Les Irakiens fuient en Syrie pour échapper à la violence

Par Saïd Boumedouha, chercheur d’Amnesty International à Damas (Syrie)

«Nous n’avons nulle part où aller, ils nous ont pris notre maison; il ne nous reste rien en Irak.» C’est en ces termes qu’Um Omar explique pourquoi elle et ses cinq enfants ont fui Bagdad pour rejoindre le nombre toujours croissant de réfugiés irakiens (plus d’un million et demi à l’heure actuelle) qui essaient de reconstruire leur vie en Syrie.

Um Omar et ses enfants sont désormais logés dans le minuscule appartement qu’ils ont pu louer à Damas. Des histoires comme celle-ci, mes collègues et moi en avons entendu beaucoup depuis que nous sommes arrivés à Damas il y a quelques jours pour examiner la situation des réfugiés irakiens.

Chaque jour, ils seraient environ 2 000 à franchir la frontière avec la Syrie pour échapper aux attentats-suicides, aux violences religieuses et aux autres atteintes flagrantes aux droits humains qui sont devenus quotidiens à Bagdad et dans d’autres régions d’Irak. Notre équipe est ici, en Syrie, pour savoir comment les autorités locales font face à cet afflux massif de personnes dans le besoin, dont beaucoup sont traumatisées par ce qu’elles ont vu ou vécu en Irak.

Leur nombre, à lui seul, fait peser une lourde charge sur les services locaux (santé, éducation, logement) et mobilise une grande partie des ressources des agences internationales telles que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ainsi que des agences de secours locales comme la Société syrienne du Croissant-Rouge.

Certains secteurs de Damas, par exemple le quartier de Sayyeda Zeinab, sont quasiment devenus des quartiers irakiens avec l’arrivée massive de réfugiés. Mais heureusement, les violences religieuses qui se sont généralisées en Irak, surtout depuis que le sanctuaire chiite de Samarra a été gravement endommagé par un attentat à la bombe il y a seize mois, n’existent pas du tout ici à Damas.

Dans le quartier de Sayyeda Zeinab, nous avons aussi rencontré Zahra et ses quatre filles adultes avec leurs enfants. L’aînée des filles a perdu son mari à Bagdad dans un attentat à la voiture piégée. Jusqu’à présent, la famille a survécu grâce aux économies qu’elle a amenées d’Irak, mais le loyer mensuel qu’elle doit verser pèse lourd sur son budget.

Bien que les enfants irakiens aient accès sans restriction au système éducatif en Syrie, la famille explique que ses enfants ne vont pas à l’école parce qu’elle n’a pas les moyens de leur acheter un uniforme, des livres, etc. D’autres Irakiens préfèrent envoyer leurs enfants travailler illégalement pour qu’ils rapportent l’argent liquide dont la famille a désespérément besoin afin de payer la nourriture et le loyer, tandis que de nombreuses adolescentes irakiennes se sentent obligées de se tourner vers la prostitution pour aider leur famille.

Malgré l’arrivée quotidienne et massive de réfugiés irakiens, les autorités syriennes maintiennent leurs frontières ouvertes. Mais pour combien de temps encore? Amnesty International aimerait voir la communauté internationale, en particulier les États-Unis, l’Union européenne et d’autres pays riches, s’impliquer davantage en fournissant une aide substantielle aux pays qui, comme la Syrie et la Jordanie, accueillent des réfugiés irakiens dont le nombre est désormais supérieur à 750 000, et en allouant davantage de fonds à ses programmes de réinstallation.