L’occupation de l’eau

L’occupation des territoires palestiniens depuis 50 ans par Israël engendre des violations des droits humains systématiques à grande échelle. L’une de ses conséquences les plus dévastatrices est l’impact des politiques israéliennes discriminatoires sur l’accès des Palestiniens à un approvisionnement adapté en eau potable.

Peu de temps après le début de l’occupation israélienne en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, et dans la bande de Gaza, en juin 1967, les autorités militaires israéliennes se sont emparées de toutes les ressources en eau et des infrastructures associées dans les territoires palestiniens occupés (TPO). Cinquante ans plus tard, l’accès à l’eau des Palestiniens y est toujours contrôlé et restreint par Israël, à un niveau tel, qu’il ne permet pas de couvrir les besoins de cette population, et qu’il ne constitue pas une répartition équitable des ressources d’eau communes.

En novembre 1967, les autorités israéliennes ont promulgué l’Ordonnance militaire 158, selon laquelle les Palestiniens ne peuvent pas construire de nouvelles infrastructures hydrauliques sans obtenir au préalable un permis délivré par l’armée israélienne. Depuis, pomper l’eau d’une nouvelle source ou développer des infrastructures existantes implique d’avoir l’autorisation d’Israël, chose presque impossible. Les Palestiniens qui vivent sous l’occupation militaire israélienne continuent de subir les conséquences désastreuses de cette ordonnance. Ils ne peuvent pas creuser de nouveaux puits, installer des pompes ou agrandir des puits existants, et n’ont pas accès au Jourdain et aux sources d’eau fraîche. Israël contrôle même la collecte d’eau de pluie dans la plus grande partie de la Cisjordanie, et les citernes servant aux communautés palestiniennes à recueillir cette eau sont souvent détruites par l’armée israélienne. D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), 180 villages palestiniens en Cisjordanie n’ont pas accès à l’eau courante. L’eau est souvent coupée même dans les villes et villages reliés au réseau d’approvisionnement.

Des Palestiniennes remplissent des bouteilles d’eau dans le village de Qarawah Bani Zeid, en Cisjordanie. © ABBAS MOMANI/AFP/Getty Images
Des Palestiniennes remplissent des bouteilles d’eau dans le village de Qarawah Bani Zeid, en Cisjordanie. © ABBAS MOMANI/AFP/Getty Images

Tandis qu’il limite l’accès à l’eau des Palestiniens, Israël développe son propre réseau d’eau en Cisjordanie pour l’usage de ses propres citoyens sur son territoire et dans les colonies, qui sont illégales en vertu du droit international. Mekorot, compagnie des eaux appartenant à Israël, creuse systématiquement des puits et exploite les sources en Cisjordanie pour approvisionner les Israéliens, y compris ceux qui vivent dans les colonies illégales, à des fins domestiques, agricoles et industrielles. Bien que Mekorot vende de l’eau à des distributeurs palestiniens, la quantité est déterminée par les autorités israéliennes. En raison de limitations continues, bon nombre de Palestiniens vivant en Cisjordanie n’ont pas d’autre choix que d’acheter de l’eau amenée par camion, à un prix bien plus élevé, allant de 4 à 10 dollars américains le mètre cube. Dans certaines des communautés les plus pauvres, les dépenses en eau peuvent représenter la moitié des revenus mensuels d’une famille.

Les autorités israéliennes restreignent également l’accès à l’eau des Palestiniens en les empêchant de se rendre librement dans des régions entières de la Cisjordanie. Sur ce territoire, il existe un grand nombre de « zones militaires fermées » où les Palestiniens ne peuvent pas entrer car elles sont situées près de colonies israéliennes, de routes empruntées par les colons israéliens ou utilisées pour l’entraînement des soldats israéliens, ou de réserves naturelles protégées.

Les colons israéliens qui sont installés à côté, parfois à quelques centaines de mètres, des Palestiniens en Cisjordanie ne sont pas concernés par de telles restrictions et coupures d’eau, et peuvent profiter de terres agricoles bien irriguées et de piscines.

À Gaza, 90 à 95 % de l’eau fournie est contaminée et impropre à la consommation humaine. Israël n’autorise pas le transfert d’eau de la Cisjordanie à Gaza, dont la seule ressource en eau, l’aquifère côtier, ne suffit pas aux besoins de la population, et s’épuise progressivement en raison de la surexploitation, et est contaminé par des infiltrations d’eaux usées et d’eau de mer.

