Il faut que la Gambie libère un journaliste malade qui est détenu arbitrairement depuis juillet 2015 et qu’elle abandonne toutes les charges pesant sur lui, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) mercredi 9 mars.
Alagie Abdoulie Ceesay, directeur général de la station de radio indépendante Teranga FM, a été inculpé de sédition et de publication de fausses informations. Il a été hospitalisé deux fois depuis le début de l’année 2016. Le 3 mars, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a appelé la Gambie à libérer cet homme et à abandonner toutes les charges pesant sur lui.
« Le recours à des lois archaïques sur la sédition pour harceler et incarcérer les détracteurs du régime constitue une violation grave du droit à la liberté d’expression, a déclaré Stephen Cockburn, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale.
Le recours à des lois archaïques sur la sédition pour harceler et incarcérer les détracteurs du régime constitue une violation grave du droit à la liberté d’expression.
Stephen Cockburn, directeur régional adjoint d’Amnesty International pour l’Afrique occidentale et centrale
« Le cas d’Alagie Ceesay est une nouvelle illustration du mépris manifeste des autorités gambiennes à l’égard de la liberté de la presse, et cet homme doit être libéré immédiatement et sans condition. »
Alagie Ceesay a été arrêté le 2 juillet 2015 par l’Agence nationale de renseignement (NIA) après qu’il a envoyé par téléphone, en privé, une image sur laquelle on voyait un pistolet pointé vers une photo du président Yahya Jammeh. L’image circulait déjà sur Internet et Alagie Ceesay n’en était pas l’auteur. La station Teranga FM a été fermée à plusieurs reprises au cours des dernières années.
Alagie Ceesay a connu deux périodes de détention au secret, pendant lesquelles il se trouvait aux mains des forces de sécurité gambiennes. Il a été détenu dans un lieu inconnu du 2 au 13 juillet, avant d’être libéré.
Il a été de nouveau arrêté le 17 juillet et incarcéré au siège de la NIA, qui n’est pas un lieu de détention officiel ; là, il était privé d’avocat et n’avait aucun contact avec sa famille. Il a été traduit devant la Haute Cour le 25 août et inculpé de six chefs de sédition en vertu de la section 52 du Code pénal gambien, et de publication de fausses informations en vue de susciter la peur et la panique au sein de la population. Il se trouve actuellement à la prison de Mile 2, dans la banlieue de Banjul, la capitale. En février 2016, on lui a refusé pour la quatrième fois une libération sous caution.
Dans une opinion adoptée à sa dernière session (décembre 2015) et publiée le 3 mars 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé qu’Alagie Ceesay avait été privé de liberté de manière arbitraire. Il a indiqué qu’il fallait le libérer immédiatement et lui accorder un droit exécutoire à une indemnisation. Il a aussi précisé que les autorités devaient prendre les mesures nécessaires pour que les libertés d’opinion et d’expression soient mieux protégées et a demandé l’ouverture d’une enquête sur les actes de torture qu’Alagie Ceesay aurait subis.
L’état de santé d’Alagie Ceesay se détériore depuis le début de l’année 2016. Le 13 janvier, il a été hospitalisé parce qu’il se plaignait de douleurs à l’estomac et de troubles du sommeil depuis plus d’un mois. Un médecin a diagnostiqué une hépatomégalie et a prescrit des antalgiques. Le 29 février, Alagie Ceesay a été admis de nouveau dans le même hôpital pour une crise d’asthme et a regagné la prison le 1er mars.
« Alagie Ceesay n’aurait jamais dû être incarcéré, a déclaré Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique de l’Ouest. La détérioration de son état de santé ne fait que montrer combien il est urgent de le libérer. »
Alagie Ceesay n’aurait jamais dû être incarcéré.
Corinne Dufka, directrice de Human Rights Watch pour l’Afrique de l’Ouest.
Il faut que la Gambie modifie plusieurs textes draconiens qui confèrent aux autorités de larges pouvoirs pour ce qui est d’arrêter et de détenir des détracteurs du régime, et qui violent les normes internationales et régionales sur le droit à la liberté d’expression, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch et le CPJ. Il s’agit notamment de la Loi relative aux publications séditieuses, de la Loi relative à l’information (modifiée en 2013) et aux communications et du Code pénal (modifié en 2013).
En avril 2015, la Gambie a rejeté 78 des 171 recommandations formulées à l’occasion de l’Examen périodique universel portant sur la situation des droits humains dans le pays. Parmi ces recommandations rejetées figurait notamment celle ayant trait à la levée des restrictions à la liberté d’expression.
Par ailleurs, la Gambie n’a pas appliqué les décisions de la Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans les affaires concernant trois journalistes : la disparition forcée d’Ebrima Manneh en 2010, les actes de torture infligés à Musa Saidykhan en 2010 et l’homicide illégal de Deyda Hydara, président du Syndicat de la presse de Gambie, en 2014.
La liberté des médias et, plus généralement, la liberté d’expression ont été systématiquement mises à mal par une législation répressive, des manœuvres d’intimidation et l’incarcération de journalistes indépendants.
Robert Mahoney, directeur exécutif adjoint du CPJ
« Les lois fourre-tout sur la sédition et la publication de fausses informations ne sont rien d’autre qu’un outil de censure et doivent donc être abrogées, a déclaré Robert Mahoney, directeur exécutif adjoint du CPJ. La liberté des médias et, plus généralement, la liberté d’expression ont été systématiquement mises à mal par une législation répressive, des manœuvres d’intimidation et l’incarcération de journalistes indépendants. Alagie Abdoulie Ceesay est victime de cette répression et doit être libéré immédiatement. »