L’accord sur la sécurité fait peser le risque de torture sur 16 000 détenus irakiens

Des milliers d’Irakiens détenus par les forces américaines risquent d’être torturés ou même exécutés, à la suite de la ratification d’un accord en matière de sécurité entre les gouvernements américain et irakien.

Quelque 16 000 prisonniers détenus par les forces américaines en Irak vont être remis aux autorités irakiennes aux termes de l’Accord sur le statut des forces, qui prendra effet le 31 décembre 2008.

Des anciens responsables du Parti Baas et des personnes qui occupaient de hauts postes sous le régime de Saddam Hussein figurent au nombre de ceux qui sont particulièrement en danger.

Ali Hassan al Majid et deux autres personnes condamnées à mort pour des crimes commis sous le régime de Saddam Hussein risquent d’être exécutés s’ils sont remis aux autorités irakiennes.

« L’Accord sur le statut des forces n’offre aucune protection aux prisonniers qui seront remis aux autorités irakiennes, a déclaré Malcolm Smart, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Ces prisonniers risquent de tomber de Charybde en Scylla. Des informations font fréquemment état de violations manifestes des droits humains, y compris des actes de torture, dans les prisons et les centres de détention irakiens. Les États-Unis doivent veiller à ce que les personnes courant un risque réel d’actes de torture ou d’autres violations des droits humains ne soient pas remises aux autorités irakiennes. »

Alors que certains ont été arrêtés depuis plus de cinq ans, la majorité des détenus aux mains des autorités américaines n’ont pas été inculpés ni jugés ; ils n’ont pas bénéficié non plus d’un réexamen indépendant de leur maintien en détention.

Les autorités irakiennes détiennent déjà des milliers de personnes, dont un grand nombre sans inculpation ni jugement, le plus souvent dans des conditions carcérales déplorables. Beaucoup ne peuvent pas se faire aider d’un avocat. D’autres ont été condamnées à mort à l’issue de procès non conformes aux normes internationales d’équité.

« Il faut qu’il y ait des preuves d’amélioration de l’ensemble des conditions, a poursuivi Malcom Smart. Il doit y avoir un registre officiel des détentions ; les prisonniers doivent être détenus dans des prisons officielles ; il doit y avoir des mécanismes réguliers, indépendants et efficaces de visite des lieux de détention ; les prisonniers doivent pouvoir, sans délai, consulter un avocat, entrer en contact avec leur famille et bénéficier des soins médicaux dont ils ont éventuellement besoin ; leur droit à une procédure régulière, y compris le droit à contester la légalité de leur détention devant un tribunal indépendant, doit être respecté. »

L’Accord sur le statut des forces ne fait aucune allusion aux quelque 2 000 Iraniens liés à l’Organisation iranienne des moudjahidin du peuple (OIMP, groupe d’opposition iranien) qui se trouvent depuis plusieurs années dans le camp d’Ashraf, dans le nord de l’Irak, sous la protection des États-Unis.

Le gouvernement irakien aurait déclaré à cette organisation que les personnes se trouvant dans le camp d’Ashraf devraient avoir quitté l’Irak d’ici au 31 décembre 2008. Certains responsables irakiens ont laissé entendre que ces personnes seraient expulsées si elles ne respectaient pas cette injonction. Amnesty International considère que ces Iraniens courent le risque d’être victimes de graves violations des droits humains s’ils sont renvoyés de force dans leur pays.

Amnesty International a également souligné que l’accord, bien qu’il lève l’immunité de poursuites des entreprises privées recrutées par le ministère de la Défense des États-Unis, ne mentionne rien au sujet des autres sociétés militaires et de sécurité privées, par exemple celles employées par le Département d’État, qui ont été accusées précédemment d’avoir tué des civils en Irak.

La société de sécurité privée Blackwater, qui travaillait pour le Département d’État, a ainsi été accusée de violations graves des droits humains l’année dernière.

L’Accord sur le statut des forces, qui remplacera le mandat actuel des Nations unies, prévoit que les forces armées américaines se retireront entièrement des zones urbaines d’ici à juin 2009 et quitteront l’Irak d’ici à la fin de 2011. Après le 31 décembre 2008, les autorités irakiennes auront davantage leur mot à dire sur les opérations quotidiennes de l’armée américaine en Irak.

L’article 12-1 de l’accord dispose que l’Irak est compétent pour juger les membres des forces américaines et les civils qu’elles emploient pour tout acte criminel avec préméditation, lorsque les faits sont commis en dehors des zones convenues et en dehors de l’exercice de leurs fonctions. Cependant ni le type d’actes criminels ni la procédure à suivre ne sont précisés et ce sont les autorités américaines qui détermineront lorsque leurs soldats ou les civils qu’elles ont recrutés agissaient ou non dans l’exercice de leurs fonctions.