Sénégal : les autorités doivent protéger neuf hommes risquant d’être victimes d’agressions homophobes

Neuf hommes risquent de faire l’objet d’agressions homophobes après avoir été libérés de prison la semaine dernière. Ils avaient été emprisonnés sur la base de présomptions concernant leur comportement sexuel.

Depuis leur libération le 20 avril, les médias et une organisation islamique ont diffusé des déclarations homophobes décrivant les neuf hommes comme des « vicieux » ou des « pervers » propageant le sida. Des émissions de radio ont transmis des messages appelant la population à s’en prendre à quiconque est soupçonné d’« être un homosexuel », notamment en lui jetant des pierres.

« Ces déclarations s’apparentent à un appel à la haine constituant une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence », a déploré Véronique Aubert, directrice adjointe du programme Afrique d’Amnesty International.

Amnesty International a exhorté le gouvernement sénégalais à veiller à la sécurité des neuf hommes. L’organisation demande également qu’une enquête soit ouverte sur les allégations selon lesquelles ils ont été soumis à la torture et à d’autres types de mauvais traitements lorsqu’ils étaient en garde à vue au poste de police de Mbao Sicap, à Dakar, et que les auteurs présumés de ces agissements soient déférés à la justice.

Amnesty International a exprimé sa préoccupation face au fait que les « aveux » arrachés à ces personnes sous la torture, semble-t-il, aient été retenus à titre de preuve par le tribunal durant le procès, et qu’elles n’aient pas pu lire les comptes-rendus d’interrogatoires retranscrivant lesdits « aveux ».

Les neuf hommes ont été arrêtés à Dakar le 19 décembre 2008 après avoir été la cible d’accusations anonymes relatives à leur vie sexuelle. Des policiers ont également effectué une descente au domicile du secrétaire général d’AIDES Sénégal, organisation engagée dans la prévention du sida auprès des hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes.

Les neuf hommes ont été condamnés à huit années de prison après avoir été déclarés coupables de « conduite indécente, d’actes contre nature et d’association de malfaiteurs ». Ils ont été libérés après l’annulation des condamnations par la Cour d’appel de Dakar.

« Ces neuf hommes étaient des prisonniers d’opinion, uniquement condamnés en raison de leur comportement sexuel présumé, et qui n’auraient jamais dû être incarcérés du tout », a ajouté Véronique Aubert.

« La décision de la Cour d’appel de Dakar de les relâcher alors qu’ils avaient dans un premier temps été condamnés à huit ans de prison est positive. Mais il faut qu’elle soit suivie d’actions concrètes de la part des autorités afin de garantir que ces hommes soient à l’abri d’agressions homophobes. »

Ces deux dernières années, les agressions homophobes, les arrestations arbitraires et l’hostilité à l’égard des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres ont connu une hausse au Sénégal. L’homophobie de la société est exacerbée par le fait que les relations sexuelles entre adultes consentants du même sexe constituent une infraction dans ce pays. Le Code pénal dispose que « quiconque commet un acte indécent ou contre nature avec une personne de même sexe sera puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende comprise entre 100 000 et 1 500 000 francs. Si l’acte a été commis avec un mineur de 21 ans, le maximum de la peine sera toujours prononcé. »

« Cette criminalisation a pour effet une certaine tolérance vis-à-vis des violations des droits fondamentaux commises contre les personnes soupçonnées d’être lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres, et se solde par le fait que les victimes de ces agressions ne peuvent pas compter sur la justice ou si peu, a conclu Véronique Aubert. Les autorités sénégalaises doivent abroger la législation criminalisant les pratiques sexuelles consenties entre adultes du même sexe, et accorder une protection immédiate à ceux qui sont susceptibles d’être victimes de discriminations ou d’attaques en raison de leur comportement sexuel présumé ou avéré ».