La communauté internationale ne peut pas abandonner les Afghans qui ont fui le conflit et les violences, à un moment où le nombre de victimes civiles atteint des records, a déclaré Amnesty International le 16 juillet 2018. Elle demande aux gouvernements de mettre un terme aux renvois forcés vers l’Afghanistan.
D’après les chiffres que vient de publier l’ONU, 1 692 personnes ont été tuées au cours des six premiers mois de l’année 2018 – plus qu’à toute autre période comparable depuis que des statistiques ont commencé à être compilées il y a 10 ans. Au cours de la même période, on recense 3 430 blessés.
« Au regard du nombre de personnes qui continuent d’être tuées ou blessées en Afghanistan, il est impossible d’affirmer que le pays est suffisamment sûr pour procéder à des renvois. Détournant froidement les yeux du bain de sang, les États qui avaient assuré le peuple afghan de leur soutien mettent aujourd’hui leurs vies en péril, en violation flagrante du droit international », a déclaré Omar Waraich, directeur adjoint pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
En Afghanistan, depuis 2014, plus de 10 000 personnes ont été tuées ou blessées chaque année. On craint que l’année 2018 ne se solde par le même bilan.
En parallèle, les renvois forcés ont augmenté ces dernières années, des dizaines de milliers d’Afghans étant renvoyés depuis l’Union européenne, la Turquie et d’autres pays.
Le cas de Taibeh Abbasi
Malgré la situation effarante sur le terrain en Afghanistan, les autorités norvégiennes semblent déterminées à procéder à l’expulsion de Taibeh Abbasi et de sa famille.
Taibeh Abbasi est une jeune Afghane de 19 ans, qui vient d’obtenir son diplôme de fin d’études secondaires en Norvège. Quelques jours après avoir célébré cette réussite, elle a appris que son recours pour rester dans le pays avait été rejeté. Taibeh Abbasi n’est jamais allée en Afghanistan et craint pour sa sécurité comme pour celle de ses proches. Elle rêve de poursuivre ses études et de devenir médecin.
La famille de Taibeh a fui l’Afghanistan ravagé par la guerre pour chercher refuge en Iran. Victimes de discriminations, ils ont fini par se réfugier en Norvège.
« Comment le gouvernement norvégien pourrait-il prétendre que l’Afghanistan est un pays sûr ? Il déconseille fortement à ses citoyens de voyager dans l’une ou l’autre des régions du pays et la zone autour de son ambassade à Kaboul a été frappée par des attentats perpétrés par des groupes armés. Tient-il à ce point à se montrer ferme sur les questions d’immigration qu’il soit prêt à briser les rêves d’une adolescente et à la mettre en danger, ainsi que sa famille ? », a déclaré Omar Waraich.
Tout comme Taibeh et sa famille, bien d’autres en Norvège risquent d’être expulsés vers l’Afghanistan.
Suicide d’un jeune homme de 23 ans renvoyé vers l’Afghanistan
Un autre cas poignant est celui d’un jeune Afghan de 23 ans qui s’est suicidé après avoir été renvoyé depuis l’Allemagne en juillet.
Ce jeune homme, qui n’a pas été identifié, comptait parmi un groupe de 69 Afghans renvoyés de force par le gouvernement allemand le 4 juillet. Six jours plus tard, on a retrouvé son corps dans un hôtel que lui avait réservé l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).
Le ministre allemand de l’Intérieur, Horst Seehofer, avait annoncé avec entrain le renvoi forcé de ces 69 personnes, faisant remarquer que cela tombait le jour de son 69e anniversaire.
« Les commentaires du ministre allemand de l’Intérieur illustrent bien l’attitude insensible qui teinte l’indifférence européenne vis-à-vis des souffrances des Afghans. Pendant des années, l’Allemagne s’est déclarée engagée en faveur des droits humains du peuple afghan. Aujourd’hui, elle est prête à marquer des points sur le plan politique en jouant avec la vie des gens », a déclaré Omar Waraich.
Des milliers de renvois depuis la Turquie
Ces derniers mois, les autorités turques ont expulsé sans vergogne des milliers d’Afghans qui avaient entrepris un long et périlleux voyage pour se réfugier dans le pays. Beaucoup de demandeurs d’asile ont subi les coups, les atteintes aux droits humains et l’exploitation durant ce périple.
Depuis janvier, la Turquie a renvoyé de force des milliers d’Afghans. Ce pays, qui accueille la plus grande population de réfugiés au monde, a commencé à construire un mur le long de sa frontière avec l’Iran pour empêcher de nouvelles arrivées.
En mars 2016, le gouvernement turc a signé un accord avec l’Union européenne afin d’empêcher les personnes en quête de sécurité de tenter de se rendre en Europe.
« La Turquie s’est montrée un hôte généreux pour les réfugiés fuyant la guerre. Il est désolant de voir qu’elle en est réduite à se charger des basses besognes de l’Union européenne, en jouant le rôle de garde-frontière qui loue ses services, refoulant implacablement ceux qui ont entrepris des périples désespérés. Ces renvois ne feront que ternir une image qu’elle avait mis tant d’énergie à façonner », a déclaré Omar Waraich.