Mexique: des populations menacées par un projet de barrage

Au Mexique, plusieurs milliers de personnes, essentiellement des paysans et d’autres membres des populations indigènes démunies, risquent d’être déplacées de force à cause d’un projet de barrage. La construction du barrage hydroélectrique de La Parota, dans l’État de Guerrero, est une entreprise ambitieuse. L’ouvrage aurait une production annuelle de 1 527 gigawatts/heure. Sa mise en place entraînerait la création d’une retenue d’environ 17 000 hectares et le déplacement de plusieurs milliers d’habitants de la région.

Les défenseurs locaux des droits humains et de l’environnement s’inquiètent de l’impact qu’aurait cette infrastructure et de la manière dont le gouvernement entend la réaliser. Amnesty International a constaté que les opposants à la construction de ce barrage avaient fait l’objet d’une série de menaces. L’édification de la centrale hydroélectrique de La Parota affectera trois municipalités de l’État de Guerrero – un État où le taux de marginalisation est l’un des plus forts et les indicateurs de développement humain sont parmi les plus faibles de tout le Mexique.

Selon le gouvernement, elle devrait entraîner le déplacement de 2 981 personnes. Les organisations non gouvernementales (ONG) avancent cependant le chiffre nettement supérieur de 25 000 personnes déplacées, auxquelles il faudrait ajouter 75 000 personnes qui subiraient des conséquences indirectes. Vingt et un villages ou hameaux, habités par des petits paysans, notamment par des indigènes, pourraient être directement touchés par la construction du barrage.

Des ONG locales ont gagné plusieurs procès après avoir prouvé que des irrégularités avaient entaché la procédure de consultation et qu’il était difficile d’obtenir des informations fiables sur le projet. Les tensions engendrées ont parfois dégénéré en violences dans les communautés concernées. Trois personnes ont été tuées depuis 2003. Trois autres personnes qui avaient pris la tête de groupes opposés au barrage ont été placées en détention avant d’être relâchées, et des incidents ayant apparemment éclaté dans le cadre du conflit relatif au barrage ont fait plusieurs blessés. Rodolfo Chávez Galindo, défenseur des droits humains et dirigeant du Consejo de Ejidos y Comunidades Opositoras a la Presa La Parota (CECOP, Conseil des exploitations collectives et des communautés opposés au barrage de La Parota), a été arrêté arbitrairement par la police le 21 avril 2007, en vertu d’un mandat d’arrêt invalidé en 2004.

Il a été libéré le jour même, grâce à l’intervention d’organisations locales de défense des droits humains, ce qui tendrait à prouver le caractère politique de son arrestation. Répondant récemment à une demande d’information d’Amnesty International, la Comisión Federal de Electricidad (CFE) – la société publique qui est responsable du projet – a indiqué qu’elle n’avait rien à voir avec l’interpellation de Rodolfo Chávez, dans la mesure où il s’agissait d’une affaire intéressant la police et la justice. Dans ce même courrier, la CFE se montrait pourtant très critique à l’égard du rôle de Rodolfo Chávez dans la campagne contre le barrage de La Parota. À la connaissance d’Amnesty International, l’enquête officielle sur cette arrestation illégale est au point mort.

Le projet de construction du barrage est actuellement suspendu, à la suite d’un recours introduit par des ONG mexicaines, dont le CECOP, qui contestaient la légalité de la procédure d’approbation. La CFE et l’État de Guerrero ont toutefois manifestement l’intention de surmonter les obstacles juridiques existants. Amnesty International craint que la préparation et la mise en œuvre du chantier du barrage hydroélectrique de La Parota ne donnent lieu à des atteintes aux droits humains. Elle déplore en particulier l’insuffisance des informations, qui manquent de précision et d’impartialité et qui ne sont pas assez largement diffusées; le fait que la population n’a guère l’occasion de véritablement participer à l’élaboration du projet et de tenter d’en atténuer les conséquences sociales; l’exclusion de certains habitants, notamment des femmes, du processus de prise de décision; et le risque que les déplacements de population induits par la construction de l’ouvrage ne constituent en réalité des expulsions collectives forcées.Toutes ces questions suscitent bien des inquiétudes, auxquelles le Mexique se doit de répondre sans tarder.

Amnesty International n’est ni opposée ni favorable à la construction du barrage de La Parota mais elle va continuer à enquêter sur les préoccupations en matière de droits humains que suscite le projet, car elle estime que la manière dont ce dernier a été mené jusqu’à présent n’a pas préservé les droits des populations concernées et a contribué aux tensions sociales et à la situation de conflit. Il est temps que les autorités fédérales et régionales tiennent compte des normes internationales relatives aux droits humains dans le cadre du processus de consultation afin d’empêcher de graves violations des droits humains.