Dans le cadre du conflit qui continue de faire rage au Yémen, les détentions illégales, allant des condamnations à mort fondées sur des motifs politiques, aux disparitions forcées et aux actes de torture infligés aux détenus dans les « sites noirs », demeurent monnaie courante alors que cela fera cinq ans le 25 mars que la guerre a éclaté, a déclaré Amnesty International.
Depuis le début du conflit en mars 2015, de très nombreuses personnes, dont des journalistes, des universitaires et des adeptes de la foi baha’i, ont été victimes de disparitions forcées et de détentions, principalement en raison de leurs activités en faveur des droits humains, de leur affiliation politique ou de leurs croyances liées à leurs convictions.
« Les cinq années de ce conflit qui s’enlise ont constitué un terreau fertile pour les graves violations des droits humains contre les prisonniers des deux camps, s’apparentant parfois à des crimes de guerre, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Les forces houthies ont arrêté des dizaines de personnes pour des accusations forgées de toutes pièces, notamment les adeptes de la foi baha’i, et beaucoup ont été condamnées à mort. Il est scandaleux qu’un aussi grand nombre de membres de la communauté baha’i risquent encore d’être exécutés pour leurs convictions et leurs activités pacifiques.
« Les autorités doivent libérer immédiatement et sans condition tous les prisonniers d’opinion au Yémen, dévoiler la vérité et rendre justice dans les nombreux cas de disparitions forcées et de torture liés à des détentions illégales. »
Les cinq années de ce conflit qui s’enlise ont constitué un terreau fertile pour les graves violations des droits humains contre les prisonniers des deux camps, s’apparentant parfois à des crimes de guerre.
Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International
Au cours de 2019, les Houthis et leurs alliés ont intensifié leur recours au tribunal antiterroriste afin de régler leurs comptes sur le plan politique, prononçant bien souvent des condamnations à mort pour des accusations fallacieuses d’espionnage et d’« assistance à un pays ennemi », à l’issue de procès des plus iniques. Dans le même temps, les forces des Émirats arabes unis et leurs alliés dans le sud du Yémen ont mis en place un réseau de sites de détention secrets où ils ont fait « disparaître » et ont torturé des dizaines de personnes, dans le cadre d’actes s’apparentant à des crimes de guerre.
À l’occasion des cinq ans du conflit, Amnesty International lance une campagne d’une année consacrée aux détentions arbitraires, plus particulièrement aux cas qui relèvent de violations de la liberté d’expression, d’association et de religion.
Le mois dernier, des représentants des parties au conflit se sont mis d’accord sur le plus grand échange de prisonniers facilité par l’ONU.
Les Houthis ciblent entre autres les minorités religieuses
Dans une nouvelle déclaration publique, Amnesty International a recensé les cas de 66 personnes faisant toutes actuellement l’objet de poursuites judiciaires, sauf une. Toutes ont comparu devant le Tribunal pénal spécial siégeant à Sanaa, un tribunal traditionnellement réservé aux affaires de terrorisme, au cours des cinq dernières années. Des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains, des opposant·e·s politiques et des membres des minorités religieuses comptent parmi les personnes jugées dans le cadre de procès iniques pour des accusations fallacieuses ou forgées de toutes pièces par ce tribunal. Toutes ces personnes sont jugées pour espionnage, une infraction obligatoirement punie de la peine capitale au titre du droit yéménite.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances et sans aucune exception, indépendamment de la nature et des circonstances de l’infraction commise, de la situation du condamné, de sa culpabilité ou de son innocence, ou encore de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.
Des souffrances infligées aux civils
Depuis 2015, toutes les parties au conflit au Yémen ont commis des violations répétées et graves du droit international humanitaire.
Les forces houthies, qui contrôlent de vastes portions du territoire, ont bombardé de manière aveugle des zones d’habitation et tiré sans discernement des missiles en Arabie saoudite. La coalition emmenée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, qui soutient le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale, bombarde des infrastructures civiles et mène des attaques aveugles, faisant des centaines de morts et de blessés parmi la population civile. En outre, toutes les parties au conflit bafouent la liberté d’expression, en recourant à des détentions arbitraires, des disparitions forcées, des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention.
Les civils sont pris au piège au milieu du conflit et paient le prix fort des violences. À ce jour, plus de 233 000 personnes ont été tuées et blessées. La crise humanitaire qui ne cesse d’empirer a conduit environ 14 millions de personnes au bord de la famine. La situation est aggravée par des années de mauvaise gestion des affaires publiques, favorisant la pauvreté et causant d’immenses souffrances.
Inévitablement, étant donné que le conflit se prolonge et que tous les belligérants recourent à des méthodes illégales, les mécanismes d’adaptation de la population civile ont atteint le point de rupture. On estime que 22 millions de Yéménites ont actuellement besoin de l’aide humanitaire pour survivre.