Éthiopie. Il faut enquêter sur la conduite de la police après la mort de cinq personnes manifestant contre les violences ethniques

Les autorités éthiopiennes doivent mener une enquête approfondie et efficace sur la dispersion violente des manifestants par la police à Addis-Abeba le 17 septembre 2018, cinq personnes ayant été abattues au cours de cette manifestation, a déclaré Amnesty International. Ces décès font suite à un week-end d’affrontements ethniques qui ont coûté la vie à plus de 58 personnes.

Les manifestants étaient descendus dans les rues de la capitale éthiopienne pour protester contre l’inaction du gouvernement face à des affrontements à caractère ethnique, qui ont également blessé et déplacé des dizaines de personnes. Ces événements s’inscrivent dans une série de troubles ethniques qui ont fait des centaines de morts et contraint 1,5 million de personnes à fuir leur foyer en 2017.

Rien ne saurait justifier l'utilisation de la force meurtrière contre des personnes qui manifestent pacifiquement. Les autorités doivent faire tout leur possible pour identifier et déférer à la justice les responsables présumés de ces morts injustifiées.

Joan Nyanyuki, directrice du programme Afrique australe, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International

« Rien ne saurait justifier l’utilisation de la force meurtrière contre des personnes qui manifestent pacifiquement. Les autorités doivent faire tout leur possible pour identifier et déférer à la justice les responsables présumés de ces morts injustifiées. La première étape consiste à ordonner la tenue d’une enquête sur la conduite des forces de police », a déclaré Joan Nyanyuki, directrice du programme Afrique australe, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International.

Les violences ethniques ont fait suite au retour des dirigeants exilés du Front de libération oromo (FLO), interdit pendant une période, qui a lutté pour l’autodétermination des Oromos, le plus grand groupe ethnique d’Éthiopie. Leur retour a été célébré par des partisans rassemblés en masse, dont certains ont agressé violemment des groupes non-Oromos, en particulier les Guraghe et Gamo, qui vivent dans le district de Burayu, dans la zone spéciale entourant Addis-Abeba, dans l’Oromia. Des membres des communautés non-Oromos ont été tués ou déplacés de force.

Nul ne devrait mourir en raison de son origine ethnique, ni pour avoir pris position contre des violences choquantes et des homicides que les autorités n'ont rien fait pour empêcher.

Joan Nyanyuki, Amnesty International

Amnesty International a noté que les réseaux sociaux étaient submergés par les discours de haine visant les groupes non-Oromos au cours des trois jours précédant le rassemblement. Cependant, les forces de sécurité n’ont rien fait pour stopper l’incitation à la violence, ni protéger les communautés ciblées malgré leurs appels à l’aide répétés.

« Les autorités doivent expliquer pourquoi elles n’ont pas répondu aux appels de détresse des citoyens et ont ensuite abattu des manifestants pacifiques, a déclaré Joan Nyanyuki.

« Nul ne devrait mourir en raison de son origine ethnique, ni pour avoir pris position contre des violences choquantes et des homicides que les autorités n’ont rien fait pour empêcher. »

Amnesty International demande aux autorités éthiopiennes de juguler les violences ethniques qui se déchaînent dans les régions Oromia, Somali, Benshangui et la région des Nations, nationalités et peuples du Sud.

Complément d’information

Le gouvernement du Premier ministre Abiy Ahmed a retiré trois partis de l’opposition de la liste des organisations terroristes en avril et invité les leaders exilés à revenir, tout en promettant d’étendre l’espace civique.

Au cours des 12 derniers mois, les attaques à caractère ethnique se sont multipliées à travers le pays. D’après le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), au moins 1,5 million de personnes ont été déplacées en raison des conflits ethniques le long de la frontière entre l’Oromia et la région Somali, et entre les régions Gedeo et Guji.

Selon les déclarations du commissaire de la police fédérale Zeynu Jemmal du 17 septembre, 400 personnes ont été appréhendées en lien avec les affrontements ethniques du week-end.