Thaïlande. Le décès tragique d’une militante placée en détention doit servir de signal d’alarme

En réaction à la mort de Netiporn « Bung » Sanesangkhom, militante pro-démocratie thaïlandaise décédée le 14 mai 2024 au terme d’une grève de la faim prolongée en détention, Piyanut Kotsan, directrice d’Amnesty International Thaïlande, a déclaré :

« Amnesty International exprime ses plus sincères condoléances à la suite de la mort de Netiporn ” Bung ” Sanesangkhom, qui avait entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention arbitraire et celle d’autres personnes, notamment pour avoir exercé pacifiquement leurs droits fondamentaux.

« Son décès rappelle de manière choquante que les autorités thaïlandaises privent les militants pro-démocratie de leur liberté dans le but manifeste de faire taire toute expression pacifique de dissidence. Nombre d’entre eux sont actuellement en détention et se voient refuser le droit à une libération provisoire sous caution.

« Ce tragique événement doit servir de signal d’alarme et inciter les autorités thaïlandaises à abandonner les poursuites contre tous les défenseur·e·s des droits humains et tous les citoyen·ne·s injustement détenus, et à les libérer. Le gouvernement thaïlandais doit se conformer aux recommandations formulées de longue date par les experts des droits humains de l’ONU, à savoir protéger les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, abandonner les poursuites incompatibles avec le droit international relatif aux droits humains et mettre fin aux détentions arbitraires.

« Netiporn et d’autres militant·e·s et défenseur·e·s des droits humains détenus en Thaïlande ont décidé de risquer leur vie en observant une grève de la faim pour attirer l’attention sur le fait qu’ils sont privés à répétition de leurs droits fondamentaux, ce qui a des conséquences tragiques.

« Le gouvernement thaïlandais doit mener d’urgence une enquête indépendante sur les circonstances de la mort de Netiporn et sur la manière dont elle aurait pu être évitée. En vertu du droit international, les autorités doivent toujours garantir les droits à la vie et à la santé des grévistes de la faim, comme de tout autre prisonnier.

« La communauté internationale doit engager le gouvernement thaïlandais à mettre un terme à la répression systématique qu’il exerce, notamment en refusant le droit à la libération provisoire sous caution. »

Complément d’information

Netiporn « Bung » Sanesangkhom, 28 ans, tutrice d’anglais en ligne et militante, est décédée le 14 mai d’un arrêt cardiaque à l’hôpital de l’Institution correctionnelle centrale pour femmes. Depuis le 26 janvier, elle a observé une grève de la faim pendant 110 jours pour protester contre sa détention arbitraire et celle d’autres personnes. Elle demandait également que d’autres militant·e·s bénéficient d’une libération sous caution à titre provisoire.

La police avait engagé des poursuites pénales contre Netiporn en mars 2022 parce qu’elle avait réalisé un sondage auprès de passants dans un centre commercial de Bangkok au sujet de leur opinion sur les contrôles routiers imposés lors des déplacements des cortèges de la famille royale. Elle était accusée du crime de lèse-majesté et de sédition en vertu des articles 112 et 116 du Code pénal.

Elle avait déjà été détenue entre le 3 mai et le 4 août 2022, et avait alors observé une grève de la faim pendant 64 jours en guise de protestation. Elle a été renvoyée en détention après l’annulation de sa libération provisoire sous caution le 26 janvier 2024, puis condamnée à un mois de détention pour outrage à magistrat.

Aux termes des normes internationales relatives aux droits humains et notamment au droit à la vie, les États ont une obligation accrue de protéger la vie des personnes qu’ils détiennent. Les décès en détention créent une présomption de responsabilité de l’État pour la privation arbitraire de la vie, qui ne peut être démentie que par une enquête appropriée, par le biais d’investigations rapides, impartiales et efficaces sur les circonstances et les causes de ces décès.

Les autorités thaïlandaises mènent une répression de grande ampleur contre les manifestations pacifiques et le débat en ligne depuis le mois de juillet 2020, au cours duquel ont débuté des manifestations, très majoritairement pacifiques, en faveur de la démocratie.

Le pouvoir utilise des dispositions législatives formulées de façon vague – sur la sécurité, la monarchie et la cybercriminalité – comme instruments de répression et traite l’exercice pacifique des droits humains comme une menace pour la sécurité ou l’ordre public, ou une atteinte à la monarchie.

En outre, des manifestant·e·s bien connus sont placés en détention provisoire arbitraire pendant des mois : ils se voient refuser leur droit à une libération provisoire sous caution ou sont soumis à des conditions de libération sous caution restrictives qui limitent fortement leurs droits fondamentaux à la liberté de mouvement, d’expression et de réunion pacifique. Le pouvoir continue d’intensifier le harcèlement judiciaire à l’égard des personnes qui mènent des activités perçues comme des actes de dissidence publique.

Des expert·e·s des droits humains des Nations unies, notamment le Comité des droits de l’homme des Nations unies, les rapporteurs spéciaux sur la liberté d’expression et d’opinion, les droits à la liberté de réunion pacifique et d’association et le Groupe de travail sur la détention arbitraire, ainsi que les gouvernements lors des examens périodiques universels (EPU), appellent depuis longtemps le gouvernement thaïlandais à mettre un terme aux détentions arbitraires et à imposer des restrictions excessives à l’exercice légitime des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique.