Au Pérou, des manifestants dénonçant un projet d’irrigation risquent d’être victimes d’atteintes aux droits humains

Amnesty International craint que les manifestants qui dénoncent un projet d’irrigation dans le sud du Pérou ne courent le risque de subir de graves violations de leurs droits humains, le président péruvien ayant approuvé une nouvelle loi qui autorise l’armée à intervenir en cas de troubles civils. Les habitants d’Espinar et de la ville voisine de Cuzco protestent contre le projet d’irrigation Majes Siguas II, car ils craignent qu’il ne restreigne leur approvisionnement en eau. Le 11 septembre, en prévision des manifestations, le gouvernement péruvien a autorisé dans le cadre d’une nouvelle loi le déploiement de l’armée pour venir en appui à la police d’Espinar. D’après les médias, les violents affrontements qui ont opposé les manifestants aux forces de sécurité à Espinar le 16 septembre ont fait un mort et 44 blessés. « Si l’armée intervient lors de ces manifestations, les participants seront exposés au risque réel d’être victimes d’un recours excessif à la force, et ce en toute impunité pour les responsables, a averti Guadalupe Marengo, directrice adjointe du programme Amériques d’Amnesty International. « Cette nouvelle loi est une mesure rétrograde. Par le passé, lorsque les autorités ont fait appel à l’armée pour des opérations de maintien de l’ordre au Pérou, de graves violations des droits humains ont été signalées, qui demeurent à ce jour impunies. Cette mesure doit faire l’objet d’un réexamen sérieux. » La nouvelle loi, promulguée le 1er septembre, autorise le déploiement de militaires pour maintenir l’ordre lors de troubles civils, y compris lors de manifestations. Elle précise également que, si des militaires se livrent à des actes illégaux lorsqu’ils sont déployés dans ces situations, ils seront jugés devant des tribunaux militaires, à qui d’aucuns reprochent leur manque d’impartialité et d’indépendance. Aux termes du droit international relatif aux droits humains, ceux qui piétinent les droits fondamentaux doivent comparaître devant des tribunaux civils. « Cette loi bafoue les normes internationales relatives aux droits humains et, si elle est appliquée, pourrait se traduire par un recours excessif à la force lors des manifestations de Cuzco et d’autres situations de contestation sociale légitime, a expliqué Guadalupe Marengo. « Les autorités ne sauraient l’avaliser. Elles doivent au contraire mener auprès des populations concernées une réelle consultation, dans un esprit d’ouverture, et demander une évaluation approfondie de l’impact du projet sur l’environnement et les droits humains. » Selon les médias, le projet Majes Siguas II prévoit la construction d’un barrage et d’un réseau hydrologique afin d’irriguer 38 500 hectares de terres agricoles dans la région d’Arequipa. Le barrage s’inscrit dans le cadre d’un programme du gouvernement péruvien destiné à dynamiser l’agriculture et à diversifier l’économie axée sur l’exploitation minière. Malgré deux décisions de justice qui ont suspendu la procédure d’appel d’offres pour le projet et ordonné une évaluation de l’impact sur l’environnement, le gouvernement a maintenu cet appel d’offres.