Cette situation entraîne une inégalité sidérante en termes d’accès à l’eau entre Israéliens et Palestiniens. La consommation d’eau des premiers est au moins quatre fois supérieure à celle des Palestiniens vivant dans les TPO, qui utilisent en moyenne 73 litres par personne et par jour, soit une quantité bien inférieure aux 100 litres minimum par personne recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. Dans bon nombre de villages d’éleveurs en Cisjordanie, la consommation d’eau de milliers de Palestiniens s’élève à 20 litres par personne et par jour, selon l’OCHA. À l’inverse, un Israélien utilise en moyenne 300 litres d’eau par jour.

Cette situation dure depuis 50 ans. Il est temps que les autorités israéliennes abrogent les politiques et les pratiques discriminantes envers les Palestiniens dans les TPO, et qu’elles répondent aux besoins urgents en eau de cette population. Elles doivent lever les restrictions en vigueur qui empêchent des millions de Palestiniens d’avoir de l’eau en quantité suffisante pour satisfaire leurs besoins personnels et domestiques et pour jouir de leurs droits à l’eau, à la nourriture, à la santé, au travail et à un niveau de vie décent.

Peinture murale dans une station de pompage désaffectée près de l’autoroute 90, la voie principale qui s’étend le long de la vallée du Jourdain. Il est écrit : « Notre eau est notre vie, préservons-la. » Dans la vallée du Jourdain, un grand nombre de sources et de puits ont été abandonnés tandis que l’aquifère de montagne à l’extrémité ouest de la vallée est de plus en plus exploité par la compagnie Mekorot, qui appartient à l’État israélien. © Amnesty International
Peinture murale dans une station de pompage désaffectée près de l’autoroute 90, la voie principale qui s’étend le long de la vallée du Jourdain. Il est écrit : « Notre eau est notre vie, préservons-la. » Dans la vallée du Jourdain, un grand nombre de sources et de puits ont été abandonnés tandis que l’aquifère de montagne à l’extrémité ouest de la vallée est de plus en plus exploité par la compagnie Mekorot, qui appartient à l’État israélien. © Amnesty International

Un bilan dramatique pour la population de la vallée du Jourdain

En septembre 2017, des chercheurs d’Amnesty International ont rencontré des habitants de la vallée du Jourdain et constaté les conséquences désastreuses des limitations d’eau sur leur quotidien.

Ihab Saleh, cultivateur de courges et de concombres à Ein al Beida, village palestinien du nord de la Cisjordanie comptant environ 1 600 habitants, fait partie des centaines de milliers de personnes dont la vie et les moyens de subsistance ont été détruits par ces restrictions imposées par les autorités israéliennes. Au cours de ces 25 dernières années, il a vu la source locale se tarir progressivement, après que Mekorot a creusé deux puits près du village palestinien de Bardala pour approvisionner la colonie israélienne de Mehola. La quantité d’eau allouée au village par les autorités israéliennes ne cesse de diminuer au fil des ans, a expliqué Ihab Saleh, et l’approvisionnement a été interrompu à de nombreuses reprises. Malgré un accord conclu pour dédommager les villages d’Ein al Beida et de Bardala, depuis le milieu des années soixante-dix, Israël a réduit de manière importante la quantité d’eau fournie aux deux communautés.

Ihab Saleh a raconté aux chercheurs d’Amnesty International que début septembre 2017, les autorités israéliennes ont coupé l’eau qui alimente le village pendant cinq jours, en arguant que les habitants avaient dépassé les quantités allouées en employant des moyens non autorisés. Ihab a ainsi perdu sa récolte, ce qui constitue un préjudice estimé à 10 000 nouveaux shekels israéliens (soit environ 2 820 dollars américains). Personne n’a été prévenu de la coupure au préalable. Les habitants se sont retrouvés sans eau potable et ont dû se rendre dans un village voisin, à cinq kilomètres de là, pour rapporter de l’eau par camion. © Amnesty International

« Dans ce village, nous voulons la paix, peu importe ce que dit l’Autorité palestinienne ou l’armée israélienne. Tout ce que nous voulons, c’est de pouvoir cultiver nos terres », a-t-il déclaré à Amnesty International.
Ihab Saleh a raconté aux chercheurs d’Amnesty International que début septembre 2017, les autorités israéliennes ont coupé l’eau qui alimente le village pendant cinq jours, en arguant que les habitants avaient dépassé les quantités allouées en employant des moyens non autorisés. Ihab a ainsi perdu sa récolte, ce qui constitue un préjudice estimé à 10 000 nouveaux shekels israéliens (soit environ 2 820 dollars américains). Personne n’a été prévenu de la coupure au préalable. Les habitants se sont retrouvés sans eau potable et ont dû se rendre dans un village voisin, à cinq kilomètres de là, pour rapporter de l’eau par camion. © Amnesty International « Dans ce village, nous voulons la paix, peu importe ce que dit l’Autorité palestinienne ou l’armée israélienne. Tout ce que nous voulons, c’est de pouvoir cultiver nos terres », a-t-il déclaré à Amnesty International.
L’une des deux stations de pompage de Mekorot à la sortie du village de Bardala. À cause de ces stations, les sources dans les villages palestiniens d’Ein al Beida et de Bardala se sont complètement taries, rendant les habitants totalement dépendants de Mekorot pour l’approvisionnement en eau à des fins domestiques et agricoles. © Amnesty International
L’une des deux stations de pompage de Mekorot à la sortie du village de Bardala. À cause de ces stations, les sources dans les villages palestiniens d’Ein al Beida et de Bardala se sont complètement taries, rendant les habitants totalement dépendants de Mekorot pour l’approvisionnement en eau à des fins domestiques et agricoles. © Amnesty International

Outre les villages d’éleveurs, les communautés bédouines dans la vallée du Jourdain sont elles aussi concernées par de sévères restrictions dues au contrôle par Israël des ressources d’eau naturelles en Palestine. Les terres sur lesquelles elles sont installées sont souvent considérées par Israël comme des « zones militaires fermées ». Non seulement leur accès à l’eau est limité, mais elles sont constamment confrontées au risque d’être expulsées de force, en raison d’ordres de démolition visant leurs maisons et leurs biens.

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Deux familles vivant près de l’autoroute 90, non loin du village d’Ein al Beida, ont vu leur domicile et leurs biens saccagés deux fois au cours des deux dernières années. La plus récente était en décembre 2016, lorsque l’armée israélienne a détruit deux maisons ainsi que toutes les citernes qui leur appartenaient.

Étant donné que les autorités israéliennes ne reconnaissent pas le droit de nombre de Palestiniens de vivre dans la Zone C et qu’elles leur refusent les infrastructures nécessaires, ces familles n’ont pas accès à l’eau courante alors qu’une conduite d’eau de Mekorot est installée le long de l’autoroute, à moins de 100 mètres de leur terrain. Pour avoir de l’eau, elles doivent se rendre deux fois par jour au point de ravitaillement local géré par Mekorot. © Amnesty International
Étant donné que les autorités israéliennes ne reconnaissent pas le droit de nombre de Palestiniens de vivre dans la Zone C et qu’elles leur refusent les infrastructures nécessaires, ces familles n’ont pas accès à l’eau courante alors qu’une conduite d’eau de Mekorot est installée le long de l’autoroute, à moins de 100 mètres de leur terrain. Pour avoir de l’eau, elles doivent se rendre deux fois par jour au point de ravitaillement local géré par Mekorot. © Amnesty International

Même situation pour les 5 200 habitants du village d’al Auja, à 10 kilomètres au nord de Jéricho dans la vallée du Jourdain. En 1972, Mekorot a creusé un puits et installé une station de pompage près de la source Wadi Auja. Selon les habitants, cette source permettait largement d’approvisionner le village et d’irriguer les terres agricoles environnantes grâce à des canaux.

