Asie du Sud-Est. Sommet sur la crise des «boat people»: une occasion à ne pas laisser passer

Les gouvernements de la région doivent prendre des mesures immédiates afin de sauver des vies et de remédier aux causes profondes de la crise des réfugiés et des migrants en Asie du Sud-Est, a déclaré Amnesty International à l’approche du grand sommet organisé en Thaïlande vendredi 29 mai 2015.

« Il faut saisir l’occasion que représente le sommet de Bangkok pour développer une véritable politique régionale qui prenne en compte toutes les dimensions de la crise, conformément au droit international relatif aux droits humains, a déclaré Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.

« Des milliers de personnes s’entassent dans des bateaux, avec peu ou pas d’eau et de nourriture, tandis que les gouvernements rechignent à leur fournir un abri ou une assistance humanitaire vitale. Il y a clairement besoin d’une action immédiate. »

Des milliers de personnes s’entassent dans des bateaux, avec peu ou pas d’eau et de nourriture, tandis que les gouvernements rechignent à leur fournir un abri ou une assistance humanitaire vitale. Il y a clairement besoin d’une action immédiate.

Richard Bennett, directeur du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International

L’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie ont pris des mesures cruciales en proposant une assistance humanitaire provisoire et en tournant le dos à la politique qui consiste à renvoyer les bateaux en mer. Cependant, il faut intensifier ces efforts afin de faire face à toutes les formes de migration, tout en respectant les droits humains. Les gouvernements ont la responsabilité de garantir des itinéraires de migration légaux et sûrs.

« Les États doivent élaborer un ensemble cohérent de politiques destinées à garantir que les réfugiés et les migrants, notamment ceux qui fuient les persécutions, soient protégés, et non criminalisés ou livrés à eux-mêmes », a déclaré Richard Bennett.

Des représentants de 17 pays se réuniront à Bangkok le 29 mai pour débattre de la crise des demandeurs d’asile et des migrants en Asie du Sud-Est. Au cours des dernières semaines, quelque 3 500 personnes ont accosté en Malaisie et en Indonésie ou sont retournées au Myanmar.

Dans une lettre ouverte publiée cette semaine, Amnesty International exhorte les gouvernements à prendre des mesures afin de faire face à la crise actuelle, mais aussi aux causes profondes de cette situation.

« Les milliers de personnes qui accostent en Malaisie et en Indonésie ont droit à la sécurité et à la dignité, et doivent bénéficier de l’assistance dont elles ont besoin en termes d’abri, de nourriture, d’eau, de vêtements, de soins et de protection. Les demandes d’asile doivent faire l’objet d’un examen équitable et en aucun cas il ne faut envoyer ou renvoyer des personnes vers des pays où leur vie est en danger, a déclaré Richard Bennett. 

« Nul ne doit être détenu uniquement en raison de la méthode employée pour se rendre dans un pays étranger. Les périodes prolongées de détention et l’incertitude ont un effet dévastateur sur la santé psychologique des demandeurs d’asile, comme nous le constatons avec la politique que mène l’Australie vis-à-vis des réfugiés. Les pays d’Asie du Sud-Est ne doivent pas répéter les mêmes erreurs. »

Amnesty International demande à tous les gouvernements de prendre immédiatement les mesures nécessaires pour s’attaquer aux causes profondes de la crise, qui amènent les gens à fuir leur pays.

À bord des bateaux, la majorité des passagers sont des Rohingyas, une minorité musulmane au Myanmar qui est victime de discrimination institutionnalisée depuis des décennies. Les épisodes de violence qui ont éclaté entre musulmans et bouddhistes en 2012 ont entraîné le déplacement de dizaines de milliers de personnes, pour la plupart des Rohingyas, dans l’État d’Arakan. Elles vivent dans des camps, dans des conditions sordides. Des dizaines de milliers d’autres auraient fui en traversant le golfe du Bengale par bateau depuis ces violences de 2012.

« Des milliers de Rohingyas au Myanmar sont désespérés au point de mettre leur vie en péril en se lançant dans des traversées dangereuses afin d’échapper à des conditions de vie insupportables chez eux. Le Myanmar a jusqu’à présent choisi de nier la situation, et jusqu’à l’existence même des Rohingyas. Cette réaction ne saurait être une base de départ, a déclaré Richard Bennett. 

« La communauté internationale doit exhorter le Myanmar à mettre fin à la discrimination systémique envers les Rohingyas, en commençant par leur accorder la nationalité et en abrogeant toutes les lois discriminatoires. »

Complément d’information / Recommandations

Amnesty International demande aux pays qui assistent au sommet du 29 mai 2015 de :

  • coordonner des opérations de recherche et de sauvetage pour localiser les embarcations en détresse et secourir les passagers ;
  • permettre aux bateaux transportant des demandeurs d’asile et des migrants d’accoster en toute sécurité dans le pays le plus proche, et non de les repousser, les menacer ni les intimider de toute autre manière ;
  • répondre sans délai aux besoins humanitaires des réfugiés et des migrants (nourriture, eau, abris et soins notamment) ;
  • veiller à ce que les demandeurs d’asile puissent avoir accès à des procédures équitables de détermination du statut de réfugié ;
  • respecter le principe de non-refoulement en s’assurant que les personnes concernées ne soient pas transférées vers un pays, y compris leur pays d’origine, où leur vie et leur droit de vivre sans être persécutés ni torturés seraient en danger ;
  • s’assurer que nul ne soit arrêté, poursuivi en justice ou sanctionné d’une autre façon uniquement en raison de la méthode employée pour se rendre dans le pays ;
  • pour les pays ne l’ayant pas encore fait, ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, son Protocole de 1967, et la Convention relative au statut des apatrides, et appliquer ces instruments en droit, en pratique et dans les politiques mises en œuvre ;
  • collaborer étroitement avec le HCR, l’organisme chargé de protéger les réfugiés et les apatrides, qui jouit d’une expertise technique en matière de détermination du statut de réfugié ;
  • enquêter sur toutes les allégations de traite des êtres humains et amener les responsables à rendre des comptes par des mesures légales, dans le respect des normes et du droit relatifs aux droits humains, et veiller à ce que les victimes aient accès à un recours effectif.

Par ailleurs, le Myanmar doit mettre fin à toutes les discriminations dont sont victimes les Rohingyas en droit, en pratique et dans les politiques mises en œuvre, et, en particulier, leur garantir le même accès aux droits à la citoyenneté que les autres citoyens. Ce pays doit aussi permettre aux agences humanitaires, aux Nations unies, aux organisations internationales de défense des droits humains et aux journalistes de se rendre librement dans l’État d’Arakan.

Vous pouvez consulter un exemplaire de la lettre ouverte en cliquant sur : https://www.amnesty.org/en/documents/asa03/1717/2015/en/