Angola. La police doit faire preuve de retenue lors des manifestations nationales

La police doit protéger les droits humains et faire preuve de retenue lors des prochaines manifestations nationales contre le prix élevé des carburants et les lois restrictives visant à limiter le travail des organisations non gouvernementales (ONG) en Angola, a déclaré Amnesty International vendredi 9 juin, en amont des manifestations prévues du 10 au 17 juin.

Les autorités ont confirmé que cinq personnes ont été tuées et huit autres blessées lors d’une manifestation de chauffeurs de taxi contre le prix élevé du carburant le 5 juin dans la province de Huambo. Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles 34 autres personnes ont été arrêtées pour avoir exercé leur droit de manifester.

« La dispersion des manifestants doit toujours être une mesure exceptionnelle et ne constituer qu’un dernier recours lorsque les moyens non violents ont été épuisés. Il convient par ailleurs d’éviter l’emploi de la force dans le but de disperser des manifestations non violentes. S’il devient absolument nécessaire de recourir à la force, celle-ci doit toujours être limitée au minimum nécessaire et des avertissements préalables clairs et audibles doivent être adressés. Il faut aussi mettre en place des moyens efficaces d’établir les responsabilités pour le moindre recours à la force », a déclaré Tigere Chagutah, directeur pour l‘Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.

La dispersion des manifestants doit toujours être une mesure exceptionnelle et ne constituer qu’un dernier recours lorsque les moyens non violents ont été épuisés

Tigere Chagutah, directeur pour l‘Afrique de l'Est et l’Afrique australe à Amnesty International

Les chauffeurs de taxi ont commencé à protester contre le prix du carburant le 5 juin, après la décision du gouvernement d’augmenter celui-ci le 30 mai. Le prix de l’essence a alors presque doublé, passant de 160 à 300 kwanzas par litre (de 0,26 à 0,49 dollars des États-Unis).

La police a utilisé du gaz lacrymogène et des balles réelles pour disperser la foule lors de la manifestation du 5 juin à Huambo. Les autorités ont confirmé que cinq personnes ont été tuées, mais ce chiffre n’a pas pu être confirmé de manière indépendante. Amnesty International a établi que la plus jeune victime était un enfant de 12 ans. La police nationale angolaise a reconnu sa responsabilité dans ces homicides, en déclarant : « C’était inévitable et nous regrettons la mort de cinq citoyens et les blessures infligées à d’autres personnes. »

Les événements du 5 juin doivent donner lieu à une enquête efficace et impartiale dans les meilleurs délais, afin que les auteurs présumés soient traduits en justice

Tigere Chagutah

« Nous demandons à la police angolaise de cesser de recourir à une force excessive lors des manifestations. Les événements du 5 juin doivent donner lieu à une enquête efficace et impartiale dans les meilleurs délais, afin que les auteurs présumés soient traduits en justice pour l’homicide de ces cinq manifestant·e·s et les blessures infligées à huit autres personnes », a déclaré Tigere Chagutah.

Complément d’information

Les forces angolaises de sécurité emploient régulièrement une force excessive pour disperser les manifestations pacifiques et réprimer la dissidence.

Le 25 mai, l’Assemblée nationale angolaise a approuvé le projet de loi relatif au statut des organisations non gouvernementales (ONG), faisant ainsi fi des critiques sévères émanant des ONG, qui estiment que la loi proposée limite le droit d’association et accorde à l’exécutif des pouvoirs excessifs permettant son ingérence dans les activités des ONG. En 2017, un décret visant lui aussi à renforcer le contrôle sur les ONG a été déclaré inconstitutionnel par la Cour constitutionnelle angolaise.

Quatre militants ont été arrêtés le 2 juin et maintenus en détention pendant trois jours pour avoir protesté de manière pourtant pacifique contre le projet de loi relatif aux ONG devant le gouvernement de la province et l’Assemblée nationale. Ils ont été libérés le 5 juin, mais ont été condamnés à une amende de 50 000 kwanzas (80 dollars des États-Unis) chacun.

Le droit de manifester est de plus en plus menacé dans toutes les régions du globe. Amnesty International mène une campagne mondiale pour lutter contre les efforts croissants et intensifiés des États afin d’éroder ce droit fondamental.