Les canaux d’irrigation sont désormais à sec. Un villageois montre aux chercheurs d’Amnesty International une photo de la source avant qu’elle soit tarie. Il explique qu’au début des années 1990, il y avait de l’eau toute l’année dans cette région où était installée une communauté prospère de cultivateurs, qui faisait partie des plus gros producteurs de fruits de la vallée du Jourdain. © Amnesty International
Les canaux d’irrigation sont désormais à sec. Un villageois montre aux chercheurs d’Amnesty International une photo de la source avant qu’elle soit tarie. Il explique qu’au début des années 1990, il y avait de l’eau toute l’année dans cette région où était installée une communauté prospère de cultivateurs, qui faisait partie des plus gros producteurs de fruits de la vallée du Jourdain. © Amnesty International
Issa Nijoum est un ancien cultivateur d’agrumes d’al Auja. Aujourd’hui, il ne fait pousser que des plantes moins gourmandes en eau, comme les courges et les concombres. En 2017, il n’a eu accès à l’eau que pendant 40 jours au moment de la période de croissance, qui a généralement lieu entre février et mars. Ses plants de courge sont morts. Il explique que ses cultures ont besoin de 120 jours d’eau par an. © Amnesty International
Issa Nijoum est un ancien cultivateur d’agrumes d’al Auja. Aujourd’hui, il ne fait pousser que des plantes moins gourmandes en eau, comme les courges et les concombres. En 2017, il n’a eu accès à l’eau que pendant 40 jours au moment de la période de croissance, qui a généralement lieu entre février et mars. Ses plants de courge sont morts. Il explique que ses cultures ont besoin de 120 jours d’eau par an. © Amnesty International
Les restes desséchés de la plantation de courges d’Issa Nijoum, dans un champ à l’extérieur du village d’al Auja. © Amnesty International
Les restes desséchés de la plantation de courges d’Issa Nijoum, dans un champ à l’extérieur du village d’al Auja. © Amnesty International

Même l’Autorité palestinienne ne sait pas qu’il s’agissait là d’une importante région agricole. Les gens n’ont aucune autre solution. En 1967, lorsqu’elles [les autorités israéliennes] ont commencé à contrôler l’eau, ça a été comme une maladie qui ronge un corps… les terres se sont asséchées petit à petit.

Issa Nijoum à Amnesty International, al Auja

En raison du manque d’eau, les cultivateurs d’al Auja ont dû faire une croix sur leurs moyens de subsistance traditionnels et se mettre à faire pousser des plantes moins gourmandes en eau, mais aussi moins rentables. Alors qu’auparavant, ils produisaient principalement des agrumes, qu’ils pouvaient exporter, ils font maintenant pousser des courgettes, des concombres et des courges, qui supportent une période de culture de trois à quatre mois en hiver. Beaucoup d’habitants d’al Auja ont dû trouver du travail dans les fermes de trois colonies israéliennes voisines, qui ont un accès illimité à l’eau.

Un membre du conseil local d’al Auja tenant un citron vert pas mûr. Il explique que depuis le milieu des années 1990, les citronniers donnent des fruits de plus en plus petits en raison du manque d’eau. © Amnesty International
Un membre du conseil local d’al Auja tenant un citron vert pas mûr. Il explique que depuis le milieu des années 1990, les citronniers donnent des fruits de plus en plus petits en raison du manque d’eau. © Amnesty International

L’accès à l’eau dans les colonies israéliennes

Piscine à Maale Adumim. Avec un approvisionnement en eau environ quatre fois supérieur à celui des villages palestiniens, les colonies israéliennes comme celle de Maale Adumim contrastent fortement avec leurs voisins palestiniens. © Amnesty International
Piscine à Maale Adumim. Avec un approvisionnement en eau environ quatre fois supérieur à celui des villages palestiniens, les colonies israéliennes comme celle de Maale Adumim contrastent fortement avec leurs voisins palestiniens. © Amnesty International
Végétation luxuriante à Maale Adumim, qui compte 37 670 habitants, ce qui en fait une des plus grandes colonies israéliennes dans les TPO. © Amnesty International
Végétation luxuriante à Maale Adumim, qui compte 37 670 habitants, ce qui en fait une des plus grandes colonies israéliennes dans les TPO. © Amnesty International
Vendanges dans la colonie israélienne de Psagot, juillet 2017. Le domaine viticole de Psagot a été créé en 2003. D’après son site internet, il produit environ 350 000 bouteilles de vin par an, dont 70 % sont exportées à l’étranger. Les vignes sont une culture rentable, qui demande beaucoup d’eau. © David Silverman/Getty Images
Vendanges dans la colonie israélienne de Psagot, juillet 2017. Le domaine viticole de Psagot a été créé en 2003. D’après son site internet, il produit environ 350 000 bouteilles de vin par an, dont 70 % sont exportées à l’étranger. Les vignes sont une culture rentable, qui demande beaucoup d’eau. © David Silverman/Getty Images
Palmeraie d’une colonie israélienne près du village d’al Auja, vallée du Jourdain, 21 septembre 2017. Les colonies israéliennes installées sur des terres palestiniennes produisent des biens qu’elles exportent à l’étranger, ce qui représente des centaines de millions de dollars de revenus chaque année, bien que la très grande majorité des États condamne officiellement ces colonies comme illégales au regard du droit international. © Amnesty International
Palmeraie d’une colonie israélienne près du village d’al Auja, vallée du Jourdain, 21 septembre 2017. Les colonies israéliennes installées sur des terres palestiniennes produisent des biens qu’elles exportent à l’étranger, ce qui représente des centaines de millions de dollars de revenus chaque année, bien que la très grande majorité des États condamne officiellement ces colonies comme illégales au regard du droit international. © Amnesty International
Point de ravitaillement en eau à l’extérieur du village d’al Auja, vallée du Jourdain. Pour les Palestiniens qui n’ont pas accès à l’eau courante, la situation est critique. Pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, ils n’ont pas d’autre choix que d’acheter de l’eau amenée par camion, généralement deux fois par jour. Cette eau est souvent d’une qualité douteuse et coûte plus cher que l’eau courante. © Amnesty International
Point de ravitaillement en eau à l’extérieur du village d’al Auja, vallée du Jourdain. Pour les Palestiniens qui n’ont pas accès à l’eau courante, la situation est critique. Pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, ils n’ont pas d’autre choix que d’acheter de l’eau amenée par camion, généralement deux fois par jour. Cette eau est souvent d’une qualité douteuse et coûte plus cher que l’eau courante. © Amnesty International

