Kirghizistan : craintes pour la sécurité d’un militant ouzbek arrêté dans un contexte de violence

Amnesty International a appelé les autorités kirghizes à libérer un défenseur des droits humains d’origine ouzbèke dont la vie serait menacée. En effet, cet homme a été arrêté alors qu’il recueillait des éléments prouvant les atteintes commises lors des violences qui ont éclaté cette semaine dans le sud du pays. Azimjan Askarov aurait filmé et photographié certains actes de violence, homicides et incendies volontaires visant principalement des foyers ouzbeks et d’autres bâtiments du village de Bazar Korgan. Ces faits seraient imputables à des groupes d’hommes armés. Selon des défenseurs des droits humains locaux, Azimjan Askarov est longuement et quotidiennement passé à tabac par des agents des forces de sécurité en vue de le contraindre à révéler l’endroit où se trouvent ses séquences vidéo et sa caméra. Ils pensent qu’il ne survivra peut-être pas longtemps. « Azimjan Askarov a été visé en raison de ses activités légitimes de défense des droits humains. Il s’agit d’un prisonnier d’opinion et, à ce titre, il doit être libéré immédiatement », a indiqué Maisy Weicherding, spécialiste de l’Asie centrale à Amnesty International. Cet homme a été arrêté par les forces de sécurité le mardi 15 juin à Bazar Korgan, dans la région de Djalal-Abad, et il est actuellement incarcéré dans un centre de détention provisoire. Il a été accusé d’avoir organisé des troubles de masse lors des récents épisodes de violence. Azimjan Askarov est le directeur de l’organisation de défense des droits humains Vozdukh (Air), qui fait partie d’un réseau régional basé dans le sud du Kirghizistan. Depuis plusieurs années, il recueille des informations concernant des mauvais traitements policiers infligés à des détenus à Bazar Korgan et dans d’autres parties de la région de Djalal-Abad ; c’est un défenseur des droits humains bien connu. La semaine dernière, il aurait filmé des émeutiers en train de tirer sur des personnes sans arme qui s’approchaient d’eux pour négocier. Les policiers armés qui étaient présents sur les lieux n’ont rien fait pour empêcher ces agissements. « Les autorités kirghizes doivent permettre aux défenseurs des droits humains, aux journalistes et aux autres militants de la société civile de mener leurs activités sans craindre d’être harcelés ni entravés, a ajouté Maisy Weicherding. « Elles doivent également diligenter une enquête approfondie et indépendante sur les allégations selon lesquelles Azimjan Askarov aurait été torturé en détention. » Le jour de l’arrestation d’Azimjan Askarov, un groupe d’hommes masqués qui ont affirmé être des représentants du ministère de l’Intérieur se sont rendus à son domicile et ont demandé à son épouse d’ouvrir la porte et de leur remettre l’équipement vidéo et l’appareil photo de son mari. Elle a refusé, et ces hommes auraient alors commencé à tirer en l’air avant d’enfoncer la porte. La femme d’Azimjan Askarov a réussi à s’enfuir et à se cacher chez des voisins pendant que les hommes masqués mettaient sa maison à sac. Le 17 juin à midi, un autre groupe d’inconnus armés aurait effectué une seconde fouille au domicile d’Azimjan Askarov et saisi plusieurs disques et cassettes. Le frère de ce militant, qui a été arrêté en même temps que lui et partageait sa cellule, a été libéré le jeudi 17 juin. Azimjan Askarov a été défendu par un avocat commis d’office, mais l’avocat indépendant qui avait été engagé pour le représenter par une autre organisation locale de défense des droits humains n’a pas été autorisé à entrer en contact avec lui. Par ailleurs, Azimjan Askarov a été privé de soins médicaux, ses proches n’ont pas été autorisés à lui rendre visite et les autorités ont refusé les colis que ceux-ci avaient préparés. Les violences meurtrières qui ont dévasté une grande partie du sud du Kirghizistan auraient commencé par des affrontements entre bandes rivales de jeunes, principalement kirghizes et ouzbeks, le 10 juin 2010. Ces affrontements ont rapidement dégénéré en attaque de grande ampleur contre les quartiers majoritairement ouzbeks d’Och, avec des incendies, des pillages et des agressions violentes, dont des homicides. Les violences se sont ensuite propagées à la ville de Djalal-Abad, ainsi qu’aux villes et villages environnants. Le sud du Kirghizistan accueille une importante communauté ouzbèke et était le fief de l’ancien président Kourmanbek Bakiev, qui a été renversé en avril après une violente confrontation entre les sympathisants du gouvernement et ceux de l’opposition. L’origine des affrontements n’est pas claire, mais le gouvernement provisoire impute cette violence aux partisans de l’ancien président Kourmanbek Bakiev et à des groupes criminels organisés qui tenteraient de déstabiliser le pays avant le référendum constitutionnel du 27 juin prochain. Le 15 juin, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a déclaré que les violences qui sont apparues étaient « orchestrées, ciblées et bien planifiées » et qu’elles ont été déclenchées par cinq attaques simultanées lancées par des hommes armés et masqués dans la ville d’Och. Le 17 juin, les Nations unies ont estimé que le nombre de personnes déplacées, dont la majorité sont des Ouzbeks, avait atteint les 400 000. Selon des chiffres qui n’ont pas été confirmés, plus de 2 500 personnes auraient été tuées depuis le 10 juin.