « Il est inquiétant de constater que ce qui devrait constituer pour l’essentiel une opération de maintien de l’ordre visant à arrêter des suspects s’apparente de plus en plus à un siège de la ville et à une opération militaire, a indiqué Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International. « Les autorités libyennes doivent faire preuve de la plus grande retenue concernant tout recours à la force, qui doit être proportionné à l’objectif poursuivi, à savoir l’arrestation de suspects. » D’après le témoignage de médecins locaux, le 4 octobre, un groupe d’hommes armés ayant installé un poste de contrôle à 80 kilomètres de Bani Walid, sur la route principale reliant la capitale Tripoli, a bloqué trois véhicules transportant du matériel médical, de l’oxygène et des soignants, leur interdisant l’entrée dans la ville. Des habitants du secteur ont expliqué à Amnesty International que, depuis quatre jours, des véhicules transportant du carburant, de l’eau et de la nourriture depuis la capitale, avaient également été refoulés au même poste de contrôle. Des familles qui se rendaient en voiture de Tripoli à Bani Walid se sont vues enjoindre de faire demi-tour. « L’entrée ou la sortie de Bani Walid ne doit pas être restreinte de manière arbitraire. En particulier, le matériel médical et les denrées de première nécessité doivent pouvoir être acheminés sans obstacle jusqu’à Bani Walid », a poursuivi Hassiba Hadj Sahraoui. Des tensions déjà anciennes Thuwwar de Misratah (les « révolutionnaires », comme sont généralement appelés les combattants anti-Kadhafi) et membres des Forces du bouclier libyen, Omran Shaaban et Mohamed Abdallah Ali ont été enlevés vers le 9 juillet près de Bani Walid. Omran Shaaban a été libéré le 11 septembre, tout comme deux autres habitants de Misratah détenus par des milices armées à Bani Walid. Lorsqu’Amnesty International s’est rendue à l’hôpital à Misratah le 12 septembre, Omran Shaaban était paralysé et se trouvait dans le coma. Il a été transféré en France pour y être soigné, mais a succombé à ses blessures par balles le 24 septembre. Deux autres détenus de Misratah libérés en même temps qu’Omran Shaaban ont été torturés. Au moins quatre autres habitants de Misratah seraient aux mains de milices armées à Bani Walid. Lorsqu’Amnesty International s’est rendue à Bani Walid le 20 septembre, malgré ses demandes auprès des autorités locales, elle n’a pas pu déterminer le lieu où ils se trouvaient ni leur rendre visite. La mort d’Omran Shaaban a encore exacerbé les tensions qui existent depuis longtemps entre Misratah et Bani Walid. « Si le fait de chercher à libérer des personnes détenues en toute illégalité à Bani Walid est une initiative positive, les autorités libyennes doivent également s’occuper de la situation de milliers de personnes emprisonnées dans toute la Libye sans inculpation ni jugement, mettre immédiatement un terme aux enlèvements de personnes sans mandat imputables aux milices armées et fermer tous les centres de détention non officiels dispersés à travers le pays », a conclu Hassiba Hadj Sahraoui. Complément d’information Bani Walid comptait parmi les dernières villes à passer sous le contrôle des forces hostiles à Mouammar Kadhafi, au cours du conflit armé interne qu’a connu la Libye en 2011. Les milices armées ont arrêté des centaines d’habitants de Bani Walid. Nombre d’entre eux sont toujours détenus sans inculpation ni jugement dans les geôles et les centres de détention libyens, y compris à Misratah.Beaucoup ont subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements. Lorsque les forces anti-Kadhafi sont entrées dans Bani Walid en octobre 2011, elles se sont livrées à des pillages généralisés et à d’autres violations des droits humains. Début octobre, des affrontements dans les banlieues est de Bani Walid ont causé la mort d’un homme originaire de cette ville et plusieurs blessés.