Qais Nasaran possède un magasin à Al Jiftlik, village situé dans le nord de la vallée du Jourdain et qui compte environ 4 700 habitants. Auparavant, il cultivait un petit lopin de terre. Lorsque son puits s’est asséché, il a dû trouver un autre moyen de gagner sa vie. Il gère maintenant une épicerie.

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Son magasin est situé dans une ancienne station de pompage pour un puits creusé en 1966 avec l’autorisation des autorités jordaniennes, qui contrôlaient la Cisjordanie à l’époque. Un an plus tard, lorsqu’Israël a commencé à occuper les territoires palestiniens, les autorités israéliennes ont empêché la famille de Qais Nasaran de l’utiliser. Ce puits contenait de l’eau jusqu’en 2014, avant de s’assécher. Qais a expliqué que chaque année, lorsque le puits était encore rempli, des soldats israéliens venaient s’assurer que personne ne l’utilisait.

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Il possède encore une citerne sur son terrain, mais il n’a pas toujours les moyens de le remplir car cela coûte environ 8 000 nouveaux shekels israéliens (soit près de 2 278 dollars américains). Il achète son eau à un propriétaire foncier de la vallée du Jourdain.

La situation est la même pour Mustafa al Farawi, qui fait pousser des palmiers dattiers à al Jiftlik. Le niveau de l’eau dans le puits qui se trouve sur son terrain baisse régulièrement depuis des années.

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Il a expliqué que dans les années 1980, le puits fournissait assez d’eau pour irriguer 400 hectares de terrain, abreuver les animaux et couvrir les besoins de sa famille. La plus grande partie de l’eau utilisée pour sa plantation doit maintenant être achetée et transportée par camion depuis une source située à sept kilomètres de là, la seule à laquelle les Palestiniens ont encore accès.

Nous n’avons pas assez d’eau et nous ne pouvons pas en contrôler la quantité. Les autorités israéliennes diminuent volontairement le niveau de l’eau disponible pour nous pousser à partir.

Mustafa Al-Farawi, Al-Jiftlik
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Ces dernières années, Mustafa a voulu creuser un nouveau puits ailleurs pour avoir plus d’eau. Un ingénieur est venu et a constaté qu’il y avait de l’eau plus près de la surface à un autre endroit du terrain. Mustafa a demandé l’autorisation de forer, mais cela lui a été refusé par les autorités israéliennes. Il a décidé de creuser le puits quand même, mais des soldats israéliens sont venus l’en empêcher. Ils lui ont dit que c’était contraire aux ordonnances militaires israéliennes, et le chantier a été interrompu.

Furush Beit Dajan compte environ 930 habitants. Auparavant, ce village du nord de la Cisjordanie produisait des agrumes. Depuis le milieu des années 1990, les cultivateurs ont dû diversifier leurs cultures en raison du manque d’eau.

