Jestina Mukoko toujours en détention : les dirigeants africains restent muets

Une défenseure zimbabwéenne des droits humains, Jestina Mukoko, a été enlevée à son domicile par des agents armés de la Sûreté de l’État vers 5 heures du matin le 3 décembre 2008. Jusqu’au 23 décembre, on ignorait où elle se trouvait. Elle a actuellement passé plus d’un mois en détention.

Jestina Mukoko, directrice de l’organisation de défense des droits humains Projet de paix pour le Zimbabwe (ZPP), a été présentée mercredi devant un tribunal de Harare après avoir été torturée. Elle n’a pas encore été inculpée.

Amnesty International a réclamé sa libération immédiate et sans condition, ainsi que celle de deux autres membres de ZPP, Broderick Takawira et Pascal Gonzo. Ces trois personnes sont considérées comme des prisonniers d’opinion.

Broderick Takawira et Pascal Gonzo ont été enlevés dans les locaux de ZPP, à Mount Pleasant (banlieue de Harare), par environ six hommes qui ont pénétré de force dans le bâtiment.

Amnesty International a également demandé l’ouverture d’une enquête sur leur arrestation arbitraire, leur détention illégale et les allégations selon lesquelles ils ont tous les trois été torturés par des membres des forces de sécurité.

Après son enlèvement, Jestina Mukoko a été incarcérée et interrogée dans différents centres de détention non identifiés. Chaque fois qu’elle était transférée d’un centre à un autre, elle avait les yeux bandés. Pendant toute sa détention, elle a été maintenue à l’isolement.

Au cours des interrogatoires, on l’a obligée à poser les pieds sur une table et on lui a frappé la plante des pieds avec un objet en caoutchouc. D’autres fois, ses interrogateurs ont répandu du gravier sur le sol et l’ont forcée à rester à genoux alors que les questions se poursuivaient.

Tout au long de ces séances de torture, Jestina Mukoko a démenti haut et fort les accusations de ses interrogateurs, selon lesquelles elle était impliquée aux côtés d’autres personnes dans le recrutement de jeunes destinés à suivre un entraînement militaire pour prendre les armes contre l’État.

Au moins 27 personnes seraient toujours détenues à la suite d’une série d’enlèvements qui a commencé fin octobre 2008. Pendant de longues périodes, la plupart de ces personnes n’ont été autorisées à contacter ni un avocat ni leur famille et n’ont pas pu recevoir de soins médicaux.

L’État, qui avait initialement nié leur enlèvement, ne s’est à plusieurs reprises pas conformé aux décisions des tribunaux concernant la libération de ces détenus.

Il semblerait que ces arrestations s’inscrivent dans une stratégie plus large des forces de sécurité zimbabwéennes et d’autres instances étatiques, visant à réduire au silence les détracteurs et les opposants politiques.

« Le sommet de l’Union africaine, qui débutera 26 janvier, représente une occasion essentielle pour les dirigeants africains de s’exprimer et de se montrer solidaires avec le peuple zimbabwéen plutôt qu’avec ses dirigeants », a déclaré Simeon Mawanza, spécialiste du Zimbabwe à Amnesty International.

Les dirigeants africains n’ont manifesté aucune indignation face aux allégations relatives aux tortures qu’auraient subies les défenseurs des droits humains et ils n’ont pas réclamé d’enquête sur l’enlèvement, l’arrestation arbitraire et la détention illégale de ces derniers.

Ils se sont systématiquement gardés de protester publiquement contre la persécution des détracteurs du gouvernement, des défenseurs des droits humains et des opposants politiques.

« L’absence de condamnation par les dirigeants africains des violations flagrantes des traités relatifs aux droits humains a contribué de manière significative à la prolongation de la crise des droits humains qui sévit au Zimbabwe, a indiqué Simeon Mawanza.

« Il est décevant de constater que les dirigeants africains ont gâché de nombreuses occasions de mettre un terme à la persécution des détracteurs du gouvernement. Ils demeurent sourds aux appels à l’aide et ont choisi de rester de marbre face aux éléments attestant une souffrance humaine extrême dans ce pays. »

Jestina Mukoko et sept autres personnes sont actuellement détenues à la prison de sécurité maximale de Chikurubi, à Harare.

Nous vous invitons à exprimer votre solidarité envers eux en leur envoyant des cartes et des lettres à l’adresse suivante :

Chikurubi Maximum Security Prison

Chikurubi Prison Complex,

Private Bag 7392 Greendale,

Harare,

Zimbabwe