La Turquie s’est hissée à la première place d’un classement affligeant : d’après le Comité pour la protection des journalistes, la Turquie est le pays qui emprisonne le plus de journalistes au monde.
En 2016, un tiers des journalistes et professionnels des médias emprisonnés dans le monde étaient détenus dans des prisons turques ; la vaste majorité d’entre eux dans l’attente d’un procès.
La liberté d’expression subit des attaques constantes et toujours plus nombreuses en Turquie. Depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, les universitaires, les journalistes et les auteurs qui critiquent le gouvernement risquent de faire l’objet d’enquêtes pénales, de poursuites, de manœuvres d’intimidation et de harcèlement et de censure.
Cette stratégie, qui s’ajoute à la fermeture d’au moins 180 organes de presse par décret exécutif pris sous l’état d’urgence, envoie un message clair et inquiétant et a de graves conséquences pour la liberté de la presse. L’ampleur de la répression des médias par le gouvernement turc est telle qu’elle a été décrite par certains comme la « mort du journalisme ».
Le journalisme n’est pas un crime… Nous défendons l’essence et l’éthique mêmes du journalisme, alors que [le gouvernement] essaie de les détruire.
Fatih Polat, rédacteur en chef du journal Evrensel

La peur est paralysante
L’érosion de la liberté de la presse n’est pas nouvelle en Turquie. En 2013, lorsque les vastes manifestations contre la destruction du parc Gezi ont éclaté à Istanbul, l’une des principales chaînes d’informations diffusait un documentaire sur les pingouins plutôt que de couvrir les manifestations. Des journalistes ont perdu leur emploi parce qu’ils avaient mécontenté les autorités. Des organes de presse qui critiquaient les autorités ont été repris et leur ligne éditoriale a été modifiée pour être plus complaisante à l’égard du gouvernement.
Le journalisme indépendant est au bord du gouffre en Turquie : plus de 120 journalistes et autres professionnels des médias sont emprisonnés et des milliers d’autres ont perdu leur emploi en raison de la fermeture de plus de 156 organes de presse.
La peur d’aller en prison pour avoir critiqué les autorités est palpable : les articles des journaux et les programmes de discussion de l’actualité, très populaires en Turquie, ne comptent que très peu d’opinions dissidentes et les points de vue ne sont pas très variés.
Les journalistes travaillant pour des organes de presse étrangers et les journalistes indépendants n’ont pas été épargnés. Certains ont été expulsés ou se sont vu refuser l’entrée sur le territoire turc, et d’autres ont vu leur carte de presse révoquée.
La répression des médias en chiffres

Des médias contraints au silence
Imaginez un instant un monde sans presse libre. Comment serait-ce ?
Des informations limitées sur le monde qui nous entoure. Aucun accès à des analyses différentes et donc moins de possibilités d’amener les institutions et les gouvernements à rendre des comptes de manière ouverte et transparente.
Des médias dynamiques et pluralistes sont indispensables pour que tous les membres de la société puissent exercer leurs autres droits humains. C’est un moyen essentiel d’assurer l’exercice de la liberté d’expression, et notamment du droit de rechercher et de recevoir des informations et des idées de toutes sortes. La liberté de la presse est indispensable pour amener les puissants à rendre des comptes pour leurs actions.
L’emprisonnement prolongé de journalistes et d’autres professionnels des médias les réduit au silence, a un effet dissuasif sur les autres et crée un gouffre considérable dans le débat public. Il est donc primordial d’obtenir la libération des journalistes emprisonnés, afin de créer un meilleur futur pour les droits humains en Turquie.
Cette répression doit cesser. Les journalistes et autres professionnels des médias en détention provisoire prolongée et punitive doivent être libérés. Le journalisme n’est pas un crime : les personnes qui exercent cette profession doivent avoir le droit de travailler.