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Les villageois ont affirmé qu’à une époque, ils avaient largement assez d’eau mais que depuis quelques années, le niveau dans les puits ne cesse de baisser. Ils ont ajouté que l’aquifère était surexploité par les puits israéliens destinés à approvisionner les colonies voisines d’Hamra et de Mehora. Selon Azim Mifleh, un cultivateur vivant à Furush Beit Dajan, les Israéliens ont commencé à pomper de l’eau près du village dans les années 1970, asséchant progressivement les puits préexistants. Depuis la signature des Accords d’Oslo entre Israël et l’Organisation de libération de la Palestine en 1995, Israël a extrait bien plus d’eau de l’aquifère de l’Est que prévu.

Azim Mifleh, fermier et coordonnateur de l’Association pour le développement agricole de Furush Beit Dajan, avait auparavant 800 arbres sur son terrain, principalement des citronniers et des pamplemoussiers. Il ne lui reste maintenant que deux arbres près de sa maison.

Azim Mifleh a dû s’adapter et faire pousser des plantes sous serre. La plupart de ses plantations, surtout des concombres, des tomates et des courges, ne peuvent être cultivées qu’en hiver et au printemps. © Amnesty International
Azim Mifleh a dû s’adapter et faire pousser des plantes sous serre. La plupart de ses plantations, surtout des concombres, des tomates et des courges, ne peuvent être cultivées qu’en hiver et au printemps. © Amnesty International
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Les terres sont occupées et les occupants [israéliens] devraient veiller sur les gens… Israël devrait faire ce qu’il est censé faire. Il devrait payer le prix de l’occupation des terres et agir dans l’intérêt des populations occupées.

Azim Mifleh, Furush Beit Dajan

Il y a cinq puits près du village de Furush Beit Dajan. Tous appartiennent à des Palestiniens. Les habitants du village affirment que le niveau d’eau disponible a drastiquement baissé depuis que des puits israéliens ont été creusés dans la région pour approvisionner la colonie d’Hamra, qui cultive une large parcelle de terre. La colonie fait notamment pousser des palmiers dattiers sur 400 hectares, ainsi que des plantes gourmandes en eau, comme des bananes et des agrumes. 

Des touristes palestiniens venus de Naplouse prient dans une piscine en plein air abandonnée près de la Mer morte, dans la vallée du Jourdain. Depuis 1967, les autorités israéliennes empêchent les Palestiniens d’accéder au Jourdain tout le long de ses rives, à travers la Cisjordanie. Le niveau des eaux de la Mer morte a énormément baissé depuis ces 50 dernières années, Israël, la Jordanie et la Syrie ayant dévié le fleuve en amont. La Mer morte se trouve maintenant à environ 500 mètres de la piscine, qu’elle entourait auparavant. © Amnesty International
Des touristes palestiniens venus de Naplouse prient dans une piscine en plein air abandonnée près de la Mer morte, dans la vallée du Jourdain. Depuis 1967, les autorités israéliennes empêchent les Palestiniens d’accéder au Jourdain tout le long de ses rives, à travers la Cisjordanie. Le niveau des eaux de la Mer morte a énormément baissé depuis ces 50 dernières années, Israël, la Jordanie et la Syrie ayant dévié le fleuve en amont. La Mer morte se trouve maintenant à environ 500 mètres de la piscine, qu’elle entourait auparavant. © Amnesty International

Le droit à l’eau

Le droit à l’eau est indispensable pour mener une vie digne.

Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale 15, § 1

Le droit à l’eau est reconnu comme découlant du droit à un niveau de vie suffisant. Il est donc implicitement prévu par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, et d’autres instruments. Il inclut la disponibilité, dans chaque foyer ou à proximité, d’une quantité d’eau de bonne qualité suffisante pour couvrir les besoins personnels et domestiques, à un prix abordable. Les États, dans le cadre de leurs obligations immédiates, doivent veiller en priorité à ce que chacun ait accès au moins à la quantité minimum essentielle d’eau potable pour son usage personnel et domestique afin de prévenir les maladies. Ils doivent prendre les mesures nécessaires à la réalisation du droit à l’eau, y compris des mesures concrètes pour aider les personnes et les populations à exercer ce droit.

En vertu du droit international, Israël, en tant que puissance occupante dans les territoires palestiniens, a l’obligation explicite de respecter le droit à l’eau de la population locale. Il doit non seulement s’abstenir de mener des actions qui violent ce droit ou empêchent les Palestiniens de le réaliser, mais il doit aussi protéger les Palestiniens de toute interférence de tiers dans l’exercice de leur droit à l’eau, et prendre des mesures réfléchies, concrètes et ciblées pour veiller à ce que cette population jouisse pleinement de ce droit.