Russie. Un cinéaste et un militant ukrainiens jugés pour terrorisme

Les éléments de preuve produits lors du procès en Russie du cinéaste ukrainien Oleg Sentsov et du militant écologiste ukrainien Alexandre Koltchenko auraient été extorqués sous la contrainte, a déclaré Amnesty International jeudi 6 août.

Les deux militants pro-ukrainiens, originaires de Crimée, ont été arrêtés peu de temps après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Deux des principaux témoins à charge, l’un comme l’autre condamnés à des peines d’emprisonnement cette année, ont refusé de témoigner lors du procès. L’un d’eux, Guennady Afanassiyev, a retiré sa déposition, déclarant qu’il avait subi des pressions pour l’amener à signer une fausse déclaration. Sa sécurité suscite des inquiétudes, tout comme celle de l’autre témoin s’étant rétracté, Alexeï Tchirny, après que l’on a appris que les deux hommes ont reçu, mercredi 5 août au soir, la visite de membres des services de sécurité russes sur les lieux de leur détention. 

Nous craignons que ce procès ne soit entaché de graves irrégularités et qu’Oleg Sentsov et Alexandre Koltchenko n’aient été pris pour cible en raison de leur opposition à l’occupation de la Crimée par la Russie.

Heather McGill, chercheuse à Amnesty International

« L’absurdité de certains des éléments à charge et le fait que ceux-ci reposent sur des témoignages de personnes ayant déclaré avoir été torturées semblent indiquer que les charges ont été forgées de toutes pièces. Au vu des audiences, il semblerait que le dossier soit en train de s’écrouler en raison du manque d’éléments fiables. »

Oleg Sentsov est accusé d’avoir monté un groupe « terroriste » et d’avoir déclenché des incendies volontaires mineurs qui ont été qualifiés d’« actes de terrorisme » dans la capitale de la Crimée Simferopol en avril 2014, peu après l’occupation de la péninsule par la Russie. Il encourt une peine de réclusion à perpétuité. Son coaccusé Alexandre Koltchenko est quant à lui accusé d’être membre du groupe qu’Oleg Sentsov aurait créé et d’avoir participé à une attaque « terroriste ». Il risque une peine maximale de 20 ans d’emprisonnement.

Les deux hommes ont été transférés de leur centre de détention provisoire à Moscou vers la ville de Rostov-sur-le-Don, dans le sud de la Russie, pour être jugés devant un tribunal militaire. Amnesty International est opposée à ce que des civils soient jugés par des tribunaux militaires. Oleg Sentsov a déclaré qu’il avait été torturé lorsqu’il a été arrêté en mai 2014 par le Service fédéral de sécurité russe (FSB). C’est également le cas d’un des témoins à charge contre les deux hommes. Oleg Sentsov et Alexandre Koltchenko n’ont pas été autorisés à s’entretenir avec leurs avocats russes pendant plus de quatre jours après leur transfert de la Crimée vers Moscou.

Amnesty International demande aux autorités russes d’abandonner immédiatement les charges liées au terrorisme retenues contre Oleg Sentsov et Alexandre Koltchenko. Les deux hommes devraient être jugés sur la base de chefs d’inculpation appropriés ou alors être libérés. Les autorités doivent diligenter une enquête minutieuse et indépendante sur les allégations de torture et d’autres violations des droits humains, et elles doivent veiller à la sécurité des accusés et des